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Des responsables israéliens suggèrent d'envoyer les Palestiniens en Égypte


La police militaire égyptienne et les organisateurs bénévoles retiennent les manifestants lors d'une manifestation près du poste frontière de Rafah, le 20 octobre 2023.
La police militaire égyptienne et les organisateurs bénévoles retiennent les manifestants lors d'une manifestation près du poste frontière de Rafah, le 20 octobre 2023.

Depuis la création d'Israël en 1948 et l'exode de plus de 760.000 d'entre eux poussés au départ, les Palestiniens voient régulièrement l'épouvantail d'une "patrie" de substitution brandi devant eux.

Celle-ci a varié au fil des ans alors que s'étendait la colonisation par Israël des Territoires palestiniens, la Cisjordanie et Jérusalem-Est occupés depuis 1967 et la bande de Gaza occupée de 1967 à 2005. Après la Jordanie dans les années 1960, le Liban la décennie suivante, c'est aujourd'hui l'Egypte qui est évoquée.

Depuis le début de la guerre le 7 octobre entre Israël et le Hamas au pouvoir à Gaza, plusieurs responsables ou ex-responsables israéliens ont appelé l'Egypte à installer les Palestiniens sous "des tentes" dans "l'espace presque infini" du Sinaï. Les Palestiniens et les pays arabes voisins notamment craignent qu’un tel déplacement ne soit définitif alors que le "droit au retour" réclamé par les réfugiés de 1948 puis de 1967 a toujours été rejeté par Israël.

Dans le sud de la bande de Gaza, frontalier de l'Egypte, des tentes ont déjà été montées pour accueillir les déplacés partis du nord sur ordre de l'armée israélienne qui bombarde sans cesse le territoire palestinien en riposte à une attaque meurtrière sans précédent du Hamas le 7 octobre sur son sol.

"Quiconque connaît l'histoire palestinienne devrait trembler en voyant ces tentes: c'est comme ça que la Nakba a commencé", note l'ONG des droits humains Al Mezan à propos de la "Nakba" (Catastrophe, en arabe) que fut pour les Palestiniens la création de l'Etat d'Israël. "De nombreux Gazaouis préfèreraient être morts plutôt que réfugiés une deuxième fois" car plus de 80% d'entre eux sont déjà des réfugiés ou des descendants de réfugiés de 1948, poursuit-elle.

"Il y a le Néguev"

Côté égyptien, même refus. Le président Abdel Fattah al-Sissi a renvoyé la balle dans le camp d'Israël, responsable des civils palestiniens, selon le droit international. "Si l'idée, c'est le déplacement forcé, il y a le Néguev", un désert du sud d'Israël, a-t-il lancé.

Créer de nouveaux réfugiés palestiniens en Egypte reviendra au même, préviennent en choeur M. Sissi et le roi Abdallah II de Jordanie: le "déplacement forcé" des près de trois millions de Palestiniens de Cisjordanie vers la Jordanie voisine. Ce serait une "deuxième Nakba", ne cesse de répéter le président palestinien, Mahmoud Abbas.

Côté Jordanie, la moitié de la population est déjà d'origine palestinienne. Et surtout, le père d'Abdallah II, le roi Hussein, avait accusé les fedayins, les combattants palestiniens, d'avoir créé un "Etat dans l'Etat" et de vouloir prendre le contrôle de son pays. S'en était suivi en 1970 "Septembre noir", l'offensive jordanienne contre l'Organisation de libération de la Palestine (OLP) de Yasser Arafat et ses milliers de combattants en Jordanie.

Chassée du royaume hachémite, l'OLP se rétablit au Liban. Les partis chrétiens qui ont combattu les Palestiniens de 1975 à 1982 pendant la guerre civile les ont accusés de vouloir faire du Liban une patrie de substitution. L'OLP a nié cette intention jusqu'à ce que Yasser Arafat et ses combattants soient forcés de partir dans la foulée de l'invasion israélienne du Liban en 1982.

"Non négociable"

L'OLP se disperse notamment en Tunisie et au Yémen et ses cadres "de l'intérieur", à Gaza et en Cisjordanie occupées, reprennent la main, notamment avec la première Intifada, le soulèvement palestinien lancé en 1987 et terminé avec la signature des Accords d'Oslo entre Israéliens et Palestiniens sous l'égide des Etat-Unis en 1993.

Aux termes de ces accords, l'Etat de Palestine devait naître à l'horizon des années 2000. Mais le rêve a fait long feu. Et aujourd'hui, de nouveau, le spectre de la patrie de substitution reparaît. Mais aux yeux de la chercheuse Sarah Daoud, "le Sinaï est une ligne rouge pour les Egyptiens: c'était déjà le cas sous Hosni Moubarak", le président déposé en 2011.

"Et cela a été répété depuis", poursuit-elle, notamment parce qu'"en 2016 déjà, l'accord du siècle" – un accord global entre Israël et le monde arabe – de l'administration du président américain Donald Trump évoquait l'Egypte. Il prévoyait la possibilité "d'une zone industrielle dans le Sinaï pour créer un marché de l'emploi" pour la bande de Gaza voisine, dit-elle.

 Correspondant VOA : la situation au Proche-Orient
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"Pour l'Egypte, son intégrité territoriale est non négociable", explique Mme Daoud à l'AFP. Et plus particulièrement le Sinaï, où de nombreux Egyptiens sont morts au front contre Israël qui l'occupa de 1967 à 1979.

Au-delà de la question de la souveraineté, pour les pays arabes, accueillir des réfugiés palestiniens peut aussi exposer à des représailles israéliennes. Si des attaques de groupes armés palestiniens sont lancées depuis l'Egypte, Israël répondra et la paix signée en 1979 "va fondre entre nos mains", a récemment prévenu M. Sissi. La Tunisie se souvient encore d'octobre 1985, quand l'aviation israélienne a massivement bombardé le QG de l'OLP près de Tunis. Cinquante Palestiniens et 18 Tunisiens ont été tués.

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