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La vente d'un rarissime masque africain validée par la justice française


Les objets d'art africain sont très nombreux à être disséminés en Europe, dans les musées (ici celui du Quai Branly à Paris) ou chez les particuliers.
Les objets d'art africain sont très nombreux à être disséminés en Europe, dans les musées (ici celui du Quai Branly à Paris) ou chez les particuliers.

La vente aux enchères pour 4,2 millions d'euros d'un rarissime masque sculpté africain, initialement acheté 150 euros par un brocanteur à un couple d'octogénaires, a été validée mardi par la justice française, qui a estimé qu'il n'y avait pas eu tromperie.

L'Etat gabonais, intervenu à l'audience fin octobre pour réclamer lui aussi l'annulation des ventes du masque, ainsi que la restitution de ce bien culturel, a également été débouté par le tribunal d'Alès (Gard). Ce dernier a en tous cas estimé que les propriétaires initiaux du masque, un greffier à la retraite de 88 ans et son épouse de 81 ans, qui avaient fait appel à un brocanteur pour se débarrasser des vieilleries accumulées dans leur résidence secondaire du Gard en septembre 2021, "n'ont fait preuve d'aucune diligence pour apprécier la juste valeur historique et artistique du bien".

Parmi ces objets apparemment sans valeur se trouvait un masque en bois sculpté ayant appartenu à un aïeul, ancien gouverneur colonial en Afrique, qu'ils allaient finalement brader 150 euros, en même temps que des lances, un couteau à circoncire, un soufflet et des instruments de musique.

Lors d'une vente aux enchères à Montpellier (sud) en mars 2022, ce "masque rarissime du XIXe siècle, apanage d'une société secrète du peuple Fang au Gabon", dont il ne reste qu'une dizaine d'exemplaires dans le monde, avait été adjugé pour 4,2 millions d'euros, hors frais, à un acheteur anonyme, pratiquement un record pour un objet de ce type.

Le catalogue de la salle des ventes de Montpellier précisait que cet objet rare avait été "collecté vers 1917, dans des circonstances inconnues, par le gouverneur colonial français René-Victor Edward Maurice Fournier (1873-1931), probablement lors d'une tournée au Gabon".

Le couple d'octogénaires demandait à la justice d'annuler la vente de ce masque "en raison de l'erreur commise sur l'authenticité" de ce dernier, erreur qui aurait "vicié leur consentement". Ils estimaient par ailleurs que le brocanteur les avait trompés en ce qu'il "n'ignorait pas la valeur réelle du masque ou, à tout le moins, avait un doute sur celle-ci". Pour preuve, il avait rapidement fait réaliser des expertises après l'achat.

"Négligence" des vendeurs

"Leur négligence et leur légèreté caractérisent le caractère inexcusable" de la demande des plaignants, a répondu le tribunal, qui n'a donc pas fait droit à leur requête d'annulation de la vente ni de récupération du montant payé lors des enchères par l'acheteur final. Dans sa décision, il juge en outre qu'il n'était pas démontré que le brocanteur, "antérieurement à la vente, (...) avait connaissance de la valeur singulière du masque vendu", dont il n'a pris conscience qu'au terme de démarches personnelles. Il "n'avait aucune connaissance spécifique en matière d'art africain", ajoute le tribunal.

Selon son avocate Me Patricia Pijot, le brocanteur avait fixé le prix du masque "en s'appuyant sur des sites internet dédiés" et sur des avis de commissaires priseurs "qui ne voulaient pas de l'objet", comme elle l'avait indiqué lors du procès fin octobre.

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A l'occasion d'une vente d'objets d'art africain, le brocanteur avait ensuite pris attache avec l'Hôtel des ventes de Montpellier (sud) qui, après des analyses poussées ayant permis de dater ce masque Fang du XIXe siècle, l'avait estimé entre 300.000 et 400.000 euros. Les premières estimations demandées par le brocanteur évaluaient le masque entre 100 et 600 euros.

A l'audience, le commerçant avait nié toute volonté d'escroquerie. Pour preuve de son honnêteté, avait rappelé son avocate, il avait même proposé de verser 300.000 euros au couple, soit le montant de la mise à prix initiale par les experts priseurs de l'Hôtel des ventes de Montpellier.

Un protocole d'accord devait être signé fin avril 2022 mais avait échoué face à l'opposition des enfants du couple, rappelle le tribunal. Cette démarche doit "être interprétée comme une volonté de l'acheteur de restituer la valeur du bien aux vendeurs" et "démontre sa bonne foi", ajoute-t-il.

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