Liens d'accessibilité

Dernières nouvelles

En Centrafrique, l'ombre toujours tutélaire du Tchad


Le président tchadien Idriss Déby serre la main de son homologue Faustin Archange Touadera, à N'djamena, le 24 février 2016.
Le président tchadien Idriss Déby serre la main de son homologue Faustin Archange Touadera, à N'djamena, le 24 février 2016.

Accusé d'accointances avec des groupes armés mais incontournable dans les médiations de paix, le Tchad, est redevenu un partenaire majeur de la Centrafrique, autant indispensable qu'encombrant pour Bangui.

En 2014, le Tchad avait subi un sérieux revers après avoir imposé par la force le président Michel Djotodia : la France était intervenue pour mettre fin aux exactions de la rébellion qui l'avait porté au pouvoir, l'ex-Séléka, poussant Djotodia au départ.

Pointé du doigt pour connivence avec cette coalition de milices à dominante musulmane (responsable d'innombrables violences contre les populations), N'Djamena avait alors fermé son ambassade, la frontière entre les deux pays et rappelé ses troupes présentes en Centrafrique dans la force de l'Union africaine (Misca) après des accusations d'exactions sur des civils.

Ces exactions ont été étayées dans un rapport de l'ONU en juin, suscitant la colère de N'Djamena qui y a vu des "allégations mensongères" et annoncé l'ouverture une enquête interne - dont on n'a plus jamais entendu parler.

Aujourd'hui, le Tchad veut balayer cet épisode houleux et ne retenir du passé que la "symbiose entre (les deux) peuples", selon un diplomate tchadien de la sous-région, qui dit: "Nous avons rouvert notre ambassade en novembre 2016, nous entendons avec notre retour aider le peuple centrafricain".

Une position qui est vue comme une "ingérence" par certains à Bangui: il y a des "accointances" entre le Tchad et certains groupes armés centrafricains, affirme un ministre influent à Bangui.

"Le nord de la Centrafrique est une dépendance de l'armée tchadienne", juge pour sa part Thierry Vircoulon, chercheur à l'Ifri sur la Centrafrique.

Les liens entre le groupe armé Front populaire pour la Renaissance de la Centrafrique (FPRC, à la tête d'une coalition opérant le nord et l'est de la RCA) et N'Djamena sont largement détaillés au fil des rapports onusiens.

Selon des sources concordantes, le puissant ministre tchadien de la Sécurité, Mahamat Bachir, longtemps banguissois avant de rentrer au Tchad (et de prendre la tête de l'agence de renseignements, l'ANS), entretient des liens étroits avec Nourredine Adam, le leader du FPRC: les deux hommes ont étudié ensemble à Bangui.

En guise de réponse, le diplomate tchadien assure et répète que le Tchad "n'impose rien" en Centrafrique.

Psychose des frontières

Cet intérêt tout particulier du Tchad porté à la Centrafrique est lié à une "psychose" du dirigeant tchadien, Idriss Déby Itno, quant à ses frontières avec le Soudan et la RCA, réputées poreuses et théâtre de trafics en tous genres.

En 1990, pour renverser le président tchadien Hissène Habré, il avait lui lui-même lancé son offensive depuis les confins tchado-soudanais. En 2008, quand des rebelles sont parvenus jusqu'aux grilles du palais présidentiel de N'Djamena, les colonnes insurgées venaient aussi de la frontière soudanaise.

De fait, sont présents aujourd'hui en Centrafrique, le long de la frontière avec le Tchad, des groupes armés pointés du doigt pour leur positionnement pro-tchadien: le groupe emmené par Mahamat Al-Khatim, ex-mercenaire tchadien, domine un large territoire au nord-ouest de la Centrafrique, alors que le FPRC d'Adam occupe l'extrême-nord du pays.

Parallèlement, signe de l'intérêt sécuritaire porté par Déby sur la Centrafrique, l'ambassadeur du Tchad à Bangui, nommé en 2016, est l'ex-directeur général de la gendarmerie tchadienne, Daoud Yaya Brahim.

Malgré tout, la Centrafrique a besoin du Tchad dans sa recherche de la paix: incontournable dans la tentative de médiation menée par l'Union africaine (UA) et la Communauté économique des Etats d'Afrique centrale (CEEAC), N'Djamena a la main sur les négociations.

Quitte à imposer son tempo qui est celui de l'amnistie pour certains chefs de groupes armés, selon un observateur des relations entre les deux pays. Le président centrafricain Faustin-Archange Touadéra a promis récemment une "justice implacable" pour les auteurs des crimes commis ces trois dernières années, mais a aussi donné des gages aux groupes armés en nommant plusieurs de leurs représentants au gouvernement.

"'Pour la justice, on verra après', c'est ce que disent les Tchadiens", résume un diplomate occidental à l'AFP.

"Ce n'est pas l'UA qui va imposer l'amnistie, c'est au gouvernement centrafricain d'agir", répond le diplomate tchadien.

Avec AFP

XS
SM
MD
LG