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Soudan: les généraux suspendent momentanément les discussions sur la transition politique


Des militaires soudanais surveillant des manifestants devant le ministère de la défense à Khartoum, le 27 avril 2019.
Des militaires soudanais surveillant des manifestants devant le ministère de la défense à Khartoum, le 27 avril 2019.

Exaspérés par la dégradation des conditions de sécurité à Khartoum où les manifestants n'ont cessé de prendre de la place, les généraux soudanais au pouvoir ont suspendu "pendant 72 heures" les discussions sur la formation d'institutions devant conduire le pays à un pouvoir civil.

Les généraux soudanais ont annoncé dans la nuit de mercredi à jeudi suspendre "pendant 72 heures" les discussions avec le mouvement de contestation, une pause indispensable selon eux pour préparer un accord global sur le transfert du pouvoir au civil.

Après plusieurs jours marqués par des progrès dans les pourparlers, cette annonce est en outre intervenue dans la foulée de nouveaux accrochages armés, qui ont fait au moins huit blessés en soirée, à proximité du QG de l'armée à Khartoum, où des centaines de manifestants tiennent un sit-in depuis depuis plus d'un mois.

"Nous avons décidé de suspendre les discussions pendant 72 heures pour préparer le terrain" à la conclusion d'un accord sur la transition, a déclaré le chef du Conseil militaire, le général Abdel Fattah al-Burhane, dans un discours à la nation retransmis par la télévision publique jeudi peu avant l'aube.

Le dirigeant de ce Conseil, qui avait évincé le 11 avril le président Omar el-Béchir, n'a pas totalement fermé la porte aux négociations sur un transfert du pouvoir aux civils mais il a mis la pression sur les chefs de la contestations pour qu'ils contrôlent mieux leurs troupes.

Il a souhaité pendant la période de 72 heures une levée des barricades à Khartoum, la réouverture d'une ligne de chemin de fer reliant la capitale au reste du pays qui a été fermée, selon lui, par les manifestants et la fin de leurs "provocations" à l'égard des forces de l'ordre.

Selon lui, la dégradation de la situation de la sécurité à Khartoum a pris la forme d'"une escalade verbale" contre les forces armées, de la fermeture de ponts et de rues, d'une ligne de chemin de fer, de désordres dans la ville et de l'"infiltration parmi les manifestants d'éléments armés responsables de tirs contre les forces de l'ordre".

Le général Burhane a défendu, dans son contexte, les unités controversées de la Force de soutien rapide (RSF) accusées d'interventions musclées contre les manifestants qui ont fait huit blessés mercredi et six tués --cinq civils et un militaire-- lundi soir.

"La RSF a joué un rôle de premier plan en temps de guerre et de paix et a pris la défense du peuple et contribué au succès de sa révolution", a-t-il affirmé.

Des chefs de la contestation, membres de l'Alliance pour la liberté et le changement (ALC), fer de lance de la protestation, avaient annoncé auparavant avoir été informés de la suspension par l'armée des discussions politiques.

Le Conseil militaire et les dirigeants de l'ALC étaient censés plancher mercredi soir sur la composition d'un Conseil souverain, institution clé de la période de transition, fixée à trois ans, après avoir progressé sur la formation d'une assemblée législative.

- Enlever les barricades -

"Le Conseil militaire a suspendu les discussions et demandé de démanteler les barrages dans certaines parties de la capitale", a déclaré Rachid al-Sayed, porte-parole de l'ALC. "Ce Conseil nous a dit que les manifestants doivent démanteler les barricades et réintégrer le principal sit-in" où les manifestants campent depuis le 6 avril, a-t-il précisé.

Ces manifestants ont obtenu l'éviction du président Omar el-Béchir et poussent depuis pour un transfert du pouvoir à des autorités civiles.

Lundi, après les premières violences autour des barricades qui ont fait six morts, le Conseil militaire a estimé "inacceptable" l'érection de barrages en affirmant qu'ils créaient le chaos dans la capitale.

A la suite des violences de mercredi, l'Association des professionnels soudanais (SPA), un pilier de la contestation, a appelé à la mobilisation en demandant, dans un communiqué, aux Soudanais de montrer leur "soutien aux manifestants", en les rejoignant dans leur sit-in devant le QG de l'armée dans la capitale soudanaise.

Elle a en même temps exhorté les manifestants à "garder le caractère pacifique de leur mouvement et à éviter tout affrontement".

- Progrès -

Le processus de négociation a enregistré d'importants progrès depuis lundi.

La physionomie de l'assemblée législative a été définie. Elle devrait être composée de 300 membres, dont 67% seront désignés parmi l'ALC. Le reste des sièges sera réservé aux représentants des forces politiques non affiliées à cette alliance.

L'un des leaders de la contestation, Khaled Omar Youssef, a minimisé le rôle qu'aura à jouer le Conseil souverain, insistant sur le fait que le pays disposera d'un gouvernement puissant.

"Le cabinet aura les pleins pouvoirs et sera formé par l'ALC", a-t-il déclaré à l'AFP, ajoutant que l'alliance pourrait faire appel à des technocrates. "Seuls les ministères de la Défense et de l'Intérieur iront aux militaires".

M. Youssef a insisté sur la nécessité d'avoir un Conseil souverain composé essentiellement de civils, alors que les généraux souhaitent qu'il soit dominé par les militaires.

Les Emirats arabes unis, attentifs à l'évolution de la situation au Soudan et qui se sont associés à l'Arabie saoudite pour lui apporter une aide de 3 milliards de dollars, se sont félicité des progrès.

Ce processus "met le Soudan sur la voie de la stabilité et du redressement après des années de dictature de Béchir et des Frères" musulmans, a tweeté le ministre d'Etat émirati aux Affaires étrangères, Anwar Gargash.

Une profonde crise économique a alimenté la contestation déclenchée le 19 décembre et le triplement du prix du pain a mis le feu aux poudres.

Avec AFP

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