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Covid-19: le Niger redoute de nouvelles violences à l'approche du ramadan


Des étudiants lors d’une manifestation à Niamey, 30 avril 2014.
Des étudiants lors d’une manifestation à Niamey, 30 avril 2014.

L'approche du ramadan fait craindre une flambée de violences au Niger, où des émeutes ont éclaté dans plusieurs villes contre le couvre-feu et l'interdiction des prières collectives, décrétés pour lutter contre la propagation du coronavirus.

"Nous, on veut seulement prier dans nos mosquées, sans violences, rien de plus et nous sommes décidés à exercer ce droit religieux", menace Hassane Dari, un jeune commerçant du Lazaret, un quartier populaire de Niamey, interrogé par l'AFP mercredi.

"On n'a pas pu faire les prières collectives les vendredis et on veut en plus nous empêcher les prières durant le mois béni de ramadan ? Ca ne va pas se passer comme ça !", se révolte Hadjia Aïssa, une ménagère de Banizoumbou, un quartier voisin de Lazaret.

Les troubles ont commencé il y a un mois dans une localité du centre de ce pays profondément musulman, dès l'annonce par le gouvernement des mesures de lutte contre l'épidémie, en particulier la fermeture des mosquées, avant de s'étendre à la capitale depuis près d'une semaine.

Les forces de l'ordre ont interpellé près de 300 personnes ces derniers jours, alors que le ramadan doit bientôt débuter dans ce pays très pauvre d'Afrique de l'Ouest.

Bien que le Niger soit relativement peu touché par l'épidémie de coronavirus, avec 657 cas dont 20 décès selon un bilan officiel mardi, les autorités avaient pris dès le début il y a un mois des mesures drastiques pour stopper sa propagation : fermeture des frontières, état d'urgence, couvre-feu, fermeture des lieux de culte et des écoles, isolement de Niamey du reste du pays.

Les émeutes ont débuté le 23 mars dans la localité de Mirrya (région de Zinder, centre), où des jeunes armés de gourdins et d'armes blanches ont incendié des bâtiments et des véhicules, selon les autorités.

Une semaine après, dans la région de Tahoua (ouest), des manifestants ont envahi les rues de la commune d'Illéla, ciblant la mairie et des biens particuliers qu'ils ont incendiés.

Dans ces villes, des dizaines de manifestants ont été arrêtés et écroués, selon les autorités.

Les troubles se sont poursuivis à Niamey à partir de vendredi dernier, prenant une ampleur inédite.

Une dizaine de quartiers de la capitale, dont Lazaret et Banizoumbou, se sont "embrasés" dimanche soir, des troubles ayant été menés par "des individus organisés" ayant bravé le couvre-feu pour "brûler des pneus et s'attaquer à des biens privés", a dénoncé à la télévision mardi le gouverneur de Niamey Issaka Assane Karanta.

- Nombreuses interpellations -

Au moins 108 manifestants ont été arrêtés lors d'une première vague entre le 17 et le 19 avril. Dix d'entre eux ont été écroués à la prison de haute sécurité de Koutoukalé, selon la police.

Les manifestations se sont poursuivies lundi soir et 166 personnes ont encore été interpellées, a indiqué la police mercredi. Les personnes ont été arrêtées "dans le feu de l'action : en train de détruire les routes, de casser les lampadaires pour ériger des barricades, de mettre le feu à des pneus".

Selon des publications sur les réseaux sociaux, où les émeutiers diffusent parfois en direct leur actions, de nouvelles manifestations ont eu lieu mardi dans la nuit à Niamey.

Pour tenter de calmer les esprits, les autorités et d'influents chefs religieux multiplient les appels aux fidèles.

"La terre entière" est une "mosquée, sauf le cimetière et les toilettes. Fuyez devant les maladies contagieuses, comme vous fuirez devant un lion. Ne mettez pas ensemble les personnes contaminées et les personnes en bonne santé. Il faut les séparer", a martelé la semaine dernière à la télévision le président nigérien Mahamadou Issoufou.

Le 18 avril, le Conseil islamique du Niger, plus haute instance religieuse nationale, a "demandé à toute la population de faire preuve d'endurance" et de "s'abstenir de tout attroupement (dans les mosquées) dans le seul but de se protéger et de protéger les autres".

Semblant lâcher un peu de lest, le gouvernement nigérien a annoncé mercredi soir "l'assouplissement des horaires du couvre-feu à Niamey", désormais fixés de 21h00 à 05h00 du matin (20h00 et 04H00 GMT)", au lieu de 19h00 à 06H00.

Le communiqué du conseil des ministres ne précise cependant pas si les prières collectives seront de nouveau autorisées dans les mosquées, comme l'espèrent certains fidèles.

"Pour éviter une amplification de la violence, ils vont certainement lever le couvre-feu et rouvrir les mosquées juste pour la durée du ramadan", veut croire Allassane Issa, riverain d'une mosquée de Danzama-Koira, autre quartier de la capitale.

A Niamey, une ville de 1,5 million d'habitants, "il y a une mosquée presque à chaque coin de rue" donc "il est difficile de tout contrôler", constate-t-il.

Le Niger a déjà connu des troubles religieux graves.

Après la publication de caricatures du prophète Mahomet par le journal français Charlie Hebdo en 2015, des émeutes antichrétiennes avaient fait dix morts à Niamey et détruit la plupart des églises de la capitale et de Zinder. Le Niger compte 1 à 2% de chrétiens.

Outre la pandémie de coronavirus, le Niger fait face depuis plusieurs années à une spirale de violences de groupes jihadistes, qui frappe toute la région sahélienne.

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