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De Matadi à Kinshasa, "au coeur des ténèbres" de l'économie congolaise


Des légumes, du bois et du charbon de bois sont chargés sur le toit d'une Peugeot, le 7 novembre 2018 à Matadi, en République démocratique du Congo.
Des légumes, du bois et du charbon de bois sont chargés sur le toit d'une Peugeot, le 7 novembre 2018 à Matadi, en République démocratique du Congo.

Du port de Matadi à Kinshasa, un axe routier de 350 km traverse le sud-ouest de la République démocratique du Congo, condensé des potentiels et des blocages économiques du géant d'Afrique à la veille des élections prévues le 30 décembre: équipements vétustes, routes dangereuses, tracasseries administratives.

Jour et nuit, des grues déchargent des conteneurs sur les quais du port international de Matadi, un des rares débouchés maritimes de l'immense RDC, qui ne dispose que de 35 km de littoral sur l'Atlantique pour 2,3 millions de km2, la taille de toute l'Europe de l'Ouest.

A proximité du port géré par un opérateur public, des camions attendent pour charger des produits d'importation, direction la capitale aux 10 millions d'habitants et l'intérieur du pays: appareils électro-ménagers, produits alimentaires, voitures d'occasion...

En sens inverse, d'autres camions ramènent du bois, une des richesses à l'exportation du Congo avec les minerais.

Les grues ne semblent pas tout à fait modernes. "C'est vrai que l'Office national des transports (Onatra) a encore ces matériels hérités de l'époque coloniale", reconnaît le maire de Matadi, Pathy Nzuzi, entre plusieurs hommages à la "vision" du président sortant Joseph Kabila en faveur du développement des entreprises publiques.

"Notre port a besoin de grues nouvelles générations pour pouvoir permettre que le débarquement se fasse en un temps record", ajoute Maxime Nzinga, président de l'Association des douaniers. "Le 'poumon de la République' ne doit pas être abandonné avec des vieux matériels laissés par les Flamands".

Les candidats à la présidentielle promettent des dizaines de milliards de dollars pour le développement de la RDC. M. Nzinga leur demande simplement de "réhabiliter immédiatement ce port" qui fait vivre de nombreuses familles à Matadi.

Le port public est en concurrence avec deux autres ports privés dans la même ville, MPG et CEPECO, conséquence d'une loi sur la libéralisation du secteur des transports de 2008.

Un projet de port en eau profonde est dans les cartons à Banana vers Boma, dans la même région, en partenariat avec une société de Dubaï.

De Matadi, les camions remontent la Nationale 1 vers Kinshasa à travers les collines et les vallées du Congo-Central, également traversé par le fleuve et la ligne de chemin de fer Matadi-Kinshasa, construction des Belges à la fin du XIXe siècle.

Route de la mort

C'est dans ce décor que l'écrivain Joseph Conrad aurait situé son célèbre roman "Au cœur des ténèbres", l'histoire d'un officer qui remonte le fleuve Congo et s'initie à l'Afrique profonde. Un autre élément retient l'attention: des dizaines de carcasses de véhicules accidentés. Des traces de sang sont visibles sur le capot plié en accordéon d'une voiture fraîchement défoncée.

Près de Kisantu, au 2/3 du trajet, un camion-citerne calciné git sur le bas-côté. Le 6 octobre, sa cargaison d'essence a pris feu après une collision avec une autre remorque. Bilan: au moins 50 morts dans le voisinage.

"Nous avons plus de 200 morts par semaine sur la route Nationale 1", avance le gouverneur intérimaire de la province du Kongo-Central, Papy Mambo. Pour lui, ces accidents tuent plus que les groupes rebelles armés à l'autre bout du pays dans l'est de la RDC.

Un chiffre sans doute exagéré, mais quand même. "La route n'est pas sécurisée", reconnaît un chauffeur routier, Pompidou Mvovi, en route pour Kinshasa avec un conteneur d'articles.

Les "Kadhafi"

"La route est tellement étroite, les remorques prennent tellement d'espace, que les chauffeurs des petits véhicules se retrouvent dans les ravins. J'ai été témoin de plusieurs accidents sur cet axe", témoigne Manzeza Ndoluvualu, un "Kadhafi".

Kadhafi? C'est le surnom d'une autre catégorie de professionnels présents sur la RN1, des petits trafiquants d'essence entre la frontière angolaise et Kinshasa.

Des véhicules surchargés circulent dans les deux sens. En direction de Kinshasa, le toit d'une Peugeot 504 d'un autre siècle croule sous un empilement de ballots de manioc, de bois et de "makala" (charbon de bois).

Outre leurs chargements, les camions transportent aussi des grappes de passagers, en grand danger au moindre accident.

Cette route aussi vitale que dangereuse à un prix: dix dollars au péage.

La voiture de l'AFP a également été arrêtée une douzaine de fois par des policiers et des militaires, qui vérifient les papiers et demandent "un café, un 'sucré' (soda), une cigarette, un dollar".

En fin de parcours, une barrière marque la "frontière" entre la province du Bas-Congo et les premiers quartiers de Kinshasa, Mongafula, UPN, Ngaliema...

C'est la fin de la Nationale 1, qui représente 10% du réseau routier asphalté de la RDC (3.400 km d'après le président Kabila).

Dans Kinshasa, les affiches du candidat à la succession du président Kabila, Emmanuel Ramazani Shadary, promettent de "poursuivre l'émergence".

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