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En Mauritanie aussi, il n'y a pas loin du Capitole à la Roche tarpéienne


Le motard italien Fabrizio Meoni négocie un passage près de la roche percée, le 10 janvier 2002, (Mauritanie).
Le motard italien Fabrizio Meoni négocie un passage près de la roche percée, le 10 janvier 2002, (Mauritanie).

En dix ans à la tête de la Mauritanie, Mohamed Ould Abdel Aziz a connu la gloire, le pouvoir et les honneurs. Moins de six mois après son départ de la présidence, il se retrouve totalement marginalisé, mis à l'écart par son successeur et ancien dauphin, Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani.

Pour l'ancien général, arrivé à la tête de ce vaste pays sahélien par un putsch en 2008, puis élu en 2009 et 2014, la chute est brutale, inattendue et amère.

Fort d'un bilan sécuritaire plus qu'honorable il est parvenu à maintenir le danger djihadiste, qui fait des ravages au Mali voisin, au-delà des frontières mauritaniennes et face à une opposition en grande partie muselée, il a longtemps été soupçonné de vouloir briguer un troisième mandat consécutif, interdit par la Constitution.

Mais Mohamed Ould Abdel Aziz a choisi de céder le relais, désignant comme dauphin l'un de ses plus fidèles compagnons d'armes, l'ancien chef d'état-major et ministre de la Défense Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani, en qui beaucoup voient le vrai cerveau de la stratégie sécuritaire de ces dernières années.

En juin, l'élection de M. Ghazouani, soutenu par l'Union pour la République (UPR), le parti fondé en 2009 par M. Aziz, n'a été qu'une formalité et, début août, les deux hommes ont pu procéder à la première transition entre deux présidents élus dans ce pays secoué par de nombreux coups d'Etat de 1978 à 2008.

Avant le scrutin, le président sortant avait toutefois indiqué qu'il ne comptait pas quitter la politique et souhaitait jouer un rôle prépondérant en gardant la main sur l'UPR.

Seulement, son successeur n'entendait pas le laisser tirer les ficelles au Parlement et, en cinq mois, le scénario imaginé par l'ex-président a capoté.

- Un stratège calme et déterminé -

La mainmise sur le pays de M. Ghazouani, qui s'est séparé des chefs de la garde présidentielle désignés par son prédécesseur, a été consacrée lors d'un congrès de l'Union pour la République à Nouakchott, en l'absence de son fondateur.

Les quelque 2.250 délégués du parti ont élu sans opposition un nouveau Conseil national, désignant à sa tête un homme choisi par M. Ghazouani, Sidi Mohamed Ould Taleb Amar, ancien ministre qui s'était éloigné de la politique nationale pendant plus de dix ans pour occuper les fonctions d'ambassadeur de Mauritanie en Chine, en Russie et aux Nations unies.

"Le président Ghazouani est un homme calme, discret, cultivé et pétri de valeurs mauritaniennes. Il s'est présenté comme un homme de dialogue et de consensus dans son discours de candidature et il gouverne le pays, depuis cinq mois, avec un style qui confirme cela", analyse l'universitaire et écrivain Idoumou Abbass.

"De plus, les Mauritaniens viennent de découvrir que le calme du président cache un homme de pouvoir fort, décisif et grand stratège", a-t-il ajouté.

"Le temps est au consensus autour de notre président Ghazouani, qui a convaincu tout le monde, y compris l'opposition. L'autre (Aziz), personne n'en parle plus, sauf dans les réseaux sociaux. Il doit prendre sa retraite", déclarait à l'AFP pendant le congrès Ahmed Ould Salem, un membre de l'UPR pourtant connu pour avoir longtemps soutenu l'ancien président.

- Signes d'ouverture -

Alors que le président Aziz tenait le pays d'une main de fer, mettant en prison des sénateurs qui s'étaient opposés à la suppression du Sénat, M. Ghazouani a donné des signes d'ouverture depuis son élection, tout en renforçant son assise politique.

Samedi, l'UPR a admis en son sein quatre nouveaux partis, dont Adil, une formation siégeant dans l'opposition et dont les deux députés viendront renforcer la déjà large majorité à l'Assemblée nationale de l'UPR.

Le nouveau président a également séduit l'ex-Premier ministre Sidi Mohamed Ould Boubacar, arrivé troisième à la présidentielle, qui a salué la "forte capacité d'écoute et une disponibilité entière envers toutes les forces politiques", après une entrevue avec le chef de l'Etat.

Sentant son parti lui échapper, Mohamed Ould Abdel Aziz avait dénoncé lors d'une conférence de presse boudée par les médias officiels "une action de sape, anticonstitutionnelle, dans l'illégalité absolue, de la part de gens qui ne sont même pas membres du parti, sur ordre du pouvoir".

Il avait évoqué la possibilité de créer un nouveau parti, mais les prochaines échéances électorales sont lointaines, avec des législatives, communales et régionales prévues en 2023 et une élection présidentielle en 2024.

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