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Le moabi, essence rare et cruciale pour les peuples autochtones, menacé de disparition au Cameroun


Des femmes concassent des graines de moabi à l’est du Cameroun, le 20 septembre 2021.
Des femmes concassent des graines de moabi à l’est du Cameroun, le 20 septembre 2021.

Dans la zone forestière du l’est du Cameroun, les organisations de protection de l’environnement et les communautés autochtones plaident pour la fin de la surexploitation de l’essence végétale rare appelée le moabi.

La disparition progressive du moabi fait du Cameroun un mauvais élève dans la conservation de cette essence rare. L'impact se fait déjà ressentir dans la vie des communautés forestières.

Dans les villages Ntoumvo’o et Kabilone dans l’est du Cameroun, l’évocation du moabi par les communautés autochtones de forêts se fait déjà au passé. Il faut en effet parcourir des dizaines de kilomètres pour trouver un pied de ce grand arbre jadis proche des concessions.

"Là où l’exploitation forestière est passée pour trouver un moabi, ce n’est plus facile", s’alarme Cédric Morel, un jeune du village Ntoumvo’o. "Le moabi est en train de disparaître", ajoute-t-il.

L’arbre moabi dans un village baka dans l’est du Cameroun, le 20 septembre 2021. (VOA/Emmanuel Jules Ntap)
L’arbre moabi dans un village baka dans l’est du Cameroun, le 20 septembre 2021. (VOA/Emmanuel Jules Ntap)

"Dans les forêts communautaires autour de nos maisons, ils ont coupé tout ce qu’il y avait comme moabi", dénonce Jean Paul Ngufo, habitant du village Nomedjoh.

De 2009 à 2018, 109.000 mètres cubes de moabi ont été exportés vers la France et la Belgique, révèle un récent documentaire. Son auteur, Achille Wankeu, parle "d’une essence exploitée illégalement".

"Le problème c’est reconstituer le stock de moabi dont on a besoin pour à la fois générer des graines pour les populations et produire des volumes de bois importants pour l’exploitation forestière et à ce niveau-là, ce qui y a aujourd’hui ne permet plus de satisfaire ces deux demandes-là", confie Achille Wankeu à VOA Afrique.

Le moabi est une essence très prisée sur le marché international pour la qualité de son bois, mais dans les zones forestières, le moabi est d’une très grande utilité pour d'autres raisons.

"On l’utilise pour les rites, on utilise les feuilles et l’écorce du moabi comme médicaments, on utilise les graines pour extraire de l’huile alimentaire et l’huile cosmétique c’est avec cette huile que les femmes entretiennent leurs cheveux dans les villages", explique Dr Samuel Nguiffo, secrétaire général du Centre pour l’environnement et le développement, une association à but non lucratif.​

Face à la menace de disparition du moabi, des pépinières voient le jour pour préserver cette ressource à l’initiative de Tropical Forest and rural development, une ONG locale.

Dans les villages Ndomzock et Kabilone, des plants ont été distribués aux villageois. Marie, une habitante du village Kabilone, a reçu une douzaine de plants de moabi qu’elle fait pousser dans son champ de cacao.

Lobbying et activisme

D’autres acteurs veulent aller beaucoup plus loin. Ils proposent que cette ressource soit inscrite à l’initiative CITES, la convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvage menacées d’extinction. Il s’agit d’un accord intergouvernemental qui a vu le jour en 1973 à Washington.

Le gouvernement camerounais entrevoit d’organiser en chefferies unifiées le peuple autochtone Baka qui fait un usage multiforme du moabi. Cette reconnaissance sur le plan administratif devrait leur permettre de bénéficier des projets de développement et de conservation de leurs ressources naturelles.

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