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La machine à voter, avant-goût de la contestation électorale en RDC


Le premier lot des machines à voter, Kinshasa, 9 janvier 2018. (Twitter/Ceni-RDC)
Le premier lot des machines à voter, Kinshasa, 9 janvier 2018. (Twitter/Ceni-RDC)

"Sans machine à voter, pas d’élections au 23 décembre comme prévu par le calendrier électoral", a déclaré la semaine dernière dans une interview à VOA Afrique le président de la Commission électorale nationale indépendante (Céni) de la RDC, Corneille Nangaa. L’annonce a suscité de vives réactions de la part de l’opposition et de la société civile qui dénoncent une volonté de tricher.

La Conférence épiscopale nationale du Congo (Cenco) a prévenu, lundi à la fin de son assemblée générale, que le recours à la machine portait des germes de contestation. Les prélats ont appelé à la responsabilité de tous les acteurs congolais pour éviter une nouvelle crise.

Corneille Nangaa interviewé par Eddy Isango
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"Nous sommes perplexes du fait du projet de la machine à voter lancé par la Céni qui ne fait pas l'unanimité dans la classe politique et ne rassure pas la population. Ce qui augure la contestation des résultats des élections", a déclaré l’abbé Donatien Nshole, secrétaire général de la Cenco.

Les évêque ont "invité la Céni à lever l'équivoque et les suspicions autour de la machine à voter en acceptant sa certification par des experts nationaux et internationaux".

Sur VOA Afrique, le numéro un de la Céni a soutenu que son institution avait déjà levé, "en toute indépendance", l’option d’utiliser la machine dans le but de respecter la date du 23 décembre 2018 prévue pour les élections présidentielle, législatives et locales couplées.

"Sans machine à voter, pas d’élections au 23 décembre comme prévu par le calendrier électoral", a tranché M. Nangaa.

>> Lire aussi : Le président de la Céni déclare que "sans machine à voter, pas d'élections" dans les délais en RDC

Corneille Nangaa, président de la Commission électorale nationale indépendante de la RDC, 12 mai 2017.
Corneille Nangaa, président de la Commission électorale nationale indépendante de la RDC, 12 mai 2017.

"S'obstiner sur cette voie ne peut que conduire à des élections contestables et à de nouvelles crises", a pourtant affirmé l’abbé Nshole, parlant de tous les préalables prévus dans l’accord politique mais jusque-là non encore respectés ou du moins partiellement.

Corneille Nangaa, qui a pris part à une réunion informelle à l’ONU sur les élections en RDC, explique que le choix de la Céni pour la machine à voter permettra, entre autres, de réduire le coût des élections de plus de 100 millions de dollars.

Selon M. Nangaa, les coûts des scrutins ont pu être réduits de 554 millions de dollars à environ 432 millions, grâce au recours à la machine à voter.

Un autre avantage de l’utilisation de la machine est, selon M. Nangaa, qu’elle permettra de réduire sensiblement la dimension du bulletin de vote pour les trois scrutins combinés (présidentiel, législatif et local).

Pour l’opposition et la société civile, les arguments du président de la Céni ne servent qu’à justifier une tentative de faire passer une autre fraude en préparation.

Patrick Ngoyi joint par Eddy Isango
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"Opposer un obstacle à la tenue des élections, cette pratique venant de l’autorité de l’organe de gestion des élections, nous n’en sommes pas à une première tentative. Déjà, si vous voyez la panoplie des contraintes publiées au même moment que le calendrier électoral, cela n’étonne personne. Aujourd’hui, vouloir imposer la machine à voter avec tout ce qu’il y a comme argumentations liées à cela, constitue une stratégie destinée à amener à nouveau les différents acteurs concernés sur une table de négociations en vue de tirer les choses en longueur. Ils savent déjà que ça ne passera pas", soutient Patrick Ngoyi de la Ligue des électeurs.

Pour lui, la "machine à voter viole la Constitution qui interdit le vote électronique".

Débat sur le vote électronique interdit par la loi

"La déclaration du président de la Céni manque de crédibilité parce qu’on a l’impression que M. Corneille Nangaa saute sur toutes les occasions pour justifier la non-organisation des élections. Précédemment, il est sorti sur le sujet en rapport avec l’Ituri pour écarter la perspective des élections", argumente à son tour le député opposant Delly Sesanga, président de l’Envol.

>> Lire aussi : Les Etats-Unis opposés à un système de vote électronique en RDC

"Il est prévu dans le calendrier électoral publié par la Céni, la préparation et l’impression de bulletins de vote en papier sur une séquence de 57 jours. Nous ne pouvons pas comprendre qu’aujourd’hui, ils veuillent emprisonner le processus électoral, prendre en otage celui-ci en exigeant la machine à voter comme la condition sine qua non de la tenue des élections", avance M. Sesanga.

Delly Sesanga joint par Eddy Isango
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Plus 46 millions d'électeurs ont été recensés pour la triple élection, déjà reportée plusieurs fois.

"Avec plus de 45 millions d'électeurs, les trois scrutins combinés le même jour imposent l'implantation de 23.000 centres de vote éclatés en environ 90.000 bureaux de vote et de dépouillement", a annoncé M. Nangaa.

>> Lire aussi : Le porte-parole du gouvernement congolais affirme que le camp présidentiel désignera son candidat en juillet

Selon lui, "l'option prise de recourir à la machine à voter permet aussi de réduire le poids de l'ensemble des matériels à déployer de 16.000 tonnes à moins de 8.000 tonnes".

Lors de la réunion informelle de l’ONU, les avis des partenaires congolais étaient partagés.

Mais les Etats-Unis s’étaient vivement opposés sur l’usage de la machine à voter en RDC.

"Nous sommes très préoccupés de voir l'insistance (de la Commission électorale indépendante Céni) vouloir utiliser un système électronique de vote", a fait remarquer l’ambassadrice américaine à l’ONU, Nikki Haley.

>> Lire aussi : Le président de la CENI déclare que les élections doivent "consacrer l'alternance" en RDC

Un tel recours représente "un risque colossal" et les Etats-Unis souhaitent le recours à "des bulletins papier pour qu'il n'y ait pas de doutes sur le résultat". "Les Etats-Unis ne soutiennent pas" ce recours à un système électronique, a insisté Nikki Haley.

"Nous disons la même chose que Mme Halye. Nous ne faisons pas un vote électronique au Congo. La machine à voter ne servira en fait qu’à imprimer les bulletins de vote", se défend, de son côté, M. Nangaa.

"C’est une fausseté. Il n’y aura pas de bulletin à 56 pages. La règle du seuil, les cautions qui seront payées réduit déjà le nombre de listes. C’était ça même l’objectif de la réforme de la loi électorale", rétorque le député Sesanga.

Une réforme de la loi électorale a été adoptée au niveau du parlement en décembre dernier, fixant un seuil de représentativité mais laissant un flou quant à l’usage de la machine contrairement à la précédente loi.

Pour M. Nangaa, la machine à voter ne constitue pas un vote électronique interdit par la Constitution congolaise.

Ce que rejettent évidemment l’opposition et la société civile.

"La machine à voter, c’est une question sémantique. Ce n’est pour rien que la Céni s’est battue pour qu’on puisse enlever l’incise qu’il y avait dans la loi, qui interdisait le vote électronique. La machine à voter constitue bel et bien un vote électronique dès lors qu’elle va produire des PV (procès-verbaux) qui seront transcrits de manière automatique et qu’il y aura une automatisation de certains éléments du processus électoral", rétorque M. Sesenga.

"Personne ne fait confiance à la machine à voter", appuie M. Ngoyi.

Mais la Céni s’est donnée pour pari de gagner la confiance de toutes les parties pour faire passer la machine à voter.

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