Des jihadistes exécutent un humanitaire nigérian pris en otage

Capture d'écran extraite d'une vidéo diffusée le 25 juillet 2019 par le groupe jihadiste ISWAP montrant les 6 otages d'ACF enlevés à Kennari au nord-est du Nigeria.

Un travailleur humanitaire nigérian enlevé avec cinq autres personnes par un groupe jihadiste dans le nord-est du Nigeria en juillet a été exécuté, a annoncé mercredi l'ONG française Action contre la faim (ACF), dont les bureaux ont été fermés par l'armée la semaine dernière.

"Le groupe armé retenant captifs une salariée d'Action contre la faim, deux chauffeurs et trois personnels du ministère de la Santé a exécuté un otage", affirme un communiqué sans préciser lequel des otages avait été tué.

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Un humanitaire d’Action contre la Faim exécuté par des djihadistes


ACF "condamne dans les termes les plus forts cet assassinat et appelle de manière urgente à la libération des cinq autres otages en rappelant que ces derniers étaient présents dans le Nord-Est du pays uniquement pour venir en aide aux plus vulnérables".

Les cinq autres otages sont aussi de nationalité nigériane.

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L'ONG se dit "particulièrement inquiète" et "totalement mobilisée pour s'assurer qu'ils puissent être en sécurité rapidement et retrouver leurs familles".

Ils avaient été enlevés lors de l'attaque de leur convoi le 18 juillet, sur la route entre la capitale de l'Etat du Borno, Maiduguri, et la ville de Damasak. Un des chauffeurs avait été tué pendant l'embuscade.

L'Etat islamique en Afrique de l'Ouest (Iswap), affilié au groupe Etat islamique (EI), a publié, peu après l'enlèvement, une vidéo de l'employée d'ACF demandant la libération des otages avec les cinq autres prisonniers - des hommes - se tenant derrière elle.

Iswap, une faction du groupe armé Boko Haram ayant fait scission en 2016, est particulièrement actif dans cette région reculée proche du lac Tchad et frontalière avec le Niger, où il mène depuis un an des attaques répétées contre les forces de sécurité nigérianes.

La semaine dernière, l'armée nigériane avait obligé ACF à évacuer ses bureaux de Maiduguri et Damaturu, dans l'Etat voisin de Yobe, accusant l'organisation humanitaire "d'aider et d'encourager les terroristes" en leur fournissant nourriture et médicaments.

Une source humanitaire basée dans la région avait alors confié à l'AFP que ces fermetures soudaines pouvaient être liées avec les négociations menées pour faire libérer les otages.

- Fermetures soudaines d'ONG -

Mercy Corps, une autre ONG internationale active dans le nord-est du Nigeria, qui fournit de l'aide d'urgence (alimentaire, logement) et au développement (formation professionelle, prêts), a vu également ses bureaux être scellés par l'armée mardi soir.

"Mercy Corps suspend ses opérations dans les Etats du Borno et Yobe, après la fermeture de quatre de nos antennes par l'armée nigériane", a annoncé Mercy Corps dans un communiqué, ajoutant n'avoir "reçu aucune raison officielle de la part des autorités".

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Un journaliste de l'AFP a pu constater que trois soldats et un membre des milices civiles se tenaient devant les bureaux de l'ONG de Maiduguri et y ont installé une tente.

L'armée n'a fait aucun commentaire et n'a pas répondu aux sollicitations de l'AFP.

Une enquête contre Mercy Corps avait été ouverte en mars dernier par l'Agence contre la corruption et les crimes financiers (EFCC) après une saisie d'une importante somme d'argent en cash "qui laisse penser à du blanchiment d'argent et à du financement d'organisation terroriste"

Les relations entre l'armée nigériane et les ONG dans le nord-est du Nigeria ont toujours été très tendues.

En août 2017, des soldats avaient mené une fouille jugée "illégale" dans un camp des Nations unies de Maiduguri, et les bureaux à Abuja d'Amnesty International, ONG de défense des droits de l'homme qui dénonce les exactions des forces de sécurité nigérianes, sont régulièrement visés.

"Mercy Corps a aidé à ouvrir le débat sur (le groupe armé) Boko Haram en menant des recherches de fond avec des interviews d'anciens combattants", note le chercheur du CNRS Vincent Foucher, spécialiste du conflit.

- Guerre économique -

"Ces derniers mois, l'armée a renforcé sa guerre économique contre Boko Haram" en tentant de stopper tous les circuits d'approvisionnement de nourriture notamment en direction des insurgés, explique M. Foucher à l'AFP.

"On a constaté des destructions de marchés dans les communautés rurales, interdiction de certains commerces. Est-ce que pression actuelle sur les humanitaires est liée à cela ?", interroge l'expert.

L'armée nigériane a souvent accusé les ONG de faire des distributions alimentaires ou de médicaments qui retombent ensuite dans les mains des combattants.

D'autre part, les ONG -quasiment absentes jusqu'à la terrible crise alimentaire de 2016, où des millions de personnes risquaient la famine- rappellent régulièrement les besoins en nourriture et en sécurité, contredisant le discours officiel selon lequel l'insurrection est "techniquement vaincue".

Dans un nouveau rapport, les Nations unies estiment que 35.000 personnes ont été tuées depuis 2009, près de 2 millions de déplacés ne peuvent toujours pas regagner leurs foyers, et plus de 7,1 millions de personnes ont besoin d'une aide humanitaire dans le nord-est du Nigeria.