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Le cas Claudine Gay révélateur des tensions culturelles aux États-Unis


Claudine Gay, la première femme noire à la tête d’Harvard, a démissionné le 2 janvier 2024, six mois seulement après sa nomination.
Claudine Gay, la première femme noire à la tête d’Harvard, a démissionné le 2 janvier 2024, six mois seulement après sa nomination.

Éphémère première présidente noire de Harvard, Claudine Gay a cristallisé les tensions entre conservateurs et progressistes. Récit d'une ascension contrariée, épisode de la lutte communautaire dans la société américaine.

Elle aura tenu un peu plus longtemps que sa consœur Elizabeth Magill de l’université de Pennsylvanie (UPenn). Mais Claudine Gay a quand même jeté l’éponge. Objet de vives critiques depuis quelques semaines, la première femme noire à la tête de la prestigieuse université américaine d’Harvard a démissionné le 2 janvier 2024, six mois seulement après sa nomination.

"Il est devenu clair pour moi qu’il est dans l’intérêt de Harvard que je démissionne afin que notre communauté puisse traverser cette période de défi extraordinaire en se concentrant sur l’institution plutôt que sur ma personne", a indiqué la politologue de 53 ans dans une lettre publique.

À l’instar d’Elizabeth Magill – démissionnaire depuis le 9 décembre 2023 – et de Sally Kornbluth, présidente du Massachusetts Institute of Technology (MIT), Claudine Gay était accusée de laxisme dans la lutte contre l’antisémitisme à l’université après l’attaque du Hamas contre Israël le 7 octobre 2023. Une accusation exacerbée par son audition controversée du 5 décembre 2023 au Congrès.

Élément accélérateur

Sommée de dire si « oui ou non » "l’appel au génocide des juifs viole leur code de conduite ?" ou leurs règles sur l’intimidation ou le harcèlement, elle avait en effet répondu, comme ses paires de UPenn et du MIT : "Cela dépend du contexte", au nom de la liberté d’expression.

De quoi susciter l’ire de nombreux élus de même que la Maison Blanche. L’épisode a servi d’accélérateur des critiques contre Gay, également accusée depuis octobre 2023, d’avoir plagié une partie de sa thèse de doctorat.

Qu’importe pour ses détracteurs, si un examen de la Harvard Corporation, organe de gouvernance de l'université, a révélé le 12 décembre 2023, "quelques cas de citations inadéquates", mais aucune violation des normes de Harvard en matière d’inconduite dans la recherche.

"Il a été pénible de voir mis en doute ma détermination à lutter contre la haine et à faire respecter la rigueur scientifique – deux valeurs fondamentales qui sont pour moi essentielles – et effrayant d’être soumise à des attaques personnelles et à des menaces alimentées par du racisme", a poursuivi Gay dans sa lettre de démission.

Jubilation des conservateurs

Derrière ces accusations s’est en effet jouée une campagne de certains milieux conservateurs américains contre ce que Claudine Gay incarnait en termes d'identité culturelle à la tête d’Harvard. Symbole de promotion de la diversité et de l'inclusion, cette femme née de parents haïtiens était devenue une cible pour les dénonciateurs du mouvement dit "woke".

"Réduire le nombre de candidats sur la base de critères de race, de sexe ou d’orientation sexuelle n’est pas la bonne approche pour déterminer les meilleurs dirigeants pour nos universités les plus prestigieuses", a réagi le milliardaire Bill Ackman, un des plus grands critiques de la désormais ex-présidente de Harvard.

"C'est le poison de l'idéologie DEI (Diversité, Égalité et Inclusion). Je suis heureux qu'elle soit partie", a renchéri Christopher Rufo connu pour son activisme contre le "wokisme". Selon Claudine Gay, "les campagnes de ce type commencent souvent par des attaques contre l’éducation et l’expertise, car ce sont les outils qui permettent le mieux aux communautés de voir clair dans la propagande. Mais de telles campagnes ne s’arrêtent pas là".

Pour l’universitaire féministe et professeure d'anglais Koritha Mitchell, "le tort de Claudine Gay en tant que première présidente d’Harvard en 387 ans d’histoire était de ne pas avoir accepté sa place au sein d'une institution qui n'a pas été pensée pour elle".

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