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L'avenir d'Onusida en question après le mandat controversé de Michel Sidibé


L'Onusida, créée en 1994 pour coordonner les programmes de lutte antisida, a traversé l'an dernier la pire crise de son histoire.
L'Onusida, créée en 1994 pour coordonner les programmes de lutte antisida, a traversé l'an dernier la pire crise de son histoire.

Des experts du sida ne cachent pas leur inquiétude sur l'avenir de l'agence de l'ONU chargée de la lutte contre ce fléau, alors que son ancien chef continue de bénéficier du soutien de sa hiérarchie malgré une gestion désastreuse.

Les opinions restent divisées à propos de l'ancien directeur exécutif de l'Onusida, Michel Sidibé, nommé en mai ministre de la Santé du Mali, son pays d'origine.

Cette agence, basée à Genève et créée en 1994 pour coordonner les programmes de lutte antisida, a traversé l'an dernier la pire crise de son histoire après une plainte pour agression sexuelle déposée par une employée à l'encontre d'un ex-directeur adjoint de l'organisation.

L'ONU avait demandé à un groupe d'experts indépendants d'enquêter sur la gestion de cette crise et leur rapport, remis en décembre 2018, a conclu que M. Sidibé n'avait "pas pris ses responsabilités face à une culture de l'impunité" et lui a reproché d'entretenir un "culte de la personnalité".

Sous son mandat de presque 10 ans, l'Onusida n'a pas réussi à "faire respecter les lois et les valeurs des Nations unies", ont ajouté les enquêteurs.

Malgré ce rapport accablant, le Secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, qui doit nommer un nouveau chef à la tête de l'agence dans les prochaines semaines, a continué de soutenir M. Sidibé.

Après l'annonce de sa nomination comme ministre de la Santé, M. Guterres a salué son "dévouement et sa promotion d'une riposte au sida centrée sur les personnes et ancrée dans les droits de l'Homme".

"Il est plutôt regrettable que le Secrétaire général lui-même, en dépit de tous ces problèmes que nous avons découverts, continue encore à le soutenir", a déclaré Penninah Iutung, la responsable pour l'Afrique de l'une des plus grandes organisations mondiales sur le sida, AIDS Healthcare Foundation.

"Le changement de culture est très difficile", a-t-elle confié à l'AFP.

Dans un message à l'AFP, M. Sidibé n'a pas critiqué les conclusions du rapport.

"Le rapport a été examiné avec attention par le Conseil de coordination du programme de l'Onusida (...) qui a décidé des actions qu'il a jugées appropriées et pertinentes", a-t-il écrit.

- "Règles respectées" -

Les enquêteurs ont publié le témoignage d'un employé de l'Onusida qui a décrit l'agence comme "un terrain de chasse pour prédateur", où ceux qui détiennent l'autorité promettaient "des emplois, des contrats et toutes sortes d'opportunités et abusaient de leur pouvoir pour obtenir tout ce qu'ils voulaient, en particulier en termes de faveurs sexuelles".

Mais au lieu d'être sanctionnés, les présumés coupables "étaient déplacés, promus ou obtenaient un long congé administratif".

M. Sidibé "n'a accepté aucune responsabilité" pour les problèmes de son agence, a relevé le rapport d'enquête.

En outre, des documents obtenus par l'AFP révèlent que son épouse, Christine Sidibé, a décroché en 2015 un contrat avec le bureau de l'Onusida à Djibouti pour l'aider à réunir des fonds.

La mission n'était prévue que pour 15 jours et selon l'agence, qui a confirmé l'authenticité des documents, la contrepartie était de 14.000 dollars, soit juste en dessous de la limite qui aurait nécessité l'accord d'une "autorité financière ou administrative".

L'Onusida affirme que le contrat "avait été approuvé au niveau régional" et que l'ancien directeur exécutif "n'était pas impliqué" dans cette mission. "Les règles en usage ont été respectées."

Dans un message adressé à l'AFP, Christine Sidibé a déclaré avoir "une longue expérience des questions liées au sida", après 13 ans de travail au sein de l'Organisation mondiale de la santé (OMS).

"Le directeur exécutif n'a pas été impliqué, ou informé de ce travail jusqu'à ce que j'accepte l'offre", a-t-elle martelé.

- Trop tard ? -

Paula Donovan, de l'ONG Code Blue Campaign, qui a été à la pointe des révélations sur la mauvaise gestion de l'agence, a confié à l'AFP que "d'un point de vue éthique", le contrat aurait dû être soumis à la direction d'Onusida.

Si accorder un contrat à la femme du directeur exécutif qui "passe juste en dessous du niveau requis pour une vérification (...) n'est pas résolument une violation des règles, alors il faut changer les règles", a-t-elle estimé.

L'AFP a également reçu copie de messages internes qui révèlent que des employés d'Onusida ont participé à l'organisation des obsèques de la mère de M. Sidibé en 2017 au Mali et y ont assisté.

Mais il n'y a aucune preuve que des fonds de l'agence aient été dépensés.

En réponse aux questions concernant le contrat de son épouse et les obsèques de sa mère, M. Sidibé a dit à l'AFP: "Je peux vous assurer que tous les actes que vous décrivez ont été faits dans le respect du règlement et approuvés au niveau requis".

Son successeur devrait être annoncé "très bientôt", selon la directrice exécutive adjointe, Gunilla Carlsson, qui assure l'intérim.

L'agence a déjà lancé le plan de réforme de sa gestion. Mais pour Mme Iutung, il est peut-être trop tard, car les dommages causés sous le mandat de M. Sidibé "posent désormais la question de la pertinence d'Onusida".

"Il aurait dû partir beaucoup plus tôt."

Avec AFP

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