Liens d'accessibilité

Dernières nouvelles

La justice souvent du côté de la police aux Etats-Unis


Un enfant est assis à côté d'un hommage à Alton Sterling, à Baton Rouge en Louisiane, le 7 juillet 2016
Un enfant est assis à côté d'un hommage à Alton Sterling, à Baton Rouge en Louisiane, le 7 juillet 2016

Accusés d'avoir la gâchette facile, comme le montre l'actualité, les policiers américains bénéficient-ils d'une trop grande impunité ? La Cour suprême a relancé ce débat en exonérant un agent qui avait tiré sur une femme armée d'un couteau de cuisine.

Le théâtre de cette dernière controverse est une banale maison de Tucson, dans l'Etat de l'Arizona. Amy Hughes, une femme souffrant de troubles bipolaires, y habite avec une amie, Sharon Chadwick.

Ce jour de mai 2010, les deux occupantes se disputent pour un motif futile: les 20 dollars d'abonnement à un magazine.

Mme Hughes, qui a avancé l'argent et est connue pour agir parfois de façon erratique, menace de tuer Bunny, le chien de Mme Chadwick, si celle-ci ne la rembourse pas.

La créancière tient d'ailleurs Bunny d'une main et, de l'autre, un couteau de cuisine.

Soucieuse de sauver son animal et de calmer son amie, Sharon Chadwick fait quelques pas vers sa voiture pour y prendre 20 dollars.

Telle est la scène exacte que découvrent trois policiers intervenant à la suite d'un appel d'un voisin.

Mme Chadwick expliquera par la suite ne pas avoir cru au chantage au canicide de Mme Hughes, colocataire certes bizarre mais jamais violente.

Telle n'est pas l'impression des trois policiers qui dégainent leur arme de service et ordonnent à Mme Hughes de lâcher son couteau. Comme elle refuse d'obtempérer, l'agent Andrew Kisela tire à travers la clôture.

Atteinte par quatre balles dans son propre jardin, la résidente survivra pourtant à ses blessures.

Son infortune a débouché sur un cas d'école de long combat judiciaire visant à déterminer un abus de force présumé de la police.

Après un premier jugement favorable à l'agent Kisela, la cour d'appel de San Francisco a validé en 2016 les poursuites engagées par Amy Hughes, qui réclame un minimum de 150.000 dollars de dommages-intérêts.

Mais, dans un nouveau revirement lundi, la Cour suprême a annulé l'arrêt d'appel, offrant la victoire finale à Andrew Kisela.

Une décision qui s'inscrit dans une tendance générale au sommet de la pyramide judiciaire aux Etats-Unis à réaffirmer "l'immunité conditionnelle" liée à la fonction policière.

Cette notion en vigueur depuis les années 1980 permet aux policiers américains d'échapper aux accusations de violations constitutionnelles tant que le plaignant échoue à prouver que l'agent en cause a commis un acte manifestement illégal.

>> Lire aussi : Non-lieu pour des policiers ayant tué un Noir en Louisiane

Lundi, deux juges progressistes de la Cour suprême, Sonia Sotomayor et Ruth Bader Ginsburg, ont exprimé leur désaccord avec la décision majoritaire.

"Mme Hughes n'était en aucun cas à proximité des policiers, elle n'avait commis aucun acte illégal, elle n'était suspectée d'aucune infraction et elle n'a pas levé le couteau en direction de Mme Chadwick ni de qui que ce soit d'autre", a écrit Mme Sotomayor.

"Cette décision n'est pas seulement mauvaise sur le plan de la loi. Elle adresse un signal inquiétant aux policiers et à la population", a poursuivi la magistrate. "Elle dit aux policiers qu'ils peuvent tirer d'abord et réfléchir ensuite".

L'arrêt de la haute cour prend une teneur particulière au regard de l'actualité récente.

Deux policiers de Louisiane, qui ont tué par balle en 2016 un vendeur ambulant qu'ils maintenaient au sol, ont bénéficié d'un non-lieu la semaine dernière.

Quelques jours plus tôt, des policiers ont tué un Noir de 22 ans dans son jardin en Californie, pensant qu'il était porteur d'une arme qui s'est révélée être... un iPhone.

Avec AFP

XS
SM
MD
LG