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Hamtramck, la ville aux douze mosquées au coeur de l'Amérique


Aïd el-Fitr à la mosquée centrale d'Abuja, au Nigéria (30 août 2011)
Aïd el-Fitr à la mosquée centrale d'Abuja, au Nigéria (30 août 2011)

La fresque colorée représentant mère et fille voilées et le père enturbanné recouvre le mur entier d'un restaurant de la rue principale de la ville. Quand le reste de l'Amérique se divise sur les musulmans, Hamtramck embrasse cette culture.

Cette cité ouvrière du Michigan (nord des Etats-Unis), située à un quart d'heure en voiture de Detroit, est entrée en novembre dernier dans l'histoire américaine en devenant la première ville à élire un conseil municipal composé en majorité de musulmans.

Après les attentats terroristes de Paris et la tuerie de San Bernardino (Californie), c'est un contrepied aux propos controversés de Donald Trump, favori à l'investiture républicaine pour la présidentielle, qui préconise la fermeture des frontières américaines aux musulmans.

"Hamtramck est la manifestation de ce que l'Amérique est censée être: une terre d'opportunités", s'enorgueillit la maire Karen Majewski, fière d'annoncer que des réfugiés syriens y sont hébergés depuis peu.

Sur près de 6 km2, les petites maisons souvent à un étage sont serrées les unes aux autres.

Dans les deux rues principales, des femmes en hijab et en niqab croisent des jeunes filles en jeans serrés, des hommes rasés de près et des jeunes en pantalons larges.

Echoppes, restaurants, supermarchés communautaires abondent, promenant le visiteur au Moyen-Orient, en Asie du Sud-Est et en Pologne. Les vendeurs de kebabs côtoient les restaurants indiens.

- Appel à la prière -

En plein centre-ville, la mosquée Al-Islah, l'une des plus importantes des 12 de la ville, fait face à une église. Depuis 2004, un muezzin y lance, cinq fois par jour, l'appel à la prière depuis des minarets de fortune.

"Nous n'avons pas de problème ici avec les Polonais, ni avec la communauté noire. Nous vivons tous ensemble en paix", confie Masud Khan, secrétaire de cette mosquée. Les fêtes musulmanes, explique-t-il, sont des jours fériés et les écoles et bâtiments publics de la ville sont fermés ces jours-là.

A cinq minutes à pied de là, une statue imposante de Jean-Paul II, en habits d'évêque, trône pour rappeler la tradition catholique de cette ville d'immigrés, fondée dans les années 1910 par des paysans allemands.

Elle est ensuite devenue un bastion de l'immigration polonaise fuyant des lois discriminantes à Detroit. L'un des cousins de Jean-Paul II, qui a visité Hamtramck, a été conseiller municipal dans les années 1940 et 1950.

Le nombre d'immigrés polonais a fondu, passant de 90% de la population en 1970 à 12% des 22.300 habitants aujourd'hui, indique l'historien Thaddeus Radzilowski.

Selon lui, la plupart se sont installés dans les banlieues pavillonnaires. Il y a également un exode continu des Noirs.

Dans le même temps, la proportion des immigrés originaires du Bangladesh (20%), du Yémen (23%) et de Bosnie (7%) a grossi, attirés par une faible criminalité, un immobilier bon marché et le boom de l'automobile américaine, selon M. Radzilowski.

Nombre d'usines qui fournissaient le "Big Three" (General Motors, Ford, Chrysler) ont toutefois fermé. La ville détient le triste record de l'un des taux de pauvreté les plus élevés de l'Etat du Michigan.

- Bar ouvert -

Devant l'imposante église Saint Florian, où un service est encore dit en polonais, le père Mirek Frankowski explique que la rapide transformation démographique et politique de la ville suscite des inquiétudes chez la vieille génération.

"Ils ont peur que la ville perde complètement son caractère d'Europe de l'Est", raconte le prêtre, affirmant que des jeunes musulmans ont perturbé des processions.

Thaddeus Radzilowski évoque aussi la crainte qu'une radicalisation n'entraîne la disparition des célébrations polonaises, notamment le Mardi gras, depuis que le conseil municipal est en majorité aux mains des musulmans.

"Nous sommes connus pour notre vie nocturne, nos restaurants et bars. C'est une partie importante de notre identité et de notre vitalité économique. Il est important que celles-ci ne soient pas limitées", avertit Karen Majewski.

Anam Miah, l'un des quatre conseillers municipaux musulmans, né au Bangladesh, assure chérir "la diversité culturelle de notre communauté".

Beaucoup de résidents préfèrent juger la nouvelle majorité sur pièce, à l'instar de Joan Bittner qui tient un magasin de souvenirs et décoration. "J'attends de voir ce qu'ils vont faire", dit-elle.

Les enseignes de ventes d'alcool sont pour l'instant omniprésentes. Le jeudi soir, Hamtramck - qui dispose du plus grand nombre de licences d'alcool au Michigan, selon Thaddeus Ladzilowski - se transforme en bar ouvert.

Avec AFP

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