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Centenaire 14-18 : au Gabon, des combats oubliés de la Grande guerre


Un bâtiment de l'entreprise française Total à Port-Gentil, au Gabon, le 19 janvier 2017.
Un bâtiment de l'entreprise française Total à Port-Gentil, au Gabon, le 19 janvier 2017.

"A 16h45, Coco Beach était redevenu terre française” : le 21 septembre 1914, deux mois après le début de la Grande guerre, des combats aujourd'hui oubliés ont eu lieu loin d'Europe, dans les colonies française et allemande d'Afrique centrale.

"La prise de Coco Beach, chef-lieu du territoire allemand du Muni (actuel Gabon), est un des plus heureux épisodes des combats livrés en Afrique depuis le commencement de la guerre", rapportait à l'époque le journal L'Illustration, seule publication à faire état en métropole de ces combats.

Ils commencèrent à 4h du matin le 21 septembre dans cette bourgade portuaire à 70km au nord de Libreville et durèrent jusqu'à la fin d'après-midi. La ville attaquée, Coco Beach, était allemande depuis 1911, comme le reste du nord du Gabon.

L'objectif des pays alliés était simple : chasser du "Kamerun" l'occupant allemand. Ce fut fait le 20 février 1916, après un an et demi de combats.

La "bataille de Coco Beach" fut l'une des premières d'importance de la campagne du Cameroun - Kamerun à l'époque - menée par la Grande-Bretagne depuis le Nigeria, la Belgique depuis le Congo belge et la France depuis l'Afrique équatoriale française (AEF).

Cent deux ans plus tard, les souvenirs de cette campagne militaire sont oubliés, mais une exposition à l'Institut français du Gabon (IFG) de Libreville tente de raviver les mémoires.

"Les opérations militaires contre le Cameroun n'ont pas présenté, aux yeux du public, la même importance que celles du front métropolitain", notait déjà en 1933 Joseph Aymerich, commandant des troupes françaises de l'AEF, dans ses mémoires.

"Lorsque des millions de soldats versaient leur sang pour défendre le sol national, qui pouvait songer à la poignée de gradés coloniaux et de tirailleurs indigènes, dont le sacrifice obscur s'accomplissait au coeur de l’Afrique ?", s'interrogeait-il.

Pourtant, les conséquences de cette campagne furent lourdes de sens pour la région, puisque le nouveau découpage colonial qui a suivi fut le dernier avant l'indépendance des pays concernés, en 1960.

Le Kamerun fut partagé entre les colons français et britanniques à la première partition de la Grande guerre, qui est aux racines de la crise que traversent actuellement les deux régions anglophones du pays.

- "Villages détruits" -

Au Gabon, le nord du pays redevint français. Là, des traces des deux batailles majeures qui y ont eu lieu existent, à Mimbeng et Coco Beach. Une association a été créée, et un cimetière et un monument aux morts ont vu le jour.

"Les Français et les Gabonais ont combattu ensemble contre les Allemands. C'est important de transmettre cette mémoire, c'est des liens séculiers qui existeront toujours !", estime Paul Duro, de l'association gabonaise de l'Ordre du mérite français, à l'initiative de ces monuments.

Mais peu d'études ont été faites au Gabon sur la question, explique Léon Modeste Nnang Ndong, professeur à l'Université Omar Bongo (UOB).

Cela alors que "les combats de Mimbeng ont laissé des souvenirs inoubliables, beaucoup de vieux racontent ces histoires qui passent d'une génération à l'autre", raconte-il.

De même, "des villages ont presque ou totalement disparu après la Première guerre mondiale. Les recrutements ont fait que les jeunes gens ont été enrôlés, quand les autres ont fui vers les villes ou ailleurs parce qu'ils ne voulaient pas l'être", selon lui.

Au total, selon le professeur Nnang, 1.500 Gabonais ont été mobilisés comme tirailleurs pour la conquête du Cameroun et 56.000 comme porteurs, qui accompagnaient les colonnes de soldats pour transporter matériel militaire et ravitaillement.

De ceux-là, la mémoire s'est aussi peu à peu effacée.

"L'honneur sera grand pour tous ceux qui ont si courageusement combattu au Cameroun (pour) la grandeur et la gloire de la France", avait pourtant promis en 1916 le ministre des Colonies, Gaston Doumergue.

Avec AFP

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