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Retrait du Bénin de la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples


Me Alain Orounla, ministre de la Communication, porte-parole du gouvernement, le 26 avril 2020. (VOA/Ginette Fleure Adandé)
Me Alain Orounla, ministre de la Communication, porte-parole du gouvernement, le 26 avril 2020. (VOA/Ginette Fleure Adandé)

Le Bénin se retire du protocole qui permet à un citoyen de saisir directement la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples. La décision fait suite à ce que le gouvernement béninois qualifie de dérapage et d'égarements qui éloignent cette cour de ses véritables compétences et du rôle crucial qu'elle doit jouer.

Le ministre de la Communication, porte-parole du gouvernement, et celui de la Justice, sont montés au créneau pour apporter des éclaircissements sur les raisons de cette décision qui selon certains ne fait qu'isoler le pays sur la scène africaine et internationale.

Tout a commencé lorsque la Cour africaine des droits de l’Homme et des peuples (CADHP) a ordonné à l’Etat béninois de suspendre les élections communales du 17 mai prochain et ce, sur saisine de l’opposant béninois, Sébastien Ajavon.

Ce dernier se plaignait de "préjudices irréparables" en cas de l’organisation des élections en son absence. Le ministre de la Communication, porte-parole du gouvernement, Me Alain Orounla, a immédiatement réagi, fustigeant "une décision dont l'application remet en cause la souveraineté de l'État béninois."

"Il n'est pas dans les prérogatives de la CADHP d'enjoindre à un Etat d'interrompre son processus électoral qui est un acte de souveraineté", a-t-il déclaré.

Cette décision notifiée à l'État béninois par la CADHP a d’ailleurs suscité le retrait du protocole qui permet à un citoyen de saisir directement la CADHP.

Selon le ministre de la Justice, Séverin Quenum, "ce n'est pas la première fois que cette Cour outrepasse ses prérogatives pour s’immiscer dans des affaires qui ne la concernent en rien".

"Depuis plusieurs années déjà, les décisions rendues par la CADHP ont suscité de très vives préoccupations en raison de graves incongruités. C'est justement la réitération et la récurrence de ces dérapages qu'il n'est pas possible de sanctionner et que la Cour elle-même ne donne pas l'air de vouloir corriger en dépit des remous qu'elle suscite en son propre sein, qui ont amené notre pays à initier son désengagement de la compétence individuelle opérée et adressée au président en exercice de l'Union africaine et au président de la commission de l'Union africaine."

Dans une publication sur sa page Facebook, Valentin Djènontin, l'ancien ministre de la Justice, en exil depuis quelques mois, affirme que "cette posture du régime du président Patrice Talon confirme aux yeux du monde que le Bénin n’est plus un Etat démocratique".

"Le Bénin ne peut vivre en autarcie. Cette décision de retirer aux Béninois la faculté de porter plainte contre l’Etat à la CADHP est un coup d’épée dans la mer", peut-on lire dans la publication. Pour l’ancien parlementaire, l’actuel locataire de la Marina, la présidence n’est pas le propriétaire du Bénin pour prendre tout seul sur lui la responsabilité de retirer le pays de cet instrument sous-régional.

Le consultant politique Agapit Maforikan n'est pas de cet avis. Pour lui , "la Cour a montré ces dernières années ses limites."

"On a l'impression que l'individu prime tellement sur l’Etat qu'on peut les fragiliser du point de vue de l'autorité, du point de vue de la souveraineté. Il ne s'agit pas de ne pas donner suite aux droits d'un citoyen", explique-t-il.

Le Bénin demeure membre de la Cour, mais "refuse de mettre à mal sa souveraineté au nom d'un individu", précise Me Alain Orounla. "Le Bénin est très attaché aux droits de l'homme mais n'est pas prêt à aliéner son autorité face à de telles injonctions. Nous n'avons pas de difficultés à respecter les décisions de justice."

Les élections municipales et communales sont maintenues malgré l'injonction de la CADHP. Pour le gouvernement, ce n'est qu'une question de légitimité et de souveraineté.

Basée à Aruhsa (Tanzanie), la CADHP est composée de 11 juges et tire l'essentiel de sa jurisprudence de la Charte dite de Banjul, qui accorde un vaste champ de libertés aux individus et aux collectives - au détriment des structures étatiques.

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