Le gouvernement vénézuélien, qui se réclame de l'héritage du défunt président Hugo Chavez, a mis en oeuvre une stratégie "visant à neutraliser, réprimer et incriminer les opposants politiques et les personnes critiquant le gouvernement" au cours des dix dernières années, et surtout depuis 2016, accuse Michelle Bachelet dans un rapport qui fait suite à sa visite à Caracas le mois dernier.
"Selon le rapport, le nombre d'exécutions extrajudiciaires présumées par les forces de sécurité, en particulier les forces spéciales (FAES), dans le cadre d'opérations de sécurité est extrêmement élevé", déclare également le Haut-Commissariat dans un communiqué.
Les FAES sont un corps d'"élite" de la police nationale créé en 2017 "pour combattre la criminalité". De noir vêtus, surentraînés et surarmés, ses agents sont redoutés par les Vénézuéliens. L'organisation de défense des droits de l'homme PROVEA dénonce leurs descentes "violentes", notamment dans les quartiers les plus pauvres.
Dans son rapport, Michelle Bachelet, ancienne présidente du Chili, appelle à leur "dissolution".
Le rapport indique qu'en 2018, 5.287 personnes ont été tuées pour "résistance à l'autorité" au cours de ces opérations de sécurité, selon des chiffres "fournis par le gouvernement" vénézuélien. Entre le 1er janvier et le 19 mai de cette année, 1.569 autres personnes ont été tuées, toujours selon Caracas.
"Le nombre de ces décès est anormalement élevé", note le rapport, qui souligne que d'après ses informations, "nombre de ces exécutions pourraient constituer des exécutions extrajudiciaires".
Le Venezuela traverse depuis des mois une profonde crise politique, avec la lutte entre le président Nicolas Maduro et l'opposant Juan Guaido, qui s'est proclamé président par intérim et a été reconnu comme tel par une cinquantaine de pays, dont les Etats-Unis.
Le pays est aussi en proie à une grave crise économique, aggravée par un embargo pétrolier et des sanctions financières imposés par Washington pour tenter de chasser M. Maduro du pouvoir, et souffre de pénuries de nourriture et de médicaments.
- "Violations graves" -
Le Haut-Commissariat appelle par ailleurs Caracas à prendre des "mesures immédiates et concrètes pour mettre fin aux graves violations des droits économiques, sociaux, civils, politiques et culturels".
Il souligne qu'"une série de lois, de politiques et de pratiques ont restreint l'espace démocratique, démantelé les contre-pouvoirs institutionnels et donné libre cours à des schémas de violations graves".
"Des groupes civils armés progouvernementaux, appelés +colectivos+, ont contribué à la détérioration de la situation en exerçant un contrôle social et en aidant à réprimer les manifestations", explique l'organe onusien, qui a recensé 66 morts lors de manifestations entre janvier et mai 2019, dont 52 attribuables aux forces de sécurité gouvernementales ou aux "colectivos".
Le rapport note également qu'au 31 mai, 793 personnes étaient privées arbitrairement de leur liberté et que, jusqu'à présent cette année, 22 députés de l'Assemblée nationale ont été privés de leur immunité parlementaire, dont son président Juan Guaido qui tente de déloger Nicolas Maduro du pouvoir depuis janvier.
Face à ce cinglant rapport, le gouvernement vénézuélien a aussitôt réagi en épinglant ses "innombrables imprécisions, erreurs, décontextualisations et fausses affirmations".
Le texte, affirme-t-il dans un long argumentaire en 70 points, n'offre qu'une "vision sélective et ouvertement partiale" de la situation des droits humains au Venezuela.
Sans revenir sur le nombre de personnes tuées "pour résistance à l'autorité", le gouvernement chaviste explique que le parquet général est "au courant de 292 affaires survenues entre 2017 et 2019 dans lesquels 388 agents des FAES ont été impliqués pour homicide, traitement cruel et violation de domicile".
Avec AFP