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Les Nigérians accros au chapman


Le chapman, un cocktail sans alcool à l'origine mystérieuse, qui figure dans tous les menus, des restaurants bas de gamme aux bars branchés à Abuja, Nigeria, 19 mai 2016. (Twitter/Toyin O)
Le chapman, un cocktail sans alcool à l'origine mystérieuse, qui figure dans tous les menus, des restaurants bas de gamme aux bars branchés à Abuja, Nigeria, 19 mai 2016. (Twitter/Toyin O)

Les Nigérians sont connus pour leur penchant pour le champagne, mais c'est le chapman, un cocktail sans alcool à l'origine mystérieuse, qui figure dans tous les menus, des restaurants bas de gamme aux bars branchés de la capitale.

"C'est ça notre boisson nationale, ce n'est pas le champagne", estime Toyedayo Osilaja, patron du très prestigieux Lagos Ikoyi Club, ancien club privé colonial britannique, reconverti en lieu de villégiature de la haute-société nigériane et expatriée.

Dans ce pays pétrolier de 190 millions d'habitants qui détient le record mondial de croissance de consommation de champagne, "la fièvre (pour les bulles) est en train de retomber. On a eu assez de maux de têtes et de hoquets", affirme M. Osilaja.

Il est catégorique: "Le chapman réconcilie tout le monde. Tout le monde l'aime". Et particulièrement la majorité religieuse et conservatrice, qui n'apprécie guère les exubérances alcoolisées de l'élite.

Légèrement acidulé au premier abord et sucré à l'excès, cette boisson a une couleur rouge-grenat bien distinctive mais pas de recette unique. On y trouve souvent du soda à l'orange ou au citron, du sirop et un bitter, qui lui donne sa saveur amère.

Le cocktail se sert avec une rondelle d'orange ou de concombre et se boit obligatoirement à la paille, sauf à commettre une faute de goût impardonnable.

Outre les restaurants, la boisson est incontournable dans les mariages, le président Buhari en sert à ses visiteurs à Abuja et la romancière nigériane Chimamanda Ngozi Adichie en a fait sa boisson favorite.

Origine mystérieuse

En résumé, le chapman est au Nigeria, ce que la sangria est à l'Espagne: une institution. Toutefois, ses origines sont toutes aussi mystérieuses que les ingrédients qui le composent.

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La rumeur affirme qu'il est l'invention d'un certain "Chapman", expatrié employé dans un bar de Lagos. Un scénario qui ne plait guère aux patriotes, qui eux, assurent que le barman était bel et bien nigérian.

Le mystère demeure. Mais une chose est certaine, la boisson a été conçue sur le sol nigérian.

"On le sert depuis les temps les plus anciens", affirme M. Osilaja, qui revendique que le cocktail a été inventé à l'Ikoyi Club, pendant qu'un serveur en costume verse le précieux breuvage dans un verre à pied. En tout cas, assure-t-il, il l'a toujours connu et cela fait 46 ans qu'il est membre du club.

A son arrivée, le patron a d'ailleurs imposé la même recette aux 15 bars qui composent le Lagos Ikoyi Club. Les résultats ont déjà fait des émules et les évaluations des clients sont élogieuses.

Le secret se trouverait dans cette larme d'angostura, un mélange amer élaborée à base de rhum, de gentiane, d'écorces d'orange, d'aromates: un mélange très "british", qui rappelle que le chapman date des temps coloniaux.

"Les versions les plus anciennes du chapman étaient plus britanniques que maintenant, on y ajoutait davantage de tonic ou de limonade amère", rapporte David Wondrich, un historien du cocktail basé à New York.

"Cela laisse penser que ces origines sont sûrement à l'Ikoyi Club, bien que la plupart des colons auraient sûrement mis de l'alcool dedans", souligne le spécialiste des boissons.

Le chapman est probablement un "cousin africain" du punch, car selon M. Wondrich, "le punch, qui est l'ancêtre de tous les cocktails modernes, est une invention anglaise".

Production industrielle

Les temps changent, la population nigériane, de plus en plus jeune, explose et certaines sociétés nigérianes misent sur la popularité du chapman pour le mettre en bouteille et le vendre en supermarché ou dans la rue.

Les deux produits industriels disponibles en magasins sont toutefois encore bien éloignés de leurs cousins faits artisanalement.

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"C'est bien différent de ce qu'on peut trouver dans les bars", admet Nelson Nsitem, expert pour Asoko Insight, une société spécialisée dans la consommation basée à Lagos.

"Le vrai chapman a un petit je-ne-sais-quoi", raconte-t-il. "Il y a sûrement un peu de... Non, vraiment je ne saurais pas dire ce que c'est."

Avec AFP

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