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Tensions entre agriculteurs et nomades au Cameroun


Issa Bajiru Manjo, employé du Centre pour l'environnement et le developpement, au Cameroun, le 15 septembre 2017. (VOA/Emmanuel Jules Ntap)
Issa Bajiru Manjo, employé du Centre pour l'environnement et le developpement, au Cameroun, le 15 septembre 2017. (VOA/Emmanuel Jules Ntap)

Au Cameroun, les rapports entre éleveurs mbororo et agriculteurs dans le village Botombo, sont de plus en plus conflictuels. Ces éleveurs venus du Nigeria et du nord du Cameroun, occupent un terrain du domaine national à 252 km de Yaoundé, dans l'arrondissement de Bokito, mais leur présence depuis cinq ans n'arrange plus les agriculteurs.

Des éleveurs mbororo, venus du Nigeria, sont en conflit permanent avec leurs riverains agriculteurs, depuis plus de cinq ans, dans le village camerounais de Botombo.

Reportage d'Emmanuel Jules Ntap, correspondant à Yaoundé pour VOA Afrique
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Une première étape s'impose pour arriver au campement des mbororo du village Botombo, dans l'arrondissement de Bokito, une région du centre du Cameroun. Depuis Yaoundé, il faut parcourir 250 km, soit deux heures de voyage.

La route est une piste boueuse, glissante en saison pluvieuse et péniblement accessible à pied ou à moto.

Au bout de deux kilomètres, dans l'isolement, le campement des mbororo apparait sur une vaste superficie. L'habitat au campement est typique. De petites cases rondes sont éparpillées sur la grande cour du village.

Il y a près de 200 ménages avec une moyenne de 3 à 4 enfants. Le mode de vie de ces pasteurs nomades reste inchangé. L'élevage des boeufs est la principale activité des hommes au campement, une activité meublée de heurts, malgré les médiations.

Les boeufs, de couleur blanche, que l'on aperçoit ici et là, sont devenus, la principale source des conflits entre les éleveurs mbororo et les agriculteurs.

Ces agricultrices riveraines au campement, au Cameroun, le 15 septembre 2017. (VOA/Emmanuel Jules Ntap)
Ces agricultrices riveraines au campement, au Cameroun, le 15 septembre 2017. (VOA/Emmanuel Jules Ntap)

"Les boeufs détruisent nos cultures", témoigne une agricultrice du village, dont les champs sont limitrophes au campement des éleveurs mbororo à Botombo.

Une autre agricultrice, chrétienne elle aussi, dit désormais s'en remettre à Dieu, pour espérer faire de bonnes récoltes depuis que "ces gens sont là".

Même si, les deux communautés se fréquentent, la tension couve entre éleveurs mbororo et agriculteurs à Botombo.

Pour éviter le pire, des mécanismes mutuels de résolutions des conflits ont vu le jour, sous les auspices d'un médiateur, en la personne de Souley Lakoudi.

A gauche, Souley Lakoudi médiateur entre éleveurs et agriculteurs, à droite, Michel Amata, chef traditionnel de Botombo, au Cameroun, le 15 septembre 2017. (VOA/Emmanuel Jules Ntap)
A gauche, Souley Lakoudi médiateur entre éleveurs et agriculteurs, à droite, Michel Amata, chef traditionnel de Botombo, au Cameroun, le 15 septembre 2017. (VOA/Emmanuel Jules Ntap)

"Depuis 5 ans , j'ai résolu plusieurs litiges entre les différents protagonistes", reconnait-il. Sa méthode est simple.

"Lorsque les boeufs ont commis des gaffes dans un champ, nous parlons d'homme à homme et parvenons à trouver un terrain d'entente, en réparant financièrement le préjudice causé, si l'agriculteur est d'avis", explique t-il à VOA Afrique.

"En cas d'échec de la médiation, le chef traditionnel est saisit du dossier et convoque les parties en conflit", ajoute t-il.

Selon l'ampleur des dégats causés par les boeufs, d'autres agriculteurs vont plus loin. Il est même arrivé, "que certains aillent directemment se plaindre auprès du commandant de brigade de gendarmerie de Betamba, une petite bourgade située à une quinzaine de kilomètres environs du village Botombo", nous confie une femme témoin d' un récent conflit entre un éleveur mbororo et les riverrains du campement.

Malgré, les médiations et la politique de pacification des rapports, entre éleveurs mbororo et agriculteurs, prônées par Michel Amata, chef traditionnel du village, les considérations culturelles et ethniques des agriculteurs persistent.

"Pour les agriculteurs du village Botombo, ces terres leur appartiennent et les éleveurs sont à leurs yeux des étrangers, c'est un concept qui est là ", avoue-t-il.

Quête permanente du vert pâturage

Les éleveurs mbororo du campement Botombo sont venus du Nigeria à la recherche du pâturage. Ils se sont joints à leurs frères du nord du Cameroun pour mener leurs activités pastorales.

Pendant dix ans, ils ont résidé dans certaines contrées du département du Noun, dans l'ouest du Cameroun. Ils ont été chassés par les autochtones qui se plaignaient constamment des destructions de leurs champs par les boeufs.

"C'est ainsi que ces mbororo ont parcouru plus de 500km, pour arriver à Botombo", explique Adamu Yusufa, un employé de la plate-forme de la stratégie nationale d'engagement sur la gouvernance foncière.

Les boeufs de la discorde en train de paître, non loin des champs, au Cameroun, le 15 septembre 2017. (VOA/Emmanuel Jules Ntap)
Les boeufs de la discorde en train de paître, non loin des champs, au Cameroun, le 15 septembre 2017. (VOA/Emmanuel Jules Ntap)

"L'accès à la terre pour les mbororo demeure problématique au Cameroun", affirme Adamu Yusufa.

"Le site que ces éleveurs occupe était inhabité. Selon la loi foncière camerounaise, c'est le domaine national, c'est-à-dire le terrain de l'Etat et non des autochtones. Ces derniers n'y ont aucun droit", explique-t-il.

"Notre présence à leurs côtés est de leur conseiller d'engager des procédures administratives afin que l'Etat leur octroie le titre foncier sur ce site", soutient-il.

Au Cameroun, les mbororo sont comptés parmi les peuples autochtones. Dix ans après la déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, le sort de ceux du campement de Botombo inquiète.

"Le Cameroun a manifesté sa volonté de promouvoir et protéger le droit à la terre et aux ressources naturelles des peuples autochtones, toutefois des efforts restent à faire pour favoriser leurs prises en compte dans les lois et les politiques publiques", souligne Samuel Nguiffo, secrétaire général du Centre pour l'environnement et le développement (CED).

Emmanuel Jules Ntap, correspondant à Yaoundé

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