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Le rêve américain des réfugiés somaliens, "cette fois, c'est la bonne!"


Un camp de réfugiés d'Ifo Extension à Dadaab, près de la frontière entre le Kenya et la Somalie, 19 octobre 2011.
Un camp de réfugiés d'Ifo Extension à Dadaab, près de la frontière entre le Kenya et la Somalie, 19 octobre 2011.

"Encore une nuit à dormir ici, voilà ce que j'ai dit ce matin à mes enfants", raconte Fatuma. Ses valises sont presque bouclées, et le bus bleu et blanc qui emmènera demain cette Somalienne de 26 ans à l'aéroport est déjà dans la cour du centre de transit pour réfugiés de Nairobi.

"Cette fois, c'est la bonne... enfin, j'espère", sourit-elle. "Vu ce qui s'est passé la dernière fois, je ne veux pas me réjouir trop vite. Tant que je n'aurai pas posé le pied aux Etats-Unis, il y aura une partie de moi qui se dira que tout peut tomber à l'eau".

Car Fatuma, qui préfère ne pas révéler son identité complète, a déjà vécu, il y a un peu plus de deux semaines, l'excitation d'un départ imminent vers le Colorado, où elle devait rejoindre un cousin.

Mais ses espoirs sont alors réduits à néant par le décret anti-immigration controversé du président américain Donald Trump, qui bloque l'entrée des ressortissants de sept pays à majorité musulmane (Iran, Irak, Libye, Somalie, Soudan, Syrie, Yémen) pour trois mois et gèle pendant quatre mois l'accueil de réfugiés.

Comme des dizaines d'autres réfugiés ayant récemment obtenu le droit d'asile aux Etats-Unis, elle doit retourner dans l'est du Kenya au tentaculaire camp pour réfugiés de Dadaab, le plus grand au monde, où elle vit depuis l'âge de deux ans.

"J'ai commencé la procédure pour la demande d'asile en 2008, et juste avant de prendre l'avion, on nous a dit que le président avait signé un papier qui anéantissait tout, j'étais désespérée", se souvient cette veuve, mère de cinq enfants.

Mais, coup de théâtre, un juge fédéral bloque quelques jours plus tard l'application du décret, une décision confirmée jeudi par la Cour d'appel fédérale de San Francisco.

Fatuma et ses enfants laissent alors une deuxième fois derrière eux les quelque 250.000 réfugiés de Dadaab, construit à partir de 1992 pour accueillir les Somaliens fuyant la guerre civile et, par la suite, les épisodes de sécheresse à répétition et les exactions des groupes jihadistes.

- 'Pays de la liberté' -

Entre une dernière visite médicale et un cours accéléré sur la culture américaine dispensé au centre de transit, Fatuma se souvient de sa vie à Dadaab. "J'y ai grandi, j'y ai été à l'école, je m'y suis mariée et j'y ai accouché. Heureusement, mes enfants ne vivront pas ces choses dans un camp de réfugiés".

Musulmane pratiquante, Fatouma porte le hijab. Elle dit être bien au courant des bouleversements politiques de ces derniers mois aux Etats-Unis, mais reste confiante.

"Donald Trump est le président, mais heureusement, il n'y a pas que lui qui peut décider, comme le montre la décision de justice de jeudi", poursuit-elle. "Et puis, je suis sûre qu'il y a plein de gens tolérants prêts à nous accueillir".

Selon des statistiques du département d'Etat américain, près de 11.000 réfugiés somaliens se sont installés aux Etats-Unis en 2016.

"Ici au Kenya, il y a des musulmans et des chrétiens qui vivent ensemble sans problème, alors pourquoi mon hijab poserait-il problème dans le pays de la liberté par excellence", lance-t-elle d'un air grave, avant de conclure avec humour. "Par contre, s'il fait aussi froid que ce qu'on dit, il faudra que je porte plus de vêtements que simplement mon hijab".

- Départ avorté -

Abdilkadir Badel Hamshi, 25 ans, a lui aussi vécu la déception d'un départ avorté. "Si Dieu le veut", il partira également dimanche pour les Etats-Unis, au Kentucky. "Je ne sais pas à quoi ça ressemble, je n'ai jamais vu de photos du Kentucky. La seule chose que j'ai vue de cet état, c'est une carte sur un écran de téléphone portable".

Ce natif de Baïdoa, dans le sud-ouest de la Somalie, exclut tout retour dans son pays, quitté alors qu'il avait à peine un an. "Si on y retourne, on va se faire tuer, les shebab me font vraiment peur".

"Mais ce n'est pas le plus important, ce qui compte, c'est qu'on ne va plus vivre dans un camp de réfugiés", ajoute le jeune homme, expliquant dans un anglais hésitant vouloir suivre des études de médecine aux Etats-Unis. "Je suis content de partir demain, car on ne sait jamais, la situation pourrait changer rapidement et notre départ pourrait être à nouveau annulé".

Avec AFP

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