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Nicaragua: gouvernement et opposition s'engagent dans des négociations contre la montre


De gauche à droite: Max Jerez, représentant de l'Alliance civique pour la justice et la démocratie (opposition), le nonce apostolique Waldemar Stanislaw Sommertag, et Denis Moncada, ministre des Affaires étrangères du Nicaragua.
De gauche à droite: Max Jerez, représentant de l'Alliance civique pour la justice et la démocratie (opposition), le nonce apostolique Waldemar Stanislaw Sommertag, et Denis Moncada, ministre des Affaires étrangères du Nicaragua.

Le gouvernement du président Daniel Ortega et l'opposition nicaraguayenne sont entrés mercredi dans le vif des "négociations", avec l'objectif ambitieux de trouver d'ici le 28 mars une issue à dix mois d'une crise qui a fait plus de 325 morts et a plongé le pays dans la récession.

Les deux délégations --six représentants du gouvernement et autant de l'opposition-- se sont réunies mercredi, a indiqué un communiqué publié en fin de journée. Aucune communication n'avait été faite avant cette réunion, alors que les négociateurs étaient censés attendre la réponse de l'Eglise catholique à l'invitation à rejoindre les négociations.

La négociation "se poursuivra demain", jeudi, a précisé le communiqué conjoint.

L'opposition réclame la libération des opposants emprisonnés, le rétablissement des libertés publiques, une réforme de la loi électorale et des élections anticipées avant le terme prévu de 2021.

Il aura fallu pas moins de cinq journées de conversations ardues pour fixer la "feuille de route" établissant les règles des pourparlers entre les négociateurs du gouvernement et ceux de la plateforme d'opposition de l'Alliance civique pour la Justice et la Démocratie (ACJD), réunissant entreprises, société civile, étudiants et paysans.

Les difficultés pour s'accorder sur les "témoins", "accompagnateurs" et "garants" ont finalement pu être surmontées, alors que des voix de plus en plus nombreuses dans les milieux d'opposition demandaient aux négociateurs de quitter les négociations en raison des atermoiements du gouvernement.

La "feuille de route" prévoit le retour à la table de négociation de la conférence épiscopale, représentée par Mgr Leopoldo Brenes, archevêque de Managua.

Celui-ci avait pourtant annoncé lundi renoncer à jouer un rôle dans les pourparlers. Il avait noté avec amertume qu'il n'avait été invité à la première réunion que "pour dire la prière".

L'Eglise a finalement annoncé qu'elle donnera sa réponse après une "réunion d'urgence" vendredi des dix prélats de la Conférence épiscopale sous la présidence de Mgr Brenes.

Mgr Brenes est invité en qualité de "témoin et accompagnateur national". Il doit être flanqué du pasteur Ulises Rivera, le coordinateur des Eglises évangéliques du Nicaragua, jugées plus proches du pouvoir.

Le nonce apostolique (l'ambassadeur du Vatican) à Managua, Mgr Waldemar Stanislaw Sommertag, aura quant à lui un rôle de "témoin et accompagnateur international", selon l'accord.

Des "garants internationaux" seront désignés par consensus dans un deuxième temps pour veiller à l'application des accords.

Après avoir assisté mercredi à la messe célébrée par Mgr Brenes, l'ambassadeur des Etats-Unis à Managua Kevin Sullivan s'est félicité des "progrès de la négociation". Le dialogue est "la voie vers la solution" à la crise, a-t-il estimé.

Pour l'analyste politique Gabriel Alvarez, "le pays doit embrayer sur une autre dynamique". La voie du dialogue est semée "d'embûches (...) mais c'est important que (les négociateurs) se soient mis d'accord sur ces règles", a-t-il dit à l'AFP en émettant cependant des doutes sur "la volonté politique" d'aboutir du président Ortega.

Les sceptiques ne manquent pas dans les rangs de l'opposition, à l'instar du secrétaire général de la Conférence épiscopale, Mgr Juan Abelardo Matta, évêque d'Esteli (nord du Nicaragua) et critique acerbe du régime du président Ortega et de son épouse et vice-présidente Rosario Murillo. Les négociateurs du gouvernement "n'ont pas de pouvoir de décision", dénonce-t-il notamment.

Mme Azahálea Solís, membre suppléante de la délégation de l'ACJD, a dit comprendre l'impatience dans les rangs de l'opposition: "Il y a urgence, car la liberté est une urgence", a-t-elle dit.

Quelques heures avant la reprise du dialogue le 27 février, cent opposants emprisonnés ont été extraits de leurs cellules, et conduits à leur domicile pour y être assignés à résidence.

Aucun leader important de l'opposition ne figure cependant parmi les détenus qui ont bénéficié de cette mesure, et plus de 600 opposants sont toujours derrière les barreaux, selon les organisations de défense des droits de l'homme. Des dizaines de milliers de Nicaraguayens ont pris en outre le chemin de l'exil.

En annonçant la reprise du dialogue, le président Ortega a insisté sur la nécessité de redresser l'économie.

En 2018, le PIB a reculé de 4% tandis que plus de 300.000 emplois ont été perdus au Nicaragua. Les chefs d'entreprise prévoient pour cette année une chute allant jusqu'à 11% du PIB.

Outre des sanctions ciblées contre les responsables du régime, Washington prépare la mise en oeuvre du "Nica Act", qui vise à couper notamment l'accès du régime aux crédits internationaux.

Enfin, la crise au Venezuela menace de priver Managua du pétrole fourni par le régime de Nicolas Maduro.

Avec AFP

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