L'Iran veut construire des navires à propulsion nucléaire

Le président iranien Hassan Rouhani s'exprime lors d'une cérémonie marquant la journée nationale de l'énergie nucléaire du pays, à Téhéran (Iran), le 7 avril 2016. Iranian Presidency Office via AP)

L'Iran a annoncé son intention de construire des navires à propulsion nucléaire, en réponse au renouvellement pour dix ans des sanctions américaines, au risque d'envenimer encore plus les relations entre les deux pays.

Qualifiant de "violation" de l'accord nucléaire de 2015 le renouvellement de ces sanctions par le Congrès américain, le président Hassan Rohani a ordonné au chef de l'Organisation iranienne de l'énergie atomique (OIEA) "de planifier la conception et la production de moteurs à propulsion nucléaire pour le transport maritime".

En 2012, en pleine tension entre l'Iran et la communauté internationale sur le dossier nucléaire, des députés avaient évoqué la construction de moteurs nucléaires, utilisables pour les navires et les sous-marins. Le chef de l'OIEA de l'époque, Fereydoon Abbasi Davani, avait alors affirmé que l'Iran avait la capacité de les construire mais qu'il n'en avait pas l'intention.

A quelques exceptions près, en particulier des brises-glaces russes, la très grande majorité des navires à propulsion nucléaire sont militaires.

Des experts avaient estimé à l'époque que la construction de tels moteurs serait trop coûteuse.

M. Rohani prend le risque d'être accusé par les Etats-Unis et Israël, principaux ennemis de l'Iran, de vouloir développer ses capacités nucléaires malgré l'accord conclu avec les grandes puissances en 2015.

Le président élu américain Donald Trump a nommé à son cabinet plusieurs farouches adversaires de l'Iran, à commencer par le futur ministre de la Défense James Mattis et le futur directeur de la CIA, Mike Pompeo.

Et le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a dit qu'il voulait discuter avec M. Trump pour obtenir le démantèlement de l'accord nucléaire. Son pays vient de recevoir deux chasseurs bombardiers furtifs F-35 livrés par les Etats-Unis, avec l'objectif de maintenir un avantage technologique militaire face à l'Iran.

Dans ses deux lettres publiées par les médias officiels, M. Rohani a aussi ordonné au ministère des Affaires étrangères de prendre "des mesures juridiques" au niveau international contre les "négligences" des Etats-Unis dans l'application de l'accord nucléaire, ainsi que contre le renouvellement des sanctions.

Ce renouvellement pour dix ans a été voté à la quasi-majorité par la Chambre des représentants et le Sénat américains. Il doit encore être approuvé par le président sortant Barack Obama pour entrer en vigueur, ce qui ne devrait pas poser de problème.

L'accord nucléaire conclu avec les six grandes puissances prévoit une levée progressive des sanctions internationales frappant l'Iran en échange d'un strict encadrement de son programme nucléaire à des fins uniquement civiles, même si Téhéran a toujours nié vouloir se doter de l'arme atomique.

Après son entrée en vigueur en janvier dernier, une partie des sanctions internationales ont été levées. Mais Téhéran accuse les Etats-Unis d'empêcher une normalisation de ses relations économiques notamment bancaires avec le reste du monde.

Le régime actuel de sanctions, renouvelé tous les 10 ans depuis 1996, devait s'achever à la fin de cette année.

Les Etats-Unis ont suspendu les sanctions anti-iraniennes liées au nucléaire, mais en imposent d'autres qui visent selon Washington son programme balistique et son soutien aux groupes "terroristes". Ces sanctions nuisent aux relations bancaires ou encore aux investissements dans le secteur énergétique de l'Iran.

Les dirigeants iraniens estiment unanimement que le renouvellement des sanctions américaines constitue une "violation" de l'accord. Celles-ci permettent de maintenir un cadre que pourra utiliser le nouveau président américain pour imposer de nouvelles mesures restrictives à l'encontre de l'Iran.

Ultime décideur dans le dossier nucléaire, le guide suprême iranien, l'ayatollah Ali Khamenei, a plusieurs fois exprimé ses doutes sur la fiabilité des Etats-Unis. Il a ainsi récemment critiqué la "précipitation" dans les négociations nucléaires.

Et le président du Parlement, le conservateur Ali Larijani, a estimé que "certaines sections de l'accord auraient dues être écrites avec plus de précision pour éviter les interprétations", critiquant à demi-mots les négociateurs iraniens.

Les Etats-Unis et l'Iran n'entretiennent pas de relations diplomatiques depuis 1980 mais la percée diplomatique majeure avec la conclusion de l'accord nucléaire avait permis d'amorcer un timide dégel entre les deux pays. Néanmoins le climat s'alourdit de nouveau avec la politique iranienne jugée belliqueuse au Moyen-Orient et les réticences des banques internationales à investir en Iran.

Avec AFP