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Soudan : manifestation devant le QG de l'armée pour l'appeler à discuter d'une "transition"


La police disperse des manifestants à coup de gaz lacrymogènes à Khartoum, Soudan, le 24 février 2019.
La police disperse des manifestants à coup de gaz lacrymogènes à Khartoum, Soudan, le 24 février 2019.

Les milliers de Soudanais réunis pour la troisième journée consécutive devant le quartier général de l'armée à Khartoum ont appelé lundi à l'ouverture de négociations avec les militaires, en vue de la formation d'un "gouvernement de transition" devant remplacer le président Omar el-Béchir.

Samedi, lors d'une journée de manifestations à travers le pays, sept personnes ont été tuées et près de 2.500 arrêtées, a indiqué lundi le ministre de l'Intérieur Bushara Juma.

Rassemblés lundi devant le complexe abritant le siège de l'armée et le ministère de la Défense, non loin de la résidence du président, des milliers de manifestants veulent convaincre les soldats de soutenir leur mouvement contre le gouvernement et le président Omar el-Béchir.

"Nous appelons les Forces armées soudanaises à engager un dialogue direct avec l'Alliance pour le changement et la liberté afin de faciliter un processus pacifique débouchant sur la formation d'un gouvernement de transition", a dit un dirigeant du groupe à la tête de la contestation, Omar el-Digeir.

"Les forces armées soudanaises comprennent les motifs des manifestations et ne sont pas contre les demandes et les aspirations des citoyens, mais elles ne laisseront pas le pays sombrer dans le chaos", a réagi le ministre de la Défense, le général Awad Ahmed Benawf.

"L'histoire ne le pardonnera pas si les forces armées laissent le pays perdre sa sécurité", a-t-il poursuivi, lors d'une réunion de hauts gradés, selon l'agence de presse officielle Suna.

Depuis le début du mouvement en décembre, l'armée n'a pas participé à la répression des manifestations, menée par le puissant service de renseignement (NISS) et par les forces de police antiémeute.

"Quand l'armée est là, nous n'avons pas peur", ont scandé les manifestants, faisant le V de la victoire.

L'armée doit "retirer son soutien à un régime ayant perdu sa légitimité" et soutenir le peuple "en faveur d'une transition vers un gouvernement démocratique et civil", a déclaré M. Digeir.

Les organisateurs de la contestation ont formé un conseil pour lancer les négociations avec les forces de sécurité et la communauté internationale, afin de transférer le pouvoir à un "gouvernement de transition, fidèle aux voeux de la révolution", a-t-il ajouté.

- "Protéger le peuple" -

"Nous réitérons la demande du peuple de démission immédiate du chef du régime et de son gouvernement", a déclaré M. Digeir devant les manifestants, que les forces de sécurité ont tenté de disperser en tirant des gaz lacrymogènes, en vain.

La mort de sept personnes samedi porte à 38 le nombre de contestataires tués depuis le début de la contestation selon les autorités. Quinze personnes et 42 membres des forces de sécurité ont également été blessés samedi, selon M. Juma. L'armée a déployé lundi des troupes autour de son QG et installé des barricades dans plusieurs rues à proximité, d'après des témoins. Les forces de sécurité ont tenté à plusieurs reprises de disperser les personnes rassemblées pour protester, d'après des témoins.

Selon des militants sur place, l'armée a tiré en l'air à balles réelles, une information non confirmée dans l'immédiat. L'Alliance pour le changement et la liberté, une union de partis d'opposition et de professionnels soudanais, a appelé l'armée à protéger les manifestants du NISS et de la police.

"Nous souhaitons que vous, jeunes officiers et soldats, vous engagiez à remplir le rôle d'une armée nationale, qui est de protéger le peuple", a-t-elle dit.

Lors de précédents rassemblements, les protestataires avaient tenté à plusieurs reprises de marcher vers des lieux symboliques du pouvoir, comme le palais présidentiel, avant de rebrousser chemin, dispersés par les gaz lacrymogènes tirés par les forces de sécurité.

- "Appel au changement" -

Déclenchées par la décision du gouvernement de tripler le prix du pain, les manifestations se sont rapidement transformées en contestation contre M. Béchir, à la tête du pays depuis un coup d'Etat en 1989.

Le Soudan, amputé des trois quarts de ses réserves de pétrole depuis l'indépendance du Soudan du Sud en 2011, est confronté à une inflation de près de 70% par an et fait face à un grave déficit en devises étrangères.

Le Conseil de sécurité soudanais, un organe présidé par M. Béchir et réunissant les plus hauts responsables de l'armée et des services de sécurité, a affirmé dimanche que les demandes des protestataires "devaient être entendues".

Les manifestations de ces derniers jours ont coïncidé avec des coupures d'électricité dans tout le pays, que le ministère de l'Electricité attribue à un problème technique.

Depuis le début des contestations, M. Béchir a refusé de démissionner. Après avoir tenté de réprimer la contestation par la force, il a instauré le 22 février l'état d'urgence dans tout le pays.

La mobilisation avait depuis nettement baissé avant la journée de samedi, date marquant l'anniversaire de la révolte du 6 avril 1985, qui avait permis de renverser le régime du président Jaafar al-Nimeiri.

"Le peuple soudanais a montré une résilience remarquable face aux obstacles extraordinaires auxquels il a été confronté ces dernières années", a affirmé dimanche l'Union européenne qualifiant les rassemblements des deux derniers jours de "sans précédent".

Le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, a pour sa part exhorté lundi le gouvernement du président Béchir à "créer un environnement propice à une solution à la situation actuelle et à la promotion d'un dialogue inclusif".

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