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Hommage aux 80 victimes d'affrontements communautaires au Nigeria


Makurdi (archives)
Makurdi (archives)

Des dizaines de milliers de personnes se sont rassemblées à Makurdi, dans le centre du Nigeria, en hommage aux dizaines de victimes de récents affrontements entre cultivateurs et éleveurs.

Les affrontements dans le cadre des conflits agraires, exacerbés par des tensions religieuses et ethniques, ont fait des milliers de morts ces dernières décennies dans les Etats du centre du Nigeria et illustrant l'impuissance du gouvernement fédéral à juguler ces violences.

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Les participants, pour la plupart vêtus de noir, se sont réunis dans le square Ibrahim Babangida de Makurdi, la capitale de l'Etat de Benué, pour assister à une cérémonie avant l'enterrement collectif de cultivateurs.

Quelque 80 personnes ont été tuées depuis le début de l'année lors de violences entre des éleveurs en majorité musulmans et des agriculteurs chrétiens, ont indiqué mardi à l'AFP des responsables des services de secours.

Le gouverneur de l'Etat de Benué, Samuel Ortom, a précisé que 73 personnes seraient enterrées jeudi.

Des dizaines de milliers de personnes ont aussi été chassées de chez elles, conduisant le président Muhammadu Buhari à demander l'envoi de renforts de police.

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Pleurs et lamentations se sont élevées de la foule, lorsque des camionnettes ont commencé à décharger de sobres cercueils en bois sombre.

Le conflit séculaire pour l'appropriation des terres entre bergers nomades et agriculteurs sédentaires a été renforcé par une lutte de plus en plus âpre pour les ressources, provoquée par la sécheresse et la désertification dans le nord du Nigeria et plus largement au Sahel, qui a obligé les éleveurs à migrer vers le Sud.

Et la rapide croissance démographique du pays, qui compte aujourd'hui 180 millions d'habitants et devrait devenir le troisième pays le plus peuplé au monde d'ici à 2050,a encore aggravé la situation.

- 'Aussi dangereux que Boko Haram' -

La présidence a annoncé mercredi que l'armée avait déployé des forces dans les Etats de Benué, Taraba et Nasarawa "pour protéger les communautés vulnérables et empêcher de nouvelles attaques".

Les affrontements, qui portent notamment sur l'accès à la terre et à l'eau, divisent les Nigérians sur des bases religieuses et ethniques. Ils se sont intensifiés à Benué après le Nouvel An 2018, notamment en raison d'une nouvelle loi qui interdit aux éleveurs de bétail nomades de se déplacer à l'intérieur de l'Etat.

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Les nomades se sont équipés d'armes lourdes et les agriculteurs ont formé des milices, entraînant un cycle d'attaques et de représailles.

Le président Muhammadu Buhari a été accusé par des responsables du sud du pays de passivité à l'égard des éleveurs, parce qu'il était un musulman d'origine peule venu du Nord. Le Nigeria est divisé dans une symétrie quasi parfaite, entre un Nord musulman et un Sud chrétien.

"Les dernières attaques ont contribué au sentiment que l'administration Buhari favorise les éleveurs, que ce soit par incompétence, négligence ou complicité", souligne l'analyste politique Chris Ngwodo, qui relève que les autorités sont bien plus fermes dans leur lutte contre d'autres groupes armés, comme les jihadistes de Boko Haram ou les militants du delta du Niger.

Pour beaucoup d'observateurs, la lutte contre l'impunité est la clé d'une amélioration de la situation.

Le centre d'études International Crisis Group avait prévenu en septembre 2017 que les conflits agraires dans le centre du Nigeria devenaient "potentiellement aussi dangereux que l'insurrection de Boko Haram dans le nord-est".

Le prix Nobel de la Paix, Wole Soyinka, a mis en garde le président Buhari, à un an du prochain scrutin présidentiel, en rappelant que l'échec de son prédécesseur, Goodluck Jonathan, à vaincre les jihadistes de Boko Haram lui avait fait perdre les élections en 2015.

M. Buhari, son gouvernement et les forces de sécurité "se trouvent dans le même état de déni" à propos de la menace que les éleveurs font peser sur la sécurité du Nigeria, selon des propos publiés jeudi dans la presse nigériane.

Avec AFP

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