Liens d'accessibilité

Dernières nouvelles

Procès Obiang : l'étonnement du tribunal français face à un jugement équato-guinéen


Le vice-président de Guinée équatoriale Teodorin Obiang, 25 juin 2013.
Le vice-président de Guinée équatoriale Teodorin Obiang, 25 juin 2013.

Le tribunal parisien qui juge le vice-président de Guinée équatoriale Teodorin Obiang dans l'affaire des "biens mal acquis" a examiné jeudi un jugement rendu à Malabo une semaine avant l'ouverture du procès en France et qui concluait à l'absence d'infraction.

Versé aux débats par la défense du fils du président de Guinée équatoriale, accusé de s'être frauduleusement constitué un patrimoine considérable en France, ce jugement du 12 juin prononçait une relaxe dans une procédure pour corruption, détournement de fonds, abus de confiance, abus de biens sociaux.

Cette procédure visait les responsables de trois sociétés (Edum, Socage et Somagui Forestal) ayant été utilisées pour les investissements réalisés en France par Teodorin Obiang, jugé à Paris pour blanchiment d'abus de biens sociaux, de détournement de fonds publics, d'abus de confiance et de corruption.

Il encourt jusqu'à dix ans d'emprisonnement et une amende qui pourrait atteindre quelque 50 millions d'euros.

"On comprend à la lecture de ce jugement que le parquet (équato-guinéen, NDLR) s'est saisi à la suite de l'instruction" ouverte en France, souligne d'emblée la présidente du tribunal, Bénédicte de Perthuis.

Cette décision "reprend tout le dossier d'instruction", observe-t-elle, et est truffée "de commentaires sur les erreurs ou insuffisances" que la justice équato-guinéenne reproche à l'ordonnance qui renvoie Teodorin Obiang devant le tribunal correctionnel de Paris.

"Il y a quand même une vraie question qui se pose", s'interroge la magistrate: comment tout le dossier a-t-il pu se retrouver entre les mains du procureur général de Guinée équatoriale?

A cet égard, les explications de Me Sergio Tomo, l'un des conseils du prévenu, laissent le tribunal dans un certain flou. Il affirme d'abord que les juges d'instruction - alors qu'il était avocat de l'Etat de Guinée équatoriale, qui a vainement tenté de se constituer partie civile - lui avaient "remis le dossier". "Nous avons tout le dossier, le parquet général de Guinée équatoriale a tout le dossier", soutient-il.

- 'Rigoureusement impossible' -

Interloquée, la présidente lui demande si c'est lui qui est à l'origine de cette transmission.

L'avocat soutient que c'est l'ambassade de France à Malabo qui l'aurait transmis.

L'avocat de la coalition d'opposition équato-guinéenne, Me Jean-Pierre Spizter, n'en croit pas un mot: "ce qu'il dit est rigoureusement impossible".

En tout cas, "les pièces ont été régulièrement transmises", assure l'avocat de Teodorin Obiang. "Vous ne voyez pas où est le problème", relève la présidente. "C'est bien le problème".

Puis la magistrate examine la décision de justice équato-guinéenne. Il n'y a pas de débat contradictoire, note-t-elle, les responsables des sociétés poursuivies ne sont "pas réellement intervenus".

Scepticisme également du côté du parquet national financier: là où en France, une décision de justice est rendue "au nom du peuple", à Malabo, elle est rendue "au nom du chef de l'Etat"... Qui se trouve être le père du prévenu - absent - jugé à Paris.

Eclairage de Me Tomo: "La justice émane du peuple, mais est administrée au nom du chef de l'Etat".

Emmanuel Marsigny, avocat parisien de Teodorin Obiang, livre son explication: une fois le renvoi devant le tribunal parisien prononcé, "la loi permet au prévenu d'avoir copie complète de son dossier". Et elle "ne limite pas l'usage que peut faire le prévenu de ce dossier"...

L'avocat, qui a multiplié les voies de recours pendant l'instruction, a soulevé jeudi une nouvelle question de procédure. Enième manoeuvre "dilatoire", ont déploré les parties civiles.

L'enquête ayant conduit au procès, ouverte après des plaintes des associations Sherpa et Transparency International, a mis au jour le patrimoine considérable de Teodorin Obiang: immeuble avenue Foch, dans l'un des quartiers les plus huppés de Paris, estimé à 107 millions d'euros, voitures de luxe et de sport (Porsche, Ferrari, Bentley, Bugatti).

Ses dépenses somptuaires en France étaient très éloignées du quotidien de son pays du golfe de Guinée, dont plus de la moitié des habitants vivent sous le seuil de pauvreté.

Avec AFP

XS
SM
MD
LG