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RDC-Rwanda : les marchandes s'insurgent contre les tracasseries douanières aux frontières


Réseau des Commerçantes solidaires pour la paix dans la région de Grands lacs (COSOPAX) et le maire de Bukavu, Philemon Yogolelo, Sud-Kivu, RDC, 24 février 2017.
Réseau des Commerçantes solidaires pour la paix dans la région de Grands lacs (COSOPAX) et le maire de Bukavu, Philemon Yogolelo, Sud-Kivu, RDC, 24 février 2017.

Les femmes marchandes de la région des Grands lacs battent campagne auprès des autorités administratives et douanières dans la zone frontalière entre le Rwanda et la RDC en vue de la réduction des tracasseries douanières.

Regroupées au sein de l’association dénommée Commerçantes solidaires pour la paix dans la région des grands lacs (COSOPAX), elles affirment vouloir développer le petit commerce entre Bukavu et Cyangugu, les deux villes frontalières de la RDC et du Rwanda, activité à laquelle elles exercent depuis trois ans.

Elles ont transmis mercredi leurs doléances auprès de la ministre provinciale de l’agriculture au Sud Kivu, du maire de la ville de Bukavu et des délégués des services rattachés à la douane du Rwanda et de la RDC.

Les femmes marchandes vendent dans les rues de Bukavu au Sud-Kivu, RDC, 24 février 2017. (VOA/Ernest Muhero)
Les femmes marchandes vendent dans les rues de Bukavu au Sud-Kivu, RDC, 24 février 2017. (VOA/Ernest Muhero)

Selon la Commission diocésaine justice et paix qui les accompagnent, leur activité marchande contribue à assoir un climat de tolérance et de solidarité mutuelle entre les peuples de la sous-région.

Les femmes ont, dans leurs doléances, édifié les autorités de deux pays sur la délicatesse de leur travail, étant obligées de traverser chaque jour plus d’une frontière pour nourrir leur famille.

«Je vais au Rwanda tôt le matin acheter des produits divers; par exemple des souliers fabriqués au Kenya, le parfum et même les sous-vêtements que je revends ensuite au Congo. Grace à ce commerce transfrontalier que j’exerce depuis quatre ans, je suis devenue indépendante financièrement», témoigne avec fierté au micro de VOA Afrique Yvette Nabintu, une commerçante vivant à Bukavu.

Beatrice Ahinyame ressortissante de Cyangugu au Rwanda reconnait, elle, que ce travail est un atout pour organiser son foyer.

«Cette activité nous aide beaucoup et contribue au développement de notre famille, car on arrive à payer la scolarité des enfants; acheter de beaux habits à nos enfants, à nous-même et à nos maris», soutient Mme Ahinyame.

L’habitante de Cyangungu affirme garder un souvenir inoubliable de leur mutuelle. Des délégations des femmes COSOPAX venues du Burundi et du Congo ont fait le déplacement au Rwanda pour partager sa joie en lui apportant des cadeaux lors du mariage de sa fille.

Les femmes vendeuses ambulantes à Bukavu, Sud-Kivu, RDC, 24 février 2017. (VOA/Ernest Muhero)
Les femmes vendeuses ambulantes à Bukavu, Sud-Kivu, RDC, 24 février 2017. (VOA/Ernest Muhero)

Pour Prudence Zawadi, une commerçante de Bukavu depuis 8 ans; malgré les préjugés du passé entre habitants de la région, le commerce transfrontalier contribue à l’édification de la paix.

«J’ai déjà des amis rwandais et burundais avec qui nous faisons le commerce. parfois, je leur rends visite avec mon mari et mes enfants et réciproquement. Le plus important est qu'à chaque évènement, deuil ou fête, nous nous assistons mutuellement», affirme Mme Zawadi.

Ces femmes déplorent tout de même les intimidations à la frontière rwandaise et les tracasseries du coté congolais.

«Au Rwanda, il suffit que tu présentes la facture de ta marchandise à la douane et tu traverses. On y déplore bien sûr un excès de rigueur, d’orgueil et des intimidations. Mais arrivé à la frontière congolaise, on ne te demande même pas de facture, mais en cour de route à tour de rôle 5 à 6 personnes exigent que tu paye des montants forfaitaires sans quittance», déplore, pour sa part, Yvette Nabintu.

«Nous voulons que les règlements concernant les douanes soit expliqués et au besoin affichés pour que les mamans ne soient pas dupées, mais sachent quand j’ai telle marchandise, je dois payer tel montant et auprès de qui», intervient Mme Ahinyame.

Les différents services à la douane représentés dans cette rencontre avec les femmes ont, quant à eux, rappelé les exigences douanières en matière de commerce transfrontalier où la marchandise à faire traverser ne doit pas dépasser la valeur de 2500 dollars américains. Autrement, il faut la faire dédouaner.

Pascasie Musabyemungu, coordonnatrice régional du projet COSOPAX, révèle que depuis trois ans et demi ces femmes ont fait des progrès énormes grâce à l’encadrement de Catholic Relief Service (CRS) en matière de renforcement économique et d’échanges commerciaux.

L’encadrement du CRS vise aussi à renforcer la cohésion sociale dans la dynamique des conflits dans la région des grands lacs.

«Elles ont marqué des pas impressionnants par rapport à la peur, à la discrimination, à la méfiance, aux stéréotypes et préjugés qui existaient avant qu’elles ne se constituent en réseau. Par exemple, au marché où elles exercent le commerce, elles jouent aussi le rôle de médiatrice dans le renforcement de la cohésion régionale et servent ainsi de modèle vis-à-vis de ceux qui les observent», indique Mme Musabyemungu.

A ce jour 120 femmes faisant le commerce transfrontalier au Rwanda, au Burundi et en RDC sont accompagnées par les commissions diocésaines justices et paix de Bukavu, Bujumbura et de Cyangugu.

Reportage d’Ernest Muhero à Bukavu pour VOA Afrique

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