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Pour Chelsea Manning, la liberté sera aussi celle d'être femme


Chelsea Manning lors de son procès, à Fort Meade dans le Maryland, le 5 juin 2013.
Chelsea Manning lors de son procès, à Fort Meade dans le Maryland, le 5 juin 2013.

En 2010 le soldat Manning, alors prénommé Bradley, avait choqué la planète en révélant grâce à Wikileaks des bavures de l'armée américaine. Sept ans de prison plus tard, l'ex-analyste du renseignement retrouve la liberté en tant que Chelsea, anxieuse de vivre enfin sa vie de femme.

On ignore à quelle heure s'ouvriront pour elle les portes du pénitencier militaire de Fort Leavenworth, dans l'Etat du Kansas (centre des Etats-Unis).

Mais on connaît le jour, mercredi, depuis que l'ancien président Barack Obama (2009-2017) a commué en janvier la peine de la détenue transsexuelle, coupable d'avoir fait fuiter plus de 700.000 documents confidentiels, dont 250.000 câbles diplomatiques. Ce déversement de données classées secret défense vaudra à l'ancien militaire déployé en Irak des accusations de collusion avec l'ennemi.

Chelsea Manning.
Chelsea Manning.

Sans Obama, Chelsea Manning serait restée derrière les barreaux avec comme perspective une sortie en 2045, à l'issue de sa peine de 35 ans de réclusion.

Ses proches pensent qu'elle n'aurait pas survécu. Désespérée, la prisonnière a fait deux tentatives de suicide l'an dernier, ainsi qu'une grève de la faim pour dénoncer les procédures disciplinaires auxquelles elle était soumise.

Mais le cycle de dépressions ponctuées de séjours punitifs à l'isolement est fini: celle que ses amis présentent comme une "lanceuse d'alerte" se projette désormais dans une existence nouvelle.

"Pour la première fois, je me vois un avenir en tant que Chelsea. J'arrive à m'imaginer survivre et vivre dans la peau de la personne que je suis dans le monde extérieur", a-t-elle déclaré récemment dans un communiqué.

Son équipe de défenseurs compte toutefois protéger la native de l'Oklahoma (centre), à l'enfance chahutée. Après le divorce de ses parents, Bradley avait subi un exil douloureux au pays de Galles (Royaume-Uni). L'adolescent d'apparence chétive y avait enduré des moqueries quotidiennes pour ses airs efféminés.

Libérée dans la discrétion

Aucune conférence de presse n'est donc prévue mercredi. Chelsea, dont peu de photographies circulent, pourrait trouver refuge chez une tante dans la région de Washington.

"Les avocats confirmeront sa bonne libération dans un communiqué aux médias, quand ils seront en mesure de le faire", a indiqué son entourage.

Chelsea Manning se reposera ensuite sur un solide noyau de volontaires prêts à l'aider.

Totalement inconnue lors de son arrestation, elle est aujourd'hui célèbre sur tous les continents. Qualifiée de "traîtresse" par le président américain Donald Trump, elle reçu le soutien de Michael Stipe, chanteur du groupe R.E.M., ou encore de la styliste britannique Vivienne Westwood.

Pour des dizaines de milliers d'Américains qui ont adressé une pétition à la Maison Blanche, c'est une militante courageuse des libertés.

Selon eux Chelsea Manning a écopé d'une peine démesurée, payant très cher le fait d'avoir plongé dans l'embarras le réseau diplomatique des Etats-Unis et d'avoir révélé les morts de civils sous les bombardements américains en Irak et Afghanistan.

La détenue, disent-ils, n'a pas eu la chance de fuir à l'étranger comme l'a fait Edward Snowden, l'ancien contractuel de la NSA à qui on la compare souvent.

Icône des trans

L'ancienne informatrice de Wikileaks est aussi devenue une icône des transgenres.

"Elle veut agir en retour pour la communauté transgenre, se battre pour les nombreux transgenres détenus, en particulier les femmes noires; (elle veut) communiquer avec les jeunes transgenres, partager les victoires de nos combats", a déclaré lundi Chase Strangio, un avocat lui-même transgenre, devenu ami intime de la prisonnière.

Chelsea fêtera en décembre ses 30 ans. Peut-être aura-t-elle d'ici là retrouvé une apparence désirable à ses yeux, elle à qui l'administration pénitentiaire refuse de laisser pousser sa chevelure au-delà des cinq centimètres réglementaires.

Grâce à ses avocats, elle a toutefois obtenu le droit de commencer en prison un traitement hormonal pour permettre sa transition vers son identité réelle. Cette conversion est appelée à s'accélérer loin d'un univers carcéral niant, selon la détenue, son "droit à l'existence".

A noter que la commutation de la peine de Chelsea Manning n'a pas effacé sa condamnation, contre laquelle elle a fait appel. Elle reste par ailleurs légalement engagée dans l'armée et en conserve l'assurance santé.

"La détenue Manning sera placée en congé sans solde tant que durera l'examen de l'appel de sa condamnation par la cour martiale", selon Dave Foster, un porte-parole du Pentagone.

Avec AFP

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