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Au Mozambique, les paysans comptent les grains de maïs qu'ils peuvent sauver


Un pont a été emporté à la suite du cyclone Idai, près du village de John Segredo, au Mozambique, le 24 mars 2019.
Un pont a été emporté à la suite du cyclone Idai, près du village de John Segredo, au Mozambique, le 24 mars 2019.

Le soleil tombe sur le village de Begaja, dans le centre du Mozambique. Ruca Mutana arpente une nouvelle fois, comme incrédule, ses champs, en quête de rares épis de maïs ayant survécu au cyclone Idai et aux inondations qui l'ont suivi.

De part et d'autre du chemin qui le ramène chez lui, les plants de maïs s'étendent à perte de vue dans la boue, mais plus aucun ne tient debout.

Tous sont au sol, orientés dans la même direction, celle du vent lorsque qu'Idai a balayé dans la nuit du 14 au 15 mars cette région du centre du Mozambique faisant au moins 446 morts.

"Il y a d'abord eu le cyclone, qui a fait plier les maïs, mais ce n'est pas tout", explique Ruca Mutana, 50 ans, casquette bleue sur la tête. "Il y a ensuite eu les inondations qui ont tué ce qui restait".

Plus loin, des cannes à sucre ont subi le même sort. Un peu plus loin encore, du sorgho. Même constat accablant.

"On devait récolter le maïs dans quelques semaines, mais tout a été détruit, je ne sais pas ce qu'on va pouvoir manger dans les prochains mois", se lamente Ruca Mutana.

Le cyclone Idai ne pouvait pas plus mal tomber. Environ 400.000 hectares de récoltes ont été détruits par les inondations dans le seul Mozambique, pays très pauvre d'Afrique australe, selon le Programme alimentaire mondial (PAM).

"Le cyclone s'est produit juste avant la saison des récoltes", explique Gerald Bourke, porte-parole de l'agence onusienne. "C'est particulièrement difficile pour ce pays qui a un taux de malnutrition très élevé. 42% des enfants sont constamment mal nourris".

A Begaja, bourg d'un millier d'âmes, les arbres plantés dans les champs témoignent de l'ampleur de la crue. Des herbes et plantations emportées par les eaux sont accrochées aux branches, jusqu'à trois mètres parfois de hauteur.

Dans la partie basse du village, complètement détruite, seule une école et une poignée d'autres bâtiments en dur ont résisté. Le sol des salles de classe était encore rempli de boue mardi.

A Begaja, une dizaine de personnes ont été tuées et enterrées là où elles ont été trouvées, raconte un professeur d'école, Zacharia Remedio.

- "Comment on va faire ? " -

Selon des images satellite, les inondations ont formé au Mozambique un "océan intérieur" de 125 km de long sur 25 km de large, encore plus grand que la superficie du Luxembourg, selon le PAM.

Mais après plusieurs journées sèches, les rivières rentrent désormais dans leur lit et l'heure est au constat.

"Ici, il n'y a qu'une récolte par an, et ce sera pour l'année prochaine", prévient Ernesto Roberto Matsine, 42 ans, poussant péniblement son vélo dans un chemin boueux près de Begaja. "En attendant, je ne sais pas comment on va faire."

Car "l'agriculture représente tout pour nous dans ce village. On ne vit que grâce à cela", explique Zacharia Remedio. "Les animaux ont aussi été emportés par les inondations, des chèvres, des boeufs. Les poules, elles, ont trouvé refuge dans les arbres."

Jorge Majuta, 37 ans, a réussi à sauver une trentaine d'épis. "Mais ils ne sont pas mûrs. Et de toute façon, ce n'est pas cela qui va nous nourrir très longtemps."

"Les besoins vont être énormes entre maintenant et la prochaine récolte en 2020", prévient l'ONU, qui a lancé mardi un appel de 282 millions de dollars (250 millions de dollars) pour le Mozambique pour les trois prochains mois.

A Begaja pour l'instant, l'aide se fait rare. "On n'a presque rien reçu", assure Francisco Lopez. Juste une tasse de soja par famille.

Il s'affaire à sauver quelques grains de maïs, alors que les épis détrempés dégagent une odeur pestilentielle. "On regarde un par un les grains, et on garde ce qui peut l'être, parce qu'on n'a vraiment rien à manger."

Mais à plus long terme, ce sont les cultures qui vont devoir être repensées, prévient Gerald Bourke.

"De plus en plus, les pluies vont être erratiques et les conditions climatiques extrêmes. Dans les dix à quinze prochaines années, les scientifiques estiment que les terres où sont actuellement cultivées du maïs en Afrique sud-saharienne ne pourront plus accueillir cette céréale", explique-t-il. "Il fait trop chaud, c'est trop sec."

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