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RDC : trafic illicite de minerais des officiers congolais et complicité avec les groupes armés révélés


Des militaires congolais assis à bord d’un véhicule militaire dans la zone minière de Walikale, Nord-Kivu, 21 septembre 2010.
Des militaires congolais assis à bord d’un véhicule militaire dans la zone minière de Walikale, Nord-Kivu, 21 septembre 2010.

L’ONU a publié dimanche le rapport de son groupe d’experts en RDC, mettant à nu entre autres des violations répétées de l'embargo sur les armes, le trafic illégal de minerais et la complicité des forces de sécurité congolaises avec les groupes armés locaux et étrangers. Le rapport fait également des révélations sur l’assassinat en mars dernier de deux experts dans le Kasaï.

Les assassins de deux experts onusiens dans le Kasaï étaient un groupe hétéroclite d’individus, souligne le rapport de leurs collègues publié dimanche par l’ONU.

​Pour le groupe d’experts, l’assassinat de leurs collègues en plein accomplissement de leur mission dans le Kasaï constitue une attaque contre le Conseil de sécurité, et par conséquent, une violation grave du droit international humanitaire.

Le coordonnateur du Groupe et spécialiste des groupes armés, "Michael Sharp, et le spécialiste des questions humanitaires, Zaida Catalán, ont été assassinés de façon préméditée dans des circonstances non encore élucidées à ce jour", indique le rapport.

Le groupe d'experts note que "l’identité (des assassins) n’avait toujours pas été établie au moment de l’établissement du présent rapport."

Le document souligne qu'au moment de son élaboration, la justice militaire avait arrêté certains suspects, dont deux qui sont actuellement en instance de jugement. Le groupe d'experts prévient toutefois qu’en dépit des éléments de preuve disponibles, certains autres suspects clefs n’ont pas encore été arrêtés.

Les experts onusiens soutiennent qu’en mai 2017, ils se sont entretenus avec un officier supérieur de police qui dénonçait le manque de coopération des services de sécurité de l’État participant aux enquêtes. Pour le groupe d'experts onusiens, la diffusion répétée par le Gouvernement congolais d’une vidéo du meurtre des deux experts pourrait nuire au bon déroulement des enquêtes pénales en cours.

Le gouvernement congolais a récemment annoncé, pour sa part, que d’autres suspects faisaient l’objet des recherches des forces de sécurité congolaises.

Le groupe d’experts précise avoir récupéré une cassette audio datée du 11 mars 2017, dans laquelle leurs deux collègues assassinés s’entretenaient avec des représentants du clan Kamuina Nsapu. "Il était notamment question d’une visite de terrain prévue pour le lendemain. L’enregistrement permet de confirmer que l’enquête visait à mieux comprendre la structure des Kamuina Nsapu, ses réseaux de soutien et le recrutement et l’utilisation éventuels d’enfants," explique le rapport.

Les deux collègues experts ont été exécutés 12 mars 2017 dans la localité de Bukonde, dans le Kasaï.

Violations de l’embargo sur les armes

Le groupe d’experts dévoile aussi des violations répétées de l’embargo sur les armes en RDC par quasiment toutes les forces et tous les groupes armés présents sur le territoire congolais.

Le rapport indique, par exemple, qu’en août 2016, les FARDC ont repris aux FDLR un système de missiles appelé "système portable de défense anti-aérienne". "Le modèle en question, un missile sol-air SAM-16 Gimlet ou 9K310 Igla-1, a été découvert dans une ancienne base des FDLR près de Mibirubiru, à 10 kilomètres à l’ouest de la ville de Nyanzalé, dans la province du Nord-Kivu (voir annexe 49). Certains composants de ce système de missiles fabriqué en 1987 manquaient, notamment la batterie, la poignée de commande et le dispositif d’alimentation électrique. Le Groupe a constaté que le système présentait des caractéristiques similaires à celles de missiles fabriqués dans l’ex-Union des Républiques socialistes soviétiques (URSS). Il estime qu’un matériel de ce type aux mains d’un groupe armé représente une grave menace pour la population, voire pour les aéronefs, s’il était remis en état de fonctionnement", note le rapport.

Dans le document, le Groupe rappelle qu’il avait déjà signalé que les FDLR détenaient ce type de matériel et qu’en 1998, l’Armée pour la libération du Rwanda, prédécesseur de fait des FDLR, s’en était emparée auprès du Rassemblement congolais pour la démocratie-Goma au Mont Goma lors d’un affrontement (voir S/2010/596, par. 94).

Selon le groupe, trois sources des FARDC (Forces armées de la RDC) et d’anciens hauts dirigeants des FDLR ont chacun confirmé cette information au Groupe, qui a commencé à retracer le parcours du matériel afin d’établir et de confirmer quels en étaient les pays producteurs et les premiers utilisateurs finaux.

Un chef de la hiérarchie impliqué dans le trafic de minerais

Dénonçant les complicités entre des éléments de forces régulières congolaises et les différents groupes armés parmi lesquels le Conseil national pour le renouveau et la démocratie (CNRD), groupes des rebelles hutus rwandais dérivés des FDRL (Forces démocratiques pour la libération du Rwanda), le groupe révèle avoir noté plusieurs violations de la chaîne de traçabilité des minerais d’étain, de tantale et de tungstène.

Le général de division Gabriel Amisi Kumba (alias Tango Four), commandant des FARDC de la première zone de défense du pays, dans le secteur de l’or, est notamment cité dans le document pour ce qui est du trafic de l’or.

Le Groupe affirme avoir réuni des éléments de preuve de l’implication du haut-officier congolais.

Parmi les témoignages, le groupe reprend entre autres celui d’un agent minier basé dans la ville de Bafwasende, dans la province du Tshopo, qui s’est buté au refus de payer toute taxe de l’État dans une mine d’or par deux conducteurs de dragues au motif que leur propriétaire (des dragues) était le général de division Amisi.

"En janvier 2017, lors d’une visite du Groupe à Bomili, quatre propriétaires de dragues et deux mineurs travaillant sur la rivière Awimi l’ont informé que le général de division Amisi possédait quatre dragues par l’intermédiaire d’une entreprise locale appelée La Conquête. Deux agents publics des mines à Kisangani et à Bafwasende, ainsi qu’un acteur de la société civile, ont eux aussi déclaré que le général de division Amisi détenait des dragues sur la rivière Awimi à Bomili, dans le territoire de Bafwasende," révèle le rapport.

Le Groupe rappelle aussi qu’en vertu de l’article 27 du code minier de la République démocratique du Congo de 2002, les officiers des FARDC ne sont pas éligibles aux droits d’exploitation ou de commercialisation des ressources naturelles.

Viols d’enfants

Parmi les autres sujets abordés, le rapport dénonce les viols d’enfants dans la zone de Kavumu, dans le Sud-Kivu.

Le Groupe dit avoir découvert que ces viols étaient commis par une milice appelée Jeshi La Yesu ("armée de Jésus").

Dirigée par Frédéric Batumike Rugimbanja, alors membre de l’assemblée provinciale du Sud-Kivu, la milice est composée d’anciens éléments des Raïa Mutomboki et des Maï-Maï, de membres de la police nationale et d’anciens ouvriers de la plantation de Bishibirhu.

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