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Les atrocités de Boko Haram hantent les déplacés de l'Extrême-Nord du Cameroun


Une famille ayant fui Boko Haram, dans le camp de réfugiés de Minawao, au Cameroun, le 25 février 2015.
Une famille ayant fui Boko Haram, dans le camp de réfugiés de Minawao, au Cameroun, le 25 février 2015.

Près de 200.000 Camerounais de la région de l'Extrême-Nord ont fui leurs villages, situés à la frontière du Nigeria, redoutant les exactions de Boko Haram, qui a rallié l'organisation de l'Etat islamique (EI). Dans cette région, ils tuent, incendient des villages entiers, pillent et volent du bétail.

"Boko Haram a égorgé neuf personnes en ma présence. C'est ce jour (de septembre 2015) que j'ai décidé de quitter mon village", témoigne, encore bouleversée, Rachel Daviguidam, une Camerounaise de 30 ans.

Un an après avoir été témoin de cette atrocité, cette mère de sept enfants n'arrive pas à effacer ces images de sa mémoire et n'envisage pas de retourner à Golvadi, un village de l'Extrême-Nord du Cameroun, frontalier du Nigeria et cible de plusieurs assauts des islamistes nigérians de Boko Haram.

Depuis plus d'un an, Rachel, son mari et leurs enfants vivent à Koza, une petite cité enclavée située en pleine zone montagneuse, à environ 100 km de Maroua, la grande ville de la région.

Assise à même le sol dans le stade de Koza bondé de monde, Rachel porte dans ses bras un bébé de trois mois qu'elle allaite de temps en temps. Autour d'elle, d'autres déplacés ont pris place.

Vie intenable

Ils sont des centaines à attendre de recevoir l'aide alimentaire du Comité international de la Croix-rouge (CICR). Depuis quinze mois, le CICR organise des "rounds de distribution" d'aliments, dit un responsable local des opérations dans la zone de Koza, Ibrahim Dit Falke.

"Chaque ménage reçoit un kit composé de 50 kg de riz, 25 kg de farine de maïs, 25 kg de niébé (haricot), 10 litres d'huile, un kg de sel et 12 kg de farine enrichie", conçue pour prévenir la malnutrition, explique-t-il.

Un peu partout dans la région où les déplacés ont afflué, de nombreux cas de malnutrition parfois sévère ont été signalés.

"Nous sommes dans une région à vocation agro-pastorale. L'essentiel des ménages vivent de l'agriculture", souligne M. Dit Falke: "quand tu sépares un ménage de son champ, tu le sépares de ses moyens de subsistance".

Pendant la distribution, Rachel raconte son calvaire passé. "La vie là-bas était devenue intenable".

"Pendant trois mois, ils (les islamistes nigérians) arrivaient chez moi et me fouettaient, ainsi que mes enfants. Ils nous traitaient de +kirdi+ (non musulmans). Ils disaient que nous sommes des païens", souligne cette femme chrétienne: "ils nous demandaient de nous islamiser, mais nous ne voulions pas".

Si au début de leurs attaques, les islamistes nigérians s'en prenaient uniquement aux chrétiens, majoritaires à Goldavi, ils ne faisaient plus de distinction entre chrétiens et musulmans par la suite, ajoute-t-elle en se levant soudainement pour se diriger vers un volontaire du CICR qui vient d'appeler pour recevoir son kit de nourriture.

Enfants disparus

"Je suis contente d'avoir reçu ce don", s'enthousiasme une autre déplacée, Veved Nadama, transportant sur la tête un sac de riz, accompagnée de deux autres femmes qui l'aident à porter son stock de vivres.

Depuis plus de deux ans, Veved, 25 ans, maman de deux enfants, vit à Koza après avoir fui Kerawa, à la frontière nigériane. La partie camerounaise de cette localité a été la cible de plusieurs incursions de Boko Haram. "Lorsqu'ils ont tué deux élèves du village, mon mari et moi avons décidé de partir", explique-t-elle.

"Il y avait des coups de feu tout le temps. Nous n'arrivions plus à dormir chez nous, on a préféré se réfugier en brousse", se souvient-elle.

Yaouba Soumbi, un autre déplacé, apprécie lui aussi la sécurité qui règne à Koza, mais reste hanté par ce qu'il a vu "Je suis traumatisé. J'ai vu des morts, des personnes égorgées. Je ne me retrouve pas".

Il a fui Amchidé en 2014: "J'ai été obligé de partir avec ma femme et deux de mes enfants".

"Le jour où nous partions, notre quartier avait été envahi par Boko Haram et il y avait des tirs. Pendant trois jours et trois nuits, nous avons marché dans la brousse" afin de rallier Koza.

Si une partie de sa famille a pu se tirer d'affaire, il dit être sans nouvelles de cinq autres de ses enfants restés à Amchidé.

"Je ne sais pas s'ils sont en vie, s'ils sont morts, s'ils sont au Nigeria, au Cameroun. Dieu seul le sait".

Avec AFP

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