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Un fief de l'opposition à Jammeh attend plein d'espoir le retour du président Barrow


Un homme brandit une affiche avec inscription : "C’est fini pour Yahya Jammeh !" au milieu des manifestants en liesse à Serrekunda, Gambie, 19 janvier 2017.
Un homme brandit une affiche avec inscription : "C’est fini pour Yahya Jammeh !" au milieu des manifestants en liesse à Serrekunda, Gambie, 19 janvier 2017.

La peinture vert clair sur un mur inachevé et décrépi est encore fraîche. Elle recouvre des effigies de l'ex-président Yahya Jammeh, explique Karamba Seady Ba, qui, comme une majorité de Gambiens, espère qu'Adama Barrow va changer leur vie.

Bien que la date du retour en Gambie du nouveau président ne soit toujours pas connue - plus de 48 heures après le départ en exil de Yahya Jammeh -, ses compatriotes se montrent compréhensifs envers les inquiétudes d'Adama Barrow pour sa sécurité. Mais leurs espoirs sont immenses.

"Nous attendons d'Adama Barrow qu'il améliore nos conditions de vie et crée des emplois", indique Karamba Seady Ba, commerçant à Soma, une ville de 8.000 habitants dans le centre du pays. "Les jeunes Gambiens préfèrent partir à l'étranger parce qu'il n'y a pas de perspective en Gambie", ajoute-t-il.

"A la fin du mois, après avoir acheté un sac de riz, tu n'as presque plus rien pour vivre", affirme Abdoulie Sabaly, un enseignant de 29 ans, marié et père de deux enfants. "Je gagne 2.000 dalasis (42 euros) par mois. Le sac de riz de 50 kg coûte 1.300 dalasis" (27 euros), explique-t-il.

Dans cette petite ville qui a largement voté pour Adama Barrow, Abdoulie Sabaly affirme avoir voté pour Mama Kandeh, arrivé troisième à l'élection présidentielle du 1er décembre, loin derrière MM. Barrow et Jammeh. Ça ne l'empêche pas aujourd'hui de soutenir le nouveau chef de l'Etat gambien.

La localité vit au rythme des patrouilles des soldats sénégalais, arrivés dimanche dans le cadre de l'opération militaire de la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cédéao) pour forcer Yahya Jammeh à céder le pouvoir, mais aussi des coupures d'électricité et d'eau.

"L'électricité n'est disponible que de 08H00 à midi, puis de 18H00 à 01H00", précise Khassim Fadera, un autre commerçant.

"La vie est difficile en Gambie", résume Ibrahima Tounkara, un chauffeur. "Une seule personne travaille pour toute une famille", ajoute-t-il, citant parmi ses attentes "l'arrivée d'investisseurs et une vie moins chère".

Fin de l'esclavage

Malgré l'immensité de la tâche, beaucoup approuvent le nouveau président, accueilli au Sénégal depuis le 15 janvier à la demande de la Cédéao, qui craignait pour sa vie durant les derniers jours du mandat de Yahya Jammeh, et qui diffère encore son retour pour des raisons de sécurité.

"C'est bien que Barrow reste au Sénégal", estime Lamine Seidi Kane, vendeur. "C'était une bonne idée de le faire partir à Dakar parce qu'il pouvait être tué".

Thierno Diba, un maçon, dit "craindre pour la sécurité de Barrow s'il rentre maintenant en Gambie". "Yahya Jammeh est toujours nuisible même s'il est parti" après 22 ans de règne sans partage, affirme-t-il, souhaitant que les forces ouest-africaines "restent encore longtemps en Gambie" pour neutraliser ses éventuels partisans.

Les Gambiens disent aussi attendre d'Adama Barrow une rupture avec l'exercice solitaire du pouvoir pratiqué pendant 22 ans par son prédécesseur, comme il s'y est engagé.

"Les choses ne peuvent pas bouger en Gambie sans la démocratie", déclare Paa Sait Ceesay, un responsable administratif local.

A Soma comme dans toute la Gambie, les discussions se transforment vite en forum animé depuis le départ de Yahya Jammeh. "Auparavant, avant de parler, on regardait à gauche ou à droite pour vérifier s'il n'y avait pas de danger" d'être dénoncé, dit Abdoulie Sabaly, l'enseignant.

"Que Barrow nous apporte une vraie démocratie, pas une démocratie formelle, le respect de la loi et la bonne gouvernance. Qu'il n'y ait plus d'arrestations et de détention arbitraire", insiste M. Fadera. "La démocratie est notre première priorité", poursuit-il.

"C'est la fin de l'esclavage. Ils parlent pour se libérer. Ils n'avaient pas cette possibilité", plaisante une Sénégalaise.

Malgré le changement espéré, Abdoulie Sabaly pense qu'il n'aura pas la patience d'attendre les progrès promis par Adama Barrow. "La vie est triste ici. Il n'y a pas d'opportunités en Gambie. Je veux aller aux Etats-Unis", insiste-t-il.

Avec AFP

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