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Les protestants interpellent à leur tour le pouvoir en RDC


Joseph Kabila, président de la République démocratique du Congo (RDC) prononce son discours devant l’Assemblée générale des Nations unies, à New York, 23 septembre 2017.
Joseph Kabila, président de la République démocratique du Congo (RDC) prononce son discours devant l’Assemblée générale des Nations unies, à New York, 23 septembre 2017.

L’église protestante a sévèrement critiqué le pouvoir congolais lors d’un culte de commémoration de l’assassinat du président Laurent-Désiré Kabila, père de l’actuel chef de l’Etat congolais.

"J’aime bien l’athlétisme où il y a des courses à pieds surtout. Et, j’aime spécialement une course : la course de relais où une personne transmet le bâton à une 2e personne, à une 3e et à une 4e... Dans l’histoire du pays, c’est pareil aussi. Nous prenons un témoin que nous passons aux autres… Dieu nous a donné un pays des plus riches. Dieu lui-même ne comprend pas pourquoi nous les Congolais nous sommes pauvres... Dieu nous a donné tout dans ce pays", a déclaré dans son serment le pasteur François-David Ekofo devant des officiels congolais et la famille présidentielle dans la cathédrale protestant du centenaire.

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"Dieu a donné la gestion du Congo à nous Congolais… et c’est nous Congolais qui, un jour, rendrons compte à Dieu de notre gestion de sa terre, de la RDC", a souligné le pasteur.

Pour la commémoration du 17e anniversaire de l’assassinat du père du régime congolais actuel, le gouvernement, critiqué par l’église catholique qui exige l’application de l’accord politique, a choisi de prier avec les protestants.

​L’officiant du jour s’est entre autres basé sur les textes de Deutéronome 10;14 et Psaumes 115 qui disent respectivement : "Voici, à l'Eternel, ton Dieu, appartiennent les cieux et les cieux des cieux, la terre et tout ce qu'elle renferme" et "Les cieux sont les cieux de l'Eternel, mais Il a donné la terre aux fils de l'homme".

Le prédicateur a dénoncé l'absence de l'autorité et de la justice en RDC.

"Nous devons léguer à nos enfants un pays où l’Etat existe réellement. Je dis bien réellement. Parce que j’ai l’impression que l’Etat n’existe pas vraiment. L’Etat n’existe pas réellement. Il faut renforcer l’autorité de l’Etat. Nous devons léguer à nos enfants un pays où l’Etat est réel, un Etat responsable, où tout le monde est égal devant la loi. Quand vous devez enfreindre la loi de la République, on vous arrête, on vous juge, on vous condamne comme tout citoyen... La tendance des Congolais, c'est dire: 'la loi est là, mais je suis au-dessus de la loi parce que je suis...'", a-t-il plaidé.

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Le pasteur Ekofo a, dans sa prédication, décrit la situation chaotique dans laquelle vit la RDC, dénonçant l’insouciance des dirigeants.

"Ce que nous avons reçu de nos pères, nous devons le transmettre à nos enfants. Nous avons reçu un pays uni, transmettons à nos enfants un pays uni. Nous devons léguer à nos enfants un pays riche, un pays avec une autosuffisance alimentaire. Je reconnais qu’on peut importer la technologie. Mais dépenser le peu de devises que nous avons pour importer à manger, c’est inadmissible pour la RDC. Il faut renforcer l’autorité de l’Etat", a décrié l’homme de Dieu.

La Première dame et la famille du président ont aussi assisté au service religieux.

"Quand on parcourt l'Afrique, il y a des routes qui permettent aux gens de circuler librement. Mais c'est seulement en arrivant à la frontière en RDC qu'on remarque qu'il n'y a pas de routes. Que ce soit du côté Nord ou côté Sud... Nous devons léguer à nos enfants un pays où tout le monde est égal devant la loi... Savoir passer le bâton à l'autre quand il s'agit d'une course athlétique pour gagner ensemble... L'amour ne se réjouit pas de l'injustice mais de la vérité", a dénoncé l'officiant.

Le prédicateur a aussi interpellé les pays voisins et les pays développer pour qu'ils cessent leur convoitises sur le territoire et les richesses du Congo mais l'aident plutôt à se stabiliser et à se développer.

-Réactions-

Le sermon critique du pasteur protestant Ekofo a suscité des réactions en sens divers.

Le pouvoir estime que le sermon ne visait pas que les institutions mais est plutôt un constat général. Pour le régime de Kinshasa, les pays étrangers et voisins qui convoitent le territoire congolais sont plutôt pointés du doigt.

Henri Mova, secrétaire général du parti au pouvoir, le PPRD (Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie) justifie, pour sa part, les contre-performances du gouvernement parce qu’il en est empêché.

"C’est complexe ! On ne peut pas se contenter de faire une affirmation comme ça. La conscience de servir le Congo est là mais beaucoup de gens nous empêchent de le faire. Que les pasteurs nous interpellent, c’est tant mieux. C’est des patriotes. Mais il n’y a pas de spectateurs d’un côté qui critiquent pendant les autres travaillent pour le pays. Je crois que l’interpellation du pasteur ne concerne pas que la classe dirigeante. Ça concerne tout le monde, y compris la convoitise extérieure. Regardez, par exemple, toute la machination visant à empêcher le peuple congolais à s’exprimer pour la troisième fois aux élections. Et d’autres veulent le bloquer en utilisant l’église", s’est défendu M. Mova au sortir du service religieux.

L’opposition relie le message du pasteur protestant à celui de l’archevêque catholique de Kinshasa, Mgr Laurent Monsengwo qui, lui, a demandé deux semaines plutôt, aux médiocres de dégager.

"Approbation totale de l'exhortation du Rév. David Ekofo. Il a vu la souffrance des brebis et il ne pouvait se taire. ‘Le Congo ne sera pas toujours faible comme il est maintenant. Il va se réveiller un jour.’ Les médiocres doivent dégager pour bâtir un état de droit, un pays riche", a écrit sur son compte Twitter l’opposant Martin Fayulu, président de l’Engagement citoyen pour le développement (Ecidé).

>> Lire aussi : Des catholiques appellent à une nouvelle marche anti-Kabila le 21 janvier en RDC

Une semaine plutôt, le cardinal catholique Laurent Monsengwo, archevêque de Kinshasa, avait, au cours d’un message vidéo, exigé "que les médiocres dégagent", dénonçant la barbarie avec laquelle les forces de sécurité ont réprimé des marches appelées par le Comité de laïcs de son église.

Ces critiques du prélat catholique lui ont valu des menaces du gouvernement qui dément que les marches du 31 décembre aient fait des morts. Mais les organisateurs et l’ONU estiment qu’au moins 6 personnes ont été tuées.

Jeudi dernier, les évêques catholiques ont appelé les Congolais à "barrer la route" à toute tentative de confiscation de pouvoir en République démocratique du Congo, au moment où les relations sont tendues entre l'Eglise et le pouvoir de Kinshasa.

>> Lire aussi : L'Eglise persiste et signe en RDC face à Kabila

Les marches étaient l’initiative du comité de coordination des laïcs catholiques. Elles ont été violemment dispersées.

Les mêmes laïcs catholiques ont, de nouveau, appelé à des marches le 21 janvier prochain. Mais le gouvernement ne les a pas autorisées.

>> Lire aussi : L'épiscopat appelle à "barrer la route" à une confiscation du pouvoir en RDC

La RDC est en crise pour non-tenue d’élections. Le président Joseph, au pouvoir depuis 2001, avec un mandat expiré le 19 décembre 2016, s’est maintenue au pouvoir alors que la Constitution ne lui autorise pas de se représenter parce que déjà élu par deux fois à la tête du pays.

La CENI a, en décembre, reporté une énième fois les élections pour le 23 décembre 2018.

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