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Algérie: les contestataires entendent mobiliser contre Bensalah et la présidentielle


Manifestation à Alger, en Algérie, le 10 avril 2019.
Manifestation à Alger, en Algérie, le 10 avril 2019.

Les contestataires entendent mobiliser massivement lors du premier vendredi de manifestation en Algérie depuis l'annonce d'une présidentielle le 4 juillet: ils craignent que ce scrutin soit frauduleux et ne serve qu'à conforter le pouvoir intérimaire dont ils réclament le départ.

Sur les réseaux sociaux, où est née la contestation qui a abouti à la démission d'Abdelaziz Bouteflika, les appels à manifester continuent d'être relayés pour la 8e semaine consécutive, notamment sous le mot-dièse "Ils partiront tous".

"Ce vendredi, on va leur montrer ce que ça veut dire +dégage!+", explique Walid, 21 ans, manifestant jeudi avec quelques centaines d'autres personnes à proximité de la Grande Poste, épicentre de la contestation dans le centre d'Alger.

"Je n'irai pas voter. Pour quoi faire?", affirme le jeune homme.

La présidentielle a été fixée au 4 juillet par le tout nouveau chef de l'Etat par intérim, Abdelkader Bensalah, 77 ans, figure de l'appareil mis en place par Bouteflika.

Pour la première fois depuis le début de la contestation, qui s'est déroulée dans le calme et sans incident ces dernières semaines, un cordon de véhicules et de policiers interdit l'accès au parvis devant la Grande Poste, bâtiment néo-mauresque emblématique d'Alger.

Cela n'empêche pas les manifestants de scander "Algérie libre et démocratique" et "Bensalah, dégage!".

Désigné par la Constitution pour assurer l'intérim, cet apparatchik est devenu la cible des slogans qui visaient initialement Bouteflika, président malade dont il était ces dernières années la "doublure" officielle, en Algérie et à l'étranger.

"Demain, on sera nombreux, très nombreux. Ils ne savent pas ce qui les attend. Ils ne pourront rien contre nous", assure Yassine, 23 ans, revanchard.

Pour Louisa Dris-Aït Hamadouche, enseignante en Sciences politiques à l'Université d'Alger 3, "la manifestation (vendredi) sera probablement intense et massive". "Le soulèvement populaire a déjà donné sa réponse à l'intronisation de Bensalah" comme chef de l'Etat par intérim le 9 avril, poursuit-elle.

"L'élection du 4 juillet est rejetée par le peuple qui refuse également la nomination de Bensalah", renchérit Mahrez Bouich, professeur de philosophie à l'université de Bejaia (250 km à l'est d'Alger).

- "Légale mais non légitime" -

Pour les protestataires, cette présidentielle organisée en trois mois ne peut être libre et équitable car elle serait organisée dans un cadre juridique et par des institutions et des personnalités hérités des 20 ans de pouvoir de Bouteflika, marqués par des scrutins frauduleux selon l'opposition.

Manifestants et voix de la société civile réclament la mise en place d'institutions ad hoc, en vue d'une véritable transition post-Bouteflika.

Le pouvoir, lui, veut rester dans le cadre prévu par la Constitution: une présidentielle sous 90 jours.

Chaque camp reste sur ses positions. M. Bensalah a reçu le soutien implicite de l'armée, revenue au centre du jeu politique algérien depuis que son chef d'état-major, le général Ahmed Gaïd Salah, a lâché M. Bouteflika rendant inéluctable sa démission.

Le général Gaïd Salah a dénoncé des "slogans irréalistes", en allusion aux appels au départ de tous les acteurs du "système" au pouvoir. Il a estimé "irraisonnable" une transition hors du cadre institutionnel actuel, et promis aux manifestants que l'armée garantirait "la transparence et l'intégrité" du scrutin.

"L'essentiel pour l'armée est d'avoir un président rapidement, pour avoir des institutions stables et se concentrer sur ses missions de sécurisation du pays", analyse Rachid Grim, qui enseigne les Sciences politiques à l'Institut supérieur de gestion et de planification (ISGP).

Cette présidentielle est "légale mais non légitime", selon Louisa Dris-Aït Hamadouche.

Le pouvoir va scruter attentivement la mobilisation dans l'espoir d'un affaiblissement. Si des millions d'Algériens envahissent à nouveau les rues du pays comme les semaines précédentes, comment imaginer qu'ils se rendront aux urnes dans trois mois? Et s'ils s'abstiennent, de quelle légitimité bénéficiera le nouveau président?

"Trois mois, c'est long pour un mouvement populaire, pour le moment il tient bon", note Louisa Dris-Aït Hamadouche.

Mais, à l'inverse "trois mois c'est court" pour transformer un mouvement populaire en mouvement politique organisé, souligne Rachid Grim, estimant qu'une telle structuration n'est "pas pour demain".

L'attitude des forces de sécurité sera également scrutée vendredi, alors que mardi la police a pour la première fois depuis le 22 février tenté de disperser une manifestation pacifique d'étudiants à Alger et qu'elle a empêché jeudi tout rassemblement devant la Grande Poste.

Avec AFP

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