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La première entreprise certifiée durable au Cameroun suscite le tollé des communautés rurales


Emmanuel Elong de la Synaparcam répond aux questions de la presse sur la certification RSPO contestée de la Safacam, à Yaoundé, le 1er juillet 2021.
Emmanuel Elong de la Synaparcam répond aux questions de la presse sur la certification RSPO contestée de la Safacam, à Yaoundé, le 1er juillet 2021.

"Depuis 1897 que nous avons cédé nos terres à la Safacam, elle ne nous a jamais fait don même d’une borne fontaine".

L'octroi d'une certification de durabilité à une multinationale opérant au Cameroun suscite un tollé au sein de certains groupes autochtones qui affirment que le géant de l'agroalimentaire n'a pas investi dans leurs communautés.

Les conclusions de l’audit environnemental et social de la Société Africaine Forestière et Agricole du Cameroun (Safacam), l’une des plus anciennes agro-industries installées dans le pays, ne font pas l’unanimité. En effet, la société a reçu une certification RSPO par un organisme indépendant basé aux États-Unis, SCS Global Services.

Cette certification est synonyme de bonnes pratiques sur les sites d’exploitation de la Safacam, filiale de la Socfin, un groupe industriel basé au Luxembourg au sein duquel le groupe français Bolloré est actionnaire minoritaire.

Cette société possède de vastes étendues de terres pour le développement de l’agriculture à grande échelle dans les localités de Mouanko et Dizangué dans la région du Littoral. Au-delà du Cameroun, la multinationale a des plantations dans plusieurs autres pays, y compris en Sierra Leone, à São Tomé et Principe, au Nigeria et au Liberia, lit-on sur le site web du groupe.

Seulement, voilà: la certification est contestée par les représentants des communautés des villages camerounais riverains à cette agro-industrie.

"Pas même une borne fontaine"

En 2018, sous la pression de la société civile, la Safacam s’était engagée dans le processus de faire certifier ses pratiques environnementales et sociales sur ses sites d’exploitation d’hévéa et du palmier à huile au Cameroun.

Ce processus vise à faire respecter les droits des riverains. Mais "depuis 1897 que nous avons cédé nos terres à la Safacam, elle ne nous a jamais fait don même d’une borne fontaine", s’indigne Raymond Priso, un notable du village Nsèppè Elog Ngango, situé à plus de 80 km de Douala.

Presqu’au bord du désespoir, Raymond Priso pense que la Safacam "veut pousser les gens de mon village au suicide parce qu’on n’est même pas considérés comme leurs riverains et pourtant ses plantations sont sur nos terres".

D’un ton sec au cours d’une conférence de presse tenue à Yaoundé pour dénoncer les lacunes du processus de consultation pour la certification RSPO de Safacam, le notable de Nsèppè Elog Ngango martèle "que la Safacam arrête cette façon de faire certifier les plantations".

Manque de consultations

Selon l’activiste Camerounais Emmanuel Elong, "un bon processus de certification d’une agro-industrie doit être entièrement consultatif et toutes les parties prenantes doivent être informées".

Celui de la Safacam mené par SCS Global Services essuie également des critiques de Catherine Bakamba, une habitante de Dikola, l’un des quatre villages riverains de l’agro-industrie.

"Leur rapport ne montre pas qu’il sont passés à Dikola. Les auditeurs doivent revenir sur le terrain pour que nous puissions leur faire part de la question de nos limites qui ne sont pas respectées par la société", réclame-t-elle.

A Dizangué, Michel Essonga coordonne les activités de Synergie nationale des paysans et riverains du Cameroun (Synaparcam), une association d’activistes qui dénonce les abus des multinationales sur les populations.

"Je n'ai pas eu d'entretien avec l'auditeur qui est venu là-bas sur ce que nous reprochons à la Safacam, j’ai lui ai remis uniquement des documents parce qu'il était accompagné des agents de Safacam", affirme-t-il.

Lors d’une conférence de presse tenue à Yaoundé, la Synaparcam a dénoncé "un manque de confidentialité, de sécurité, et d’indépendance d’un processus défaillant des consultations dans les villages riverains de la Safacam".

L’audit va se poursuivre

Le groupe Socfin n’a pas répondu à la sollicitation de VOA Afrique.

Contacté par VOA Afrique, Charles Kouadio de SCS Global Services, l’organisme qui a fait certifier les plantations de la Safacam, a reconnu que "les villages de Dikola et de Nsèppè Elog Ngango n’ont pas été audités lors de l’audit initial de certification de la Safacam".

Il poursuit: "ces villages sont situés dans une zone différente de celles que nous avons été chargés d'auditer et ne sont pas directement impactés par les zones de la Safacam qui ont été certifiées", tout en précisant que "ces villages seront audités à l'avenir parce que la RSPO exige qu’à terme toutes les zones d’une entreprise soient certifiées de manière progressive".

Une entreprise agro-industrielle accusée d'accaparer des terres au Cameroun
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Précédent dangereux

Guy Patrice Kabela, consultant en gestion de ressources naturelles, prévient que, "si ça continue sur cette lancée, il me semble que ça présage d’une implosion plus tard".

Car pour ce socio anthropologue, "c’est un précédent dangereux, ça donnerait un peu comme une caution pour que d’autres certifications soient octroyées de la même façon sans prendre en compte le passif des communautés".

La Safacam est la première agro-industrie à se voir attribuer une certification RSPO au Cameroun. Par elle, l’entreprise est considérée auprès des investisseurs et acheteurs comme productrice de l’huile de palme durable.

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