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Immigration clandestine et croissance économique, le paradoxe ivoirien


Quelques personnes marchent devant une pancarte publicitaire géante du Marché des Arts du Spectacle Africain d'Abidjan (Masa), à Abidjan, le 9 mars 2018.
Quelques personnes marchent devant une pancarte publicitaire géante du Marché des Arts du Spectacle Africain d'Abidjan (Masa), à Abidjan, le 9 mars 2018.

C'est le paradoxe de l'émigration ivoirienne : en 2017 plus de la moitié des demandeurs d'asile en France étaient des Ivoiriens à la recherche de "bien-être", alors que l'économie du pays connaît une croissance soutenue depuis sept ans.

La Côte d'Ivoire enregistre depuis 2011 une croissance moyenne annuelle de 8% et "devrait rester sur un sentier de croissance autour de 7 à 7,5% ces prochaines années", a estimé récemment la Banque Mondiale.

Toutefois, l'institution a rappelé que "le niveau actuel du revenu par habitant reste inférieur à celui du début des années 1980". Le taux de pauvreté avoisine 45%, contre moins de 10% à l'aube des années 1980.

Malgré l'embellie économique, sur les 124.000 personnes demandeurs d’asile en France, 68% étaient des Ivoiriens, selon les chiffres de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (Ofpra) en 2017. La Côte d'Ivoire se positionne également au 4e rang des pays de provenance des migrants qui tentent de gagner l'Europe, selon l'Organisation internationale pour les migrations (OIM).

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"On constate une stagnation des indicateurs sociaux due à une répartition inégale des fruits de la croissance", explique l'économiste-démographe Gervais N'Da. A Daloa (centre-ouest, à 385 km au nord-ouest d'Abidjan), considérée comme une plaque tournante de l'émigration clandestine vers l'Europe, "il n'y a pas d'emplois, pas d'usines d’envergure capable d’absorber le taux de chômage".

Pour l’économiste Yves Ouya, la croissance économique ivoirienne est "tirée par le BTP et les investissements directs étrangers, sans grand impact sur l'activité économique locale, comme la création d’entreprises et de richesses".

Si les difficultés socio-économiques sont principalement responsables du phénomène d'émigration massive, les réseaux sociaux contribuent à l'amplifier.

"Ton compagnon de galère se retrouve après une traversée en Italie et met en avant sa réussite sociale (voiture, maison...) sur les réseaux sociaux. Alors rien ne pourra t’empêcher de l'imiter", explique Chérif Aziz Haïdara, responsable de la jeunesse communale de Daloa.

L'image du pays ternie

Pour lui, Facebook, WhatsApp, Messenger... ont participé à cet appel d'air pour l'émigration clandestine, et sont utilisés aussi par les réseaux des passeurs, une véritable nébuleuse bien organisée.

"La filière ou le réseau est composée d'une vingtaine de personnes sans activités fixes. Ce sont parfois des jeunes du quartier, travaillant dans l'ombre et qui investissent le terrain pour démarcher les candidats", explique Édouard Bado, responsable d'une ONG à Daloa.

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Ces passeurs ont également profité de la destruction, il y a quatre ans, du grand marché de Daloa, le "Black Market" où travaillaient plus de 2.000 jeunes comme artisans, commerçants, cordonniers et vendeurs.

Grâce à ces petits métiers, ces jeunes engrangeaient chacun mensuellement près de 200.000 francs CFA (300 euros) de revenus, l'équivalent d'un salaire moyen dans la fonction publique ivoirienne.

"'Avec la somme de 800.000 à 1,5 million de FCFA (de 1.200 à 2.200 euros), je peux te faire émigrer vers l'Italie afin que tu changes ta vie!' C'est ce rêve qu'ils (les passeurs) ont vendu aux sinistrés du Black Market", souligne M. Bado, dont l'ONG lutte contre l'émigration clandestine.

Face à la crise migratoire qui ternit l’image de la première économique d’Afrique francophone, les autorités ivoiriennes ont entamé depuis trois ans l’évacuation de leurs ressortissants bloqués en Libye après des tentatives de traversée de la Méditerranée pour gagner l'Europe.

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L’opération appuyée par l'OIM et l'Union européenne a permis de ramener au pays "3.445 personnes" et coûté des "millions d'euros" à la Côte d'Ivoire pour la prise en charge.

Le pays compte sur la politique de durcissement du Niger, pays de transit des migrants clandestins ouest-africains vers l'Europe, pour atteindre ses objectifs: freiner le phénomène.

Le flux de migrants au Niger a chuté de plus de 95%" entre 2016 et 2017, passant de 330.000 à environ 10.000 par an, selon l'UE, qui finance la lutte contre l’immigration clandestine.

Avec AFP

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