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Les mystères d'une incursion rebelle dans le nord


Les présidents tchadien et français, Idriss Déby Itno et Emmanuel Macron, à N'Djamena, le 23 décembre 2018. (VOA/André Kodmadjingar)
Les présidents tchadien et français, Idriss Déby Itno et Emmanuel Macron, à N'Djamena, le 23 décembre 2018. (VOA/André Kodmadjingar)

Le groupe armé opposé à N'Djamena qui est entré début février dans le nord du Tchad à partir de la Libye affirme être toujours en territoire tchadien malgré l'intervention militaire de la France, mais ses objectifs et son importance restaient encore flous mercredi.

"Nous avançons, dans la zone du Tchad frontalière du Soudan, dans l'Ennedi", a affirmé à l'AFP mardi Youssouf Hamid, porte-parole en exil de l'Union des forces de la résistance (UFR).

Le groupe affirme être entré au Tchad avec trois colonnes distinctes de pick-up armés, dont une a été frappée dimanche par des Mirage 2000 français à la demande des autorités tchadiennes.

Lundi, la France a affirmé que la colonne visée comportait "40 pick-up" qui avaient fait une "incursion profonde" à partir de la Libye.

"Pour des raisons stratégiques, nous ne pouvons dévoiler combien nous sommes. Mais c'est évidemment plus que 40", selon M. Hamid qui n'a pas dit vers où se déplaçaient les colonnes de véhicules.

A N'Djamena, les autorités ont martelé lundi soir que "la colonne de mercenaires et terroristes" avait été "neutralisée et mise hors d'état de nuire par nos forces aériennes appuyées par les forces (françaises de l'Opération) Barkhane".

Dans cette région désertique peu habitée, où le réseau téléphonique est mauvais, peu d'informations indépendantes filtrent et les versions contradictoires soulèvent des questions: combien de combattants rebelles sont réellement entrés au Tchad? Quel est leur but?

Depuis mi-janvier, le sud libyen frontalier du nord du Tchad est le théâtre d'une opération militaire d'envergure menée par l'Armée nationale libyenne (ANL) autoproclamée, dirigée par l'homme fort de l'est libyen, Khalifa Haftar.

Cette zone, peu contrôlée depuis la chute de Mouammar Kadhafi en 2011, est devenue la base arrière de groupes armés en tout genre, notamment de rebelles tchadiens, dont l'UFR.

- Frappes "illégales" -

Pour Jalel Harchaoui, spécialiste de la Libye à l'université Paris-VIII, l'opération militaire de l'ANL vient "perturber ce qui était jusqu'à récemment un relatif havre de paix pour plusieurs groupes".

"Le retour d'un groupe de rebelles tchadiens vers le territoire tchadien depuis le sud libyen est peut-être une conséquence" de cette offensive, estime-t-il.

"C'est une coïncidence", dément le porte-parole de l'UFR, qui affirme que l'entrée de ses combattants dans le nord du Tchad était une opération prévue de longue date.

En 2008, la rébellion tchadienne avait réussi à arriver jusqu'aux portes du palais présidentiel de N'Djamena, mais n'avait pas réussi à renverser le chef de l'Etat, Idriss Déby Itno.

Depuis, les rebelles ambitionnent toujours de marcher à nouveau sur N'Djamena.

Aux moyens réputés plus faibles qu'en 2008, ils survivent bon gré mal gré en Libye et au Soudan où ils sont basés, rêvant d'un retour triomphal au Tchad.

Selon un observateur proche du régime tchadien, la dernière incursion de l'UFR dans l'Ennedi suscite des craintes à N'Djamena où le président Déby est lui-même arrivé au pouvoir par la force en 1990.

Au Tchad, tous les changements de régime ont été opérés par les armes.

L'UFR est d'autant plus redoutée qu'elle est menée par le neveu du président Déby, Timan Erdimi, et est composée de combattants zaghawa, l'ethnie du président.

"En 2008, de hauts gradés zaghawa avaient aidé la rébellion", note le même observateur.

Une source proche de la rébellion de l'UFR confirme que le groupe souhaite "provoquer des défections" au sein de l'appareil sécuritaire et établir une base arrière dans le nord-est du Tchad ou au Soudan.

"On ne parle pas de la stratégie!" : le porte-parole de l'UFR préfère dénoncer l'aide militaire apportée par Paris à son allié Déby. Les dernières frappes étaient "illégales", martèle-t-il, estimant que "Paris est devenu une force hostile au peuple tchadien".

Sur les réseaux sociaux, certains s'interrogent sur le cadre légal de ces frappes françaises en arguant que les accords de coopération militaire de 1978, qui ont remplacé les accords de défense de 1960, n'incluent pas d'aide militaire.

"Sur le plan du droit, cette intervention répond à une demande d'assistance formelle d'un Etat souverain à l'égard de la France", a indiqué à l'AFP une source au cabinet de la ministre des Armées Florence Parly.

"Déby reste le partenaire fiable et solide de la région. On continue à l'encourager et le soutenir", ajoute une source militaire française.

Preuve des liens forts entre la France et le Tchad, Paris a établi à N'Djamena le QG de la force antidjihadiste Barkhane.

Avec AFP

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