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Début d'une nouvelle vie pour une centaine de repentis de Boko Haram


Ex-combattant de Boko Haram après trois ans de de déradicalisation et de formation professionnelle, à Diffa, le 7 décembre. (Courtesy Image-Bureau PNUD Niger)
Ex-combattant de Boko Haram après trois ans de de déradicalisation et de formation professionnelle, à Diffa, le 7 décembre. (Courtesy Image-Bureau PNUD Niger)

En plein milieu des dunes du désert nigérien surgit le camp de Goudoumaria, entouré de barbelés, murs et sacs de sable. Des soldats lourdement armés sur des miradors sont aux aguets. Pourtant, airs de musique, éclats de rires et cris d'enfants joyeux fusent.

Depuis 2017, le camp accueille des anciens membres repentis du groupe islamiste Boko Haram, dont l'insurrection qui a débuté en 2009 au Nigeria s'étend aujourd'hui dans les pays voisins. Ce jour-là, on y fête la première promotion d'anciens djihadistes à être libérés.

Quelque 110 personnes, dont 47 Nigérians, s'apprêtent à quitter le camp après avoir suivi un programme de déradicalisation et une formation professionnelle ouvrant la voie à leur réinsertion sociale.

Chefs traditionnels, officiels nigériens, diplomates occidentaux, personnel de l'ONU, qui soutient financièrement l'initiative, ont fait le déplacement pour cet événement, jugé exemplaire, et qui se veut une des solutions à la progression des groupes djihadistes dans la région.

Le Sahel subit des attaques de plus en plus fréquentes et meurtrières, liées à l'organisation Etat islamique (EI) ou aux différentes factions de Boko Haram. Au Niger, 71 soldats ont péri le 10 décembre, dans une attaque sanglante à Inates, près de la frontière malienne, la plus meurtrière de l'histoire du pays, qui a été revendiquée par l'EI.

Les repentis de Boko Haram, qui expriment bruyamment leur joie, arborent des tee-shirts blancs portant les armoiries du Niger et la mention "Je m'engage pour la paix".

Au pied des imposants murs du camp, d'anciens miliciens démontrent leur nouveau savoir-faire acquis en quelques mois: mécanique, plomberie, menuiserie, couture ou soudure.

"La musique me manque trop, j'ai presque oublié comment danser", témoigne en se trémoussant Madou Ari, 25 ans, qui a passé trois années au sein de Boko Haram.

- Troqué sa kalach contre un chalumeau -

"Avec Boko Haram nous avions vécu l'enfer. A présent, nous ne rêvons que d'un avenir meilleur", renchérit son voisin.

Casque noir de soudeur sur la tête, Ibrahim Maïna a troqué sa Kalachnikov contre un chalumeau. Il souhaite ouvrir son atelier de soudure. "Je demande pardon à toute ma famille, à tout le Niger et à tous les gens d'Afrique. Je désire à présent vivre en paix. Boko Haram m'a induit en erreur. Ils m'ont dit que c'était le djihad mais ils ne faisaient en réalité rien de tout cela", avoue-t-il.

Assise devant une machine à coudre flambant neuve, Boussam Chétima, une adolescente de 17 ans, est toujours traumatisée, après avoir été "enlevée" et avoir "passé une année en captivité".

"Nuit et jour, je cherchais un moyen de m'évader. Quand l'occasion s'est offerte, j'ai pris la poudre d'escampette", assure-t-elle.

Réajustant le voile rouge qui recouvre sa mince silhouette, elle a des envies simples: "Je désire vivre en paix, fonder un foyer et me nourrir grâce à la couture que j'ai apprise ici au centre".

Mara, 22 ans, est tiraillé entre rentrer chez lui ou aller refaire sa vie ailleurs. "Comment regarder ma famille dans les yeux ? Les gens m'avaient bien dissuadé d'aller avec Boko Haram", avoue-t-il.

Pour prouver qu'ils ont vraiment tourné le dos à Boko Haram, les repentis ont collectivement prêté serment sur le Coran. Pendant leur séjour à Goudoumaria, ils ont reçu une "formation religieuse" de six mois avec des prêches sur "la pratique de l'islam modéré".

"A partir de cet instant (...), ils sont désormais totalement libres de leurs mouvements", a expliqué à l'AFP Chaïbou Samna, le procureur de la République à Niamey, présent à la cérémonie.

- "Ils doivent vite déserter" -

Pour faciliter leur retour dans leur famille, "nous avons lancé un appel aux communautés où ils vont être réinsérés pour qu'elles les acceptent", a assuré le ministre nigérien de l'Intérieur Mohamed Bazoum.

"Ils doivent être considérés comme des gens normaux et ne doivent pas souffrir de leur passé", plaide Issa Lémine, le gouverneur de la région de Diffa.

Les 110 repentis recevront des outils de travail pour monter leurs propres ateliers, puis ils seront acheminés dans leur village d'origine, a indiqué Mohamed Bazoum, qui a exhorté "ceux qui sont encore dans l'aventure" à se rendre.

Un appel relayé par Baba Gana Adam, le visage caché par un turban violet. "Que ceux de nos camarades qui sont encore en brousse sachent qu'il (Boko Haram) prône le mauvais islam. Ils doivent vite déserter", prêche ce repenti, qui a reçu une formation de mécanicien.

Au total, plus de 240 anciens éléments de Boko Haram, dont des femmes et des enfants, sont hébergés à Goudoumaria après s'être rendus aux autorités.

Ce mouvement de reddition avait débuté fin décembre 2016. Les autorités de Diffa, qui espèrent accélérer le rythme des redditions, ont mis à la disposition des détenus "des moyens de communication" notamment le téléphone, pour qu'ils puissent "appeler leurs camarades".

"Nous sommes prêts à leur garantir la vie sauve et à créer les conditions de leur réinsertion socio-économique", a promis le président nigérien Mahamadou Issoufou.

Avec AFP

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