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A Washington, un trajet retour pénible pour les travailleurs de nuit


Station de Metro à Washington
Station de Metro à Washington

Letitia se tient debout devant les rails vides du métro de la station Metro Center à Washington : ce soir-là, cette caissière d'un supermarché ouvert 24 heures sur 24 rentrera à pied, "et les autres soirs aussi".

Depuis juin, le service nocturne ne fonctionne que partiellement et connaît des perturbations liées au "SafeTrack", un programme intense de remise à niveau du métro prévu jusqu'à mars 2017.

"Trente minutes de marche à une heure du matin dans un quartier où ce n'est pas vraiment conseillé...", se résout Letitia, après avoir longtemps attendu une rame qui n'est jamais arrivée. "Aucune alternative n'est proposée", soupire la jeune femme de 28 ans.

Et cette situation pourrait devenir permanente.

La semaine dernière, le directeur général du réseau Paul Wiedefeld a soumis une proposition pour fermer définitivement le métro à minuit le vendredi et samedi, au lieu de 03H00, et à 22H00 le dimanche, au lieu de minuit.

Une mauvaise nouvelle pour Letitia et les nombreux travailleurs de nuit déjà éprouvés par les dysfonctionnements du métro.

"Le +SafeTrack+ est la bonne approche mais nous aurons besoin de plus de temps pour continuer le travail", a déclaré M. Wiedefeld. Il veut profiter de la nuit pour assurer la maintenance permanente du métro.

Aux Etats-Unis, les infrastructures sont dans un tel état de dégradation qu'elles sont devenues un argument de la campagne présidentielle. "Nos infrastructures sont dignes d'un pays du tiers-monde", répète souvent le candidat républicain Donald Trump.

La capitale n'y échappe pas. Source de fierté à son inauguration il y a 40 ans, le métro de Washington est aujourd'hui décrié pour ses failles de sécurité et son manque de fiabilité.

- Une aubaine pour Uber -

Dans une ville où les bars et restaurants ouvrent à chaque coin de rue, la proposition de fermeture plus tôt est perçue comme un frein à une vie nocturne florissante dans la capitale américaine.

Les horaires du "SafeTrack" ont d'ores et déjà donné un aperçu des conséquences économiques redoutées par les chefs d'entreprise.

"Nous avons entendu que des restaurants perdaient jusqu'à 20% de leur chiffre d'affaires à cause du métro qui ferme tôt et des horaires du +SafeTrack+", s'alarme Kathy E. Hollinger, présidente de l'association des restaurants de Washington (RAMW).

Près de la station de "U street", dans un quartier qui regorge de bars et de boîtes de nuit, le gérant du restaurant éthiopien Dukem est obligé de laisser partir ses employés plus tôt.

"On ne ressent pas encore l'impact sur les clients. Le problème, ce sont surtout les employés. A ce rythme, on n'aura plus personne en cuisine et on sera obligés de fermer beaucoup plus tôt : ça tue le business !", déplore Mahaylu Daasyn.

Les clients se tournent généralement vers des applications de chauffeurs privés comme Uber ou Lyft.

"Nous sommes les grands gagnants de cette histoire", se réjouit ainsi Claudette, chauffeur Uber. "Les soirs de week-end, les gens partagent la course avec d'autres utilisateurs. Avec le +SafeTrack+, ça a explosé !".

Installés pour la plupart en banlieue, les employés de restaurants n'ont pas, eux, les moyens de prendre un taxi.

"Comment je vais faire maintenant ?", se demande José, plongeur au restaurant Next Door, craignant de devoir déménager ou changer de travail.

Un problème pour l'instant sans issue auquel le directeur général du réseau a répondu, résigné : "Qu'est-ce qu'on peut faire d’autre ?".

- La sécurité avant tout -

Paul Wiedefeld ne veut plus se contenter de "petits pansements" pour la maintenance du métro, qui a subi ces dernières années plusieurs accidents ayant achevé de ruiner sa réputation.

Deuxième réseau le plus fréquenté des Etats-Unis (derrière celui de New York), le trafic assuré 135 heures par semaine sur 168 ne laisse pas assez de temps aux services de maintenance pour vérifier le bon fonctionnement des voies ferrées, et éviter d'importantes perturbations pour les 710.000 voyageurs quotidiens.

Et malgré les vives critiques, M. Wiedefeld refuse d'ouvrir après minuit : "pas au détriment de la sécurité", a-t-il tranché.

Les changements définitifs n'interviendront pas avant la fin du "SafeTrack". Plusieurs réunions publiques seront organisées avant d'officialiser les nouveaux horaires.

Avec AFP

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