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Un rapport sur les financements des crimes internationaux


Les gens regardent l'épave d'une voiture piégée devant le ministère de l'Education à Mogadiscio, le 14 avril 2015.
Les gens regardent l'épave d'une voiture piégée devant le ministère de l'Education à Mogadiscio, le 14 avril 2015.

Pour la première fois, des experts d'Interpol et de deux ONG réputées ont joint leurs forces pour, dans un "Atlas mondial des flux financiers illicites".

Le rapport estime ces revenus et décrit le millier de routes clandestines utilisées dans le monde pour transporter drogues et défenses d'éléphants, pétrole de contrebande et migrants clandestins.

Ils tuent, volent, violent, trafiquent et pour financer leurs méfaits, les criminels et terroristes internationaux pillent de plus en plus les ressources naturelles de la planète.

"Le crime organisé menace de plus en plus la paix, la sécurité et le développement" assure Mark Shaw, directeur de la Global initiative against organized crime (GIAOC), une ONG basée à Genève. "C'est devenu un phénomène global, aux confluents des conflits entre l'Afrique, le Moyen-Orient et les Amériques, avec un lien direct vers le terrorisme international".

Les "crimes contre l'environnement" représentent désormais la première source de financement des mafias internationales, des groupes rebelles et terroristes, révèle le rapport de plus de 150 pages.

Ces exploitations et taxations représentent au moins 31 milliards de dollars, selon les estimations des auteurs.

L'exploitation illicite des ressources naturelles, comme l'or, les minerais, les diamants, le bois, le pétrole, le charbon de bois et les bêtes sauvages représente 38% des revenus des groupes armés non-étatiques engagés dans des conflits.

Leur deuxième source de revenus (28%) est le trafic de drogue, 26% sont constitués par les taxes illégales, les extorsions, les pillages, seulement 3% par les donations extérieures et 3% par les enlèvements contre rançon.

"L'or noir de l'Afrique"

Ainsi, le rapport estime par exemple qu'en 2017 les talibans afghans ont perçu entre 75 et 95 millions de dollars de la taxation des drogues, des terres et des produits agricoles.

A la mi-2017, le groupe Etat islamique engrangeait ainsi environ dix millions de dollars par mois. "Ce chiffre était de 549 millions à 1,6 milliard en 2014, mais il est vraisemblable que le groupe a constitué des réserves considérables, d'une taille inconnue", estiment les auteurs.

En Somalie, les islamistes radicaux shebab, affiliés à Al Qaïda, tirent ainsi dix millions de dollars par an de taxes illégales sur le charbon de bois, "l'or noir de l'Afrique", à raison de 3 dollars par sac.

Mais en plus, "ils taxent tout", écrivent les auteurs : "l'eau potable des puits, la zakat (impôt islamique), le racket des hommes d'affaires, en personne et par textos, l'agriculture, le bétail. Ils ont des collecteurs d'impôts, reconnaissables à leurs uniformes".

"Pour prévenir ou résoudre les conflits, il est crucial de combattre le crime organisé" estime Christian Nellemann, directeur du Norwegian center for global analyses (RHIPTO), l'autre ONG qui a travaillé sur cette étude. "Souvent les groupes criminels, certains étroitement liés aux élites politiques locales, ont intérêt à ce que la lutte armée se poursuive, afin d'assurer leur contrôle sur les ressources naturelles et les routes de trafic".

Les estimations égrenées dans le rapport donnent la mesure des enjeux: 5 milliards de dollars par an pour le trafic de migrants en provenance des zones de guerre en Syrie et en Irak; 8,4 milliards pour les exportations de cocaïne de la Colombie vers les États-Unis; 1,4 milliard pour les exportations d'opium afghan vers l'Europe, à travers la Russie; 165 millions pour les ventes d'ivoire depuis l'Afrique vers l'Asie.

S'ils font la Une des journaux du monde entier et attirent tous les regards, les groupes terroristes les plus connus sont de petits joueurs, en matière financière, par rapport aux organisations, plus discrètes mais plus efficaces, qui forment le crime organisé transnational, conclut le rapport.

Selon l'ancien directeur des services extérieurs français (DGSE) Bernard Bajolet, "certains intellectuels prédisaient dans les années 2009/2010 la fin du terrorisme et son remplacement par la criminalité. Et bien on a les deux, et on ne s'intéresse pas beaucoup à la criminalité organisée".

Avec AFP

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