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La présidentielle bousculée par un magnat des médias


Un poster de campagne du candidat à la présidentielle emprisonné, Nabil Karoui, à Tunis, le 10 septembre 2019.
Un poster de campagne du candidat à la présidentielle emprisonné, Nabil Karoui, à Tunis, le 10 septembre 2019.

La candidature controversée de l'homme d'affaires Nabil Karoui bouscule l'élection présidentielle en Tunisie, dont le premier tour aura lieu dimanche.

Avant même qu'il soit arrêté et placé en détention le mois dernier dans le cadre d'une enquête pour évasion fiscale et blanchiment d'argent, le publicitaire utilisait sa chaîne d'information privée pour diffuser des images de lui distribuant de l'aide aux pauvres.

Il fait désormais campagne derrière les barreaux, niant les accusations portées contre lui, qu'il impute à des manoeuvres politiciennes. La candidature de Nabil Karoui teste les limites de la jeune démocratie tunisienne, qui organise sa deuxième élection présidentielle au suffrage universel direct depuis la révolution de l'hiver 2010-2011 et la chute de l'ex-président Ben Ali en janvier 2011.

D'abord programmé pour le 17 novembre, le scrutin a été avancé au 15 septembre en raison de la mort du président Béji Caïd Essebsi le 25 juillet dernier. Essebsi avait été le premier président démocratiquement élu du pays, en 2014.

Les sept millions d'électeurs tunisiens seront appelés dimanche à départager 26 candidats. Sans majorité absolue pour un ou une candidate au premier tour, le second tour se tiendra en octobre ou novembre. Si Nabil Karoui s'impose au terme de ce processus, puis qu'il est condamné et empêché d'exercer ses fonctions, la crise politique risque d'être inévitable.Cependant, on ignore encore quelles seront les suites données à l'enquête ouverte par la justice. Les derniers sondages placent Nabil Karoui devant le Premier ministre Youssef Chahed et Abdelfattah Mourou, candidat du parti islamiste modéré Ennahda.

Youssef Chahed mentionne rarement le nom de Karoui mais l'allusion paraît évidente quand il dit vouloir combattre la "mafia des médias" et les "aventuriers qui menacent la transition démocratique". Nombreux sont ceux au sein de la classe politique qui voient dans l'homme d'affaires un démagogue utilisant sa chaîne de télévision à des fins politiques. Ses partisans considèrent en revanche son arrestation comme le résultat d'une conspiration pour l'écarter du pouvoir et marginaliser les classes populaires dont il se dit le champion. Des observateurs tunisiens et étrangers ont dénoncé le fait qu'il n'ait pas pu participer à un récent débat télévisé.

"JE VOTERAI POUR CELUI QUI ME PAIE"

Nabil Karoui a créé une entreprise de médias avec son frère avant la révolution de 2011 mais il s'est fait connaître sur la scène politique tunisienne quand sa chaîne de télévision Nesma a défendu les partis laïques contre Ennahda avant les élections législatives de 2014 et contribué à leur victoire. Sa popularité aujourd'hui s'appuie sur l'organisation caritative Khalil Tounes qu'il a fondée en 2016 pour combattre la pauvreté, et baptisée du nom de son fils tué dans un accident de la route.

La chaîne, dont l'autorité des médias a ordonné la fermeture, continue cependant d'émettre sans licence.

Dans le quartier déshérité de Kabariya à Tunis cette semaine, un groupe de jeunes gens s'en est pris à des partisans de Karoui distribuant des tracts, les forçant à remonter dans leurs véhicules. Samira Chaouachi, qui fait campagne pour le magnat des médias, a estimé que cet acte d'intimidation prouvait que Nabil Karoui luttait contre des forces puissantes, accusant le Premier ministre Youssef Chahed d'être à l'origine de son arrestation.

Dans ce quartier de Kabariya, des habitants s'avouent conquis par le discours - ou les largesses - de Nabil Karoui. "Il est le seul à aider Kabariya. Tout Kabariya votera pour lui", assure Mohammed Ali, un travailleur saisonnier. Une femme, qui ne donne pas son nom mais promet aussi de voter pour lui, ajoute en toute simplicité: "Je voterai pour celui qui me paie." Mais d'autres, comme Habiba Riahi, une enseignante, ne partagent pas cet avis: "Nous ne sommes pas stupides. Nous sommes pauvres, mais personne ne nous achètera avec son argent."

Avec Reuters

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