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En Sierra Leone, le retour en classe d'élèves exclues pour leur grossesse


Elizabeth Issa (à gauche) se tient avec une autre étudiante en dehors d'une école proposant des cours pour les femmes enceintes et jeunes mamans à Freetown, Sierra Leone, le 22 février 2016. (Photo: Nina deVries pour VOA)
Elizabeth Issa (à gauche) se tient avec une autre étudiante en dehors d'une école proposant des cours pour les femmes enceintes et jeunes mamans à Freetown, Sierra Leone, le 22 février 2016. (Photo: Nina deVries pour VOA)

Elles avaient été bannies de l'école pour être tombées enceintes durant l'épidémie d'Ebola en Sierra Leone: 5.000 jeunes filles et fillettes ont repris le chemin des classes, laissant toutefois derrière elles des camarades moins chanceuses.

La nouvelle a été annoncée jeudi par le ministre de l'Education Brima Turay à l'AFP: "Elles ont commencé les cours en janvier, durant l'année scolaire, mais nous regardions leurs performances avant d'en faire part et je suis heureux de dire qu'elles font des progrès remarquables et au-delà de nos attentes".

Ces écolières, dont certaines étaient au primaire quand elles sont tombées enceintes, ont été réintégrées après avoir été exclues du système scolaire classique par crainte d'une "influence négative" sur les autres élèves, selon les termes du ministre.

Toutes les écoles avaient été fermées entre juin 2014 et avril 2015 dans le cadre des efforts du gouvernement pour freiner la propagation du virus Ebola, qui a tué près de 4.000 personnes dans le pays.

Les enfants, et notamment les fillettes et jeunes filles, se sont parfois retrouvés livrés à eux-mêmes durant cette période. Pour le représentant local d'Amnesty International, Solomon Sogbandi, nombreuses parmi les milliers de filles n'allant donc plus à l'école "ont été victimes d'hommes ayant de l'argent ou de garçons habitant près de chez elles".

Une étude récente menée conjointement par trois ONG (Save the Children, Plan et World Vision) estimait que 10% des enfants entre 7 et 18 ans "étaient vulnérables dans leurs communautés et ont été contraints à des rapports sexuels pour aider leurs parents à payer la nourriture et le logement".

Lorsque les écoles ont rouvert, les filles ont été évaluées à l'aide des méthodes invasives pour vérifier si elles étaient enceintes ou si elles avaient récemment donné naissance à un enfant.

Kadie, en troisième année d'école secondaire dans le sud du pays, a raconté à l'AFP l'examen qu'elle a subi: "Mes seins ont été pressés pour voir s'ils contenaient du lait avant qu'on me permette de reprendre les cours".

- Politique 'discriminatoire' -

Si à l'inverse il était découvert qu'il y avait ou avait eu grossesse, les élèves n'avaient d'autre choix que d'aller dans des centres de rattrapage où elles avaient droit à des classes alternatives temporaires financées par les gouvernements britannique et irlandais.

En conséquence, de nombreuses écolières et lycéennes ont raté les examens permettant d'accéder au système secondaire pour certaines, aux études supérieures pour d'autres.

Les autorités avaient justifié à l'époque ces méthodes pour "éviter que d'autres filles suivent cet exemple en tombant enceinte durant leur scolarité", ce qui constituerait un "mauvais précédent, étranger aux valeurs culturelles du pays".

Un tollé avait suivi ces déclarations, la Commission des droits de l'Homme de Sierra Leone qualifiant l'exclusion des filles enceintes de "discriminatoire et stigmatisant".

Sallimatu, 13 ans, a livré à l'AFP, par téléphone depuis Bo, la deuxième plus grande ville de Sierra Leone, ses impressions après sa réintégration. "C'est bon d'être dans une salle de classe", a-t-elle dit, ajoutant que la stigmatisation liée aux grossesses adolescentes la poussait à redoubler d'efforts à l'école.

"Nous savons que nous avons déçu les aspirations de nos parents et du pays, mais nous demandons une autre chance de montrer que nous pouvons nous investir dans nos études et contribuer au développement du pays", a poursuivi Sallimatu.

Le gouvernement contribuera à certains des frais de scolarité des jeunes filles pour deux ans et aux frais de la vie quotidienne, a indiqué le ministère de l'Education, en partenariat avec les organismes de bienfaisance pour maintenir de petites classes alors que ces élèves réintègrent le système.

Certaines, cependant, ont laissé l'école derrière elles. Janet qui est tombée enceinte dans la capitale Freetown à seulement 11 ans, a renoncé à l'enseignement. "J'en ai fini avec l'école. J'ai peur d'y retourner et d'y être harcelée aussi bien par mes amis que mes ennemis. Je vais m'occuper de mon bébé de un an et voir ce que la vie peut faire pour moi", a-t-elle confié à l'AFP.

Avec AFP

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