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Les villageois racontent la terreur islamiste au Mozambique


Des déplacés ayant fui les récentes attaques à Naunde, au nord du Mozambique, le 13 juin 2018.
Des déplacés ayant fui les récentes attaques à Naunde, au nord du Mozambique, le 13 juin 2018.

"Ils ont empalé la tête sur un bout de bois, ils l'ont grillée sur le feu d'une voiture qu'ils venaient juste d'incendier et ils l'ont abandonnée là, sur le marché...". Narciso Cassimo frissonne encore en revivant les détails du raid meurtrier des "islamistes" sur son village du nord du Mozambique.

Devant les ruines noircies de sa maison, cet éleveur raconte le sort subi par son voisin le soir du 4 juin quand les quelque 2.000 habitants de Naunde ont été attaqués.

"Ils ont coupé la tête de M. Alimo", se rappelle Narciso Cassimo dans son village niché au milieu des palmiers, tout près de l'océan Indien et de l'île pour riches touristes d'Ibo. "Ils cherchaient les hommes, les jeunes, pour les décapiter".


Lui a eu plus de chance, il s'en est sorti vivant. "Mais ils ont brûlé tout ce que j'avais, mes chèvres, mes vêtements, tout", poursuit-il, "j'ai dormi sous un arbre avec ma femme".

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L'opération meurtrière n'a pas été revendiquée mais, pour la population comme pour la police, elle est l'oeuvre des "shababs", ce groupe de jeunes musulmans fondamentalistes qui sèment la terreur dans la province du Cabo Delgado depuis des mois.

A chacun de leurs coups de main, le même scénario se répète. Des hommes armés sortent de la forêt et fondent sur un village, décapitant, pillant et incendiant à tour de bras.

Depuis la fin mai, ils ont laissé derrière eux plus d'une trentaine de morts, selon un décompte très provisoire.

- "Capturés et tués" -

A Naunde, le bilan a été particulièrement lourd. Sept personnes tuées à l'arme blanche, sept autres blessées et plus de 150 habitations réduites en cendres.

Une semaine après l'attaque, le village a gardé l'allure d'un champ de bataille. Quelques soldats, fusil en bandoulière, y déambulent au milieu des gravats et des squelettes de cases noircies par les flammes.

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Pas un bruit. Seul le souffle de la brise dans les palmiers vient troubler la torpeur d'un village encore sous le choc.

Dans toutes les têtes résonnent encore le claquement des coups de feu et les cris d'épouvante qui ont scandé les quelques heures de l'occupation des islamistes.

"Ils sont arrivés de la plage. En arrivant, ils nous ont trompés en criant +au voleur, au voleur+", se souvient le secrétaire du village, Mauricio Miranda. "Deux jeunes hommes sont sortis de chez eux pour voir, ils les ont capturés puis tués".

Sur le qui-vive depuis le début des violences qui ont enflammé leur province, les habitants de Naunde s'étaient préparés à être, à leur tour, la cible des "shabab".

"On a décidé de s'en prendre à eux mais on ne savait pas qu'ils avaient des armes à feu. Nous n'avions que des machettes, du venin de serpent et des arcs et des flèches", poursuit M. Miranda. "Quand on a essayé de réagir, ils ont ouvert le feu sur nous et ils nous ont massacrés (...) alors on s'est enfui".

- "Fuyez !" -

Résident d'un village voisin, le directeur de l'école de Naunde s'est porté au devant des "insurgés" sitôt prévenu de l'attaque.

"On est tombé sur eux alors qu'ils brûlaient une voiture. On s'est arrêté et on les a regardés", décrit Atanasio Nacir. "C'est là qu'une femme nous a dit +vous feriez mieux de partir+ parce qu'ils s'en prennent surtout aux hommes".

Le directeur et quelques autres ne se font pas prier pour détaler. Malgré la panique, son adjoint, Issufo Amade, affirme avoir eu le temps de voir des "Blancs" parmi les assaillants.

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"Ils étaient trois Blancs, costauds, ils portaient des grands sacs", affirme-t-il. "Je n'ai pas compris la langue qu'ils parlaient (...), ils avaient des uniformes, les mêmes uniformes que ceux que portent notre armée".

Pendant quelques heures encore, les assaillants vont piller et détruire, méthodiquement.

"Ils ont brûlé deux de mes maisons (...) et mes 25 chèvres dans leur enclos", se plaint le secrétaire Mauricio Miranda. "Puis ils ont battu en retraite en détruisant le pont de la rivière Magaluma, pour empêcher l'armée de les poursuivre".

Partis dans l'urgence pour sauver leur peau, des centaines d'habitants du village n'y sont toujours pas rentrés.

"L'école accueillait 378 élèves et la plupart vivent aujourd'hui éparpillés dans tout le district. On ne sait pas quand ils vont revenir", se désole aujourd'hui le directeur Atanasio Nacir, "nos résultats vont être mauvais cette année".

Ave AFP

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