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Les écoliers congolais en première ligne de la lutte contre Ebola en Ouganda


Contrôle santitaire à Mpondwe, le principal point de passage entre la RDC et l'Ouganda le 14 juin 2019.
Contrôle santitaire à Mpondwe, le principal point de passage entre la RDC et l'Ouganda le 14 juin 2019.

Chaque jour à l'aube, Doneka Kabowo, une adolescente congolaise, marche des kilomètres dans la jungle, sous la menace des miliciens armés qui écument la région, pour se rendre à l'école de l'autre côté de la frontière en Ouganda.

Mais depuis quelque temps, un autre obstacle s'est dressé sur la route de Doneka, 15 ans, et des centaines d'écoliers qui quotidiennement vont de la République démocratique du Congo (RDC) vers l'Ouganda pour y étudier: les contrôles sanitaires pour prévenir la transmission du virus Ebola.

"C'est usant, mais on s'habitue. C'est pour empêcher Ebola de traverser", raconte à l'AFP Samuel Baini, 15 ans, après avoir été examiné à Mpondwe, le principal point de passage entre la RDC et l'Ouganda.

Un nouveau cas d'Ebola a été recensé jeudi en Ouganda, à Mpondwe justement. Celui d'une fillette congolaise de 9 ans, arrivée sur place mercredi avec sa mère, quelques jours après la visite de l'équipe de l'AFP, et décédée vendredi matin.

Elle voulait aller se faire soigner en Ouganda et les équipes médicales à la frontière ont remarqué qu'elle présentait des symptômes semblables à ceux d'Ebola. Les autorités ougandaises ont insisté sur le fait qu'elle n'était entrée en contact avec personne sur leur territoire.

En juin, trois membres d'une même famille diagnostiqués porteurs du virus Ebola en Ouganda, après avoir contracté cette maladie en RDC, étaient décédés. Mais fin juillet, l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) avait déclaré l'Ouganda libre d'Ebola.

Au total, 2.006 personnes sont mortes d'Ebola depuis un an en RDC, et les autorités ougandaises, qui craignent que le virus se propage dans leur pays, ont pris de strictes mesures de prévention.

Près de 18.000 personnes traversent chaque jour la frontière entre les deux pays, selon des chiffres du gouvernement ougandais.

Chacune doit être minutieusement examinée pour s'assurer qu'elle n'est pas infectée par la fièvre hémorragique. On leur prend la température et leur désinfecte les mains. Celles qui ont de la fièvre doivent passer des examens complémentaires.

Rappel à l'ordre

Dans ce flux de voyageurs, figurent des milliers d'écoliers originaires de villages isolés et pauvres du Nord-Kivu, dans l'est de la RDC, à des milliers de kilomètres de la capitale Kinshasa.

Ils sont envoyés par leur famille en Ouganda, pays avec lequel elles ont des liens culturels ou de parenté, et où l'éducation fournie est de bien meilleure qualité.

Tous les jours, ces enfants courent vers Mpondwe, pour certains pieds nus et dans leurs uniformes déchirés, pour se joindre à la ruée matinale.

Les plus âgés aident les plus jeunes à se mettre en ligne, pendant que le personnel médical, derrière son équipement de protection, vérifie leur température et leur ordonne de se laver les mains avec un produit stérilisant.

La plupart des enfants connaissent et maîtrisent la procédure. Même si ce n'est pas parfois sans leur causer des problèmes.

"Des fois, on arrive en retard à l'école, parce qu'on doit faire la queue pour être examiné et que ça prend du temps", souligne Doreane Kambari, 16 ans, qui va à l'école à Bwera, dans le district de Kasese, dans l'ouest de l'Ouganda.

Les autorités ougandaises ont dû rappeler à l'ordre certains écoliers, tentés de prendre des chemins de traverse pour échapper aux contrôles.

"On leur a dit qu'à moins qu'ils soient contrôlés pour Ebola, ils perdraient l'opportunité de recevoir une éducation", explique Rajab Kasero Bezza, directeur d'études à l'école primaire et publique de Nyabugando, située à environ un kilomètre du poste-frontière.

Sensibiliser le public

Même après l'annonce de l'OMS, les Ougandais ont maintenu une vigilance extrême. D'autant que la propagation de la maladie se révèle très difficile à endiguer en RDC.

Cette épidémie est la deuxième plus importante dans l'histoire de la maladie après celle qui a tué près de 11.000 personnes en Afrique de l'Ouest (Guinée, Liberia, Sierra Leone) en 2013-2014.

Le dépistage est crucial, mais pas sans imperfection. Car la durée d'incubation du virus Ebola est de 21 jours. Et il est parfois difficile de le distinguer d'autres maladies, comme le paludisme, la fièvre typhoïde ou la méningite.

Francis Tumwine, un membre de la Croix-Rouge à Mpondwe, souligne combien il a été important de sensibiliser le public pour faire taire les rumeurs entourant Ebola.

"La peur que les enfants congolais amènent Ebola dans les écoles était réelle", remarque-t-il. "Mais nous avons éduqué les gens sur le virus et maintenant ils savent quoi faire".

A Nyabugando, où une centaine d'écoliers viennent de RDC, il a fallu faire preuve de conviction. "Au début, il y avait une attitude négative envers les enfants de RDC (...), mais ça a changé", observe M. Bezza.

Yusuf Baseka, directeur des services sanitaires de Kasese, note que ces enfants ont aussi contribué à changer le regard des gens sur Ebola dans leurs propres communautés.

"Les gens là-bas pensaient qu'Ebola c'était de la sorcellerie", note-t-il. "Mais maintenant, leurs enfants apprennent à l'école, des équipes de sensibilisation à Ebola, que la maladie est réelle et meurtrière, un message qu'ils passent à leurs parents. Nous avons observé un changement de comportement".

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