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Les "clandos", taxis informels et vétustes, incontournables à Libreville


Un taxi informel, communément appelé "clando" en stationnement au rond point du carrefour Rio, à Libreville, au Gabon, le 23 mai 2022.
Un taxi informel, communément appelé "clando" en stationnement au rond point du carrefour Rio, à Libreville, au Gabon, le 23 mai 2022.

A Libreville les "clandos" - un néologisme dérivé de "clandestin" - sont des véhicules délabrés à usage de transport en commun. Ces cercueils sur roues sont devenus une véritable institution dans la périphérie et au centre-ville.

Tout visiteur qui arrive dans la capitale gabonaise est tout de suite surpris par ce phénomène singulier : la prolifération des "clandos", ces vieux véhicules avec, dans leur sillage, des colonnes opaques de fumée.

Difficile en apparence de s’imaginer que ces véhicules sont capables de circuler, tant ils sont délabrés. Absence de portières, de phares, radiateur dénudé, pare-choc maintenu en place par une corde élastique... la liste des détails qui intriguent n’est pas exhaustive. Ce sont des véhicules pour la plupart bannis de la circulation en Europe, aux Etats Unis d'Amérique, en Asie, mais utilisés comme taxis ou véhicules à usage personnel à Libreville.

"Les moteurs sont fatigués, les fauteuils sont mouillés, c’est déchiré et les clients ne sont pas à l’aise", témoigne un jeune riverain habitué de ces taxis informels.

L'appellation "clando" n’est pas innocente. En plus d’être conduits par des chauffeurs aux permis parfois frauduleux, ces véhicules sont de véritables cercueils roulants qui n’ont bien souvent d’origine que le moteur.

"Il faut chaque fois réparer. On est obligés, chaque fois, de changer les plaquettes et les rotules. Parfois les roues sautent même", explique Clément Ndinga, conducteur d'un clando.

Des "clandos" en attente de clients dans une rue de Libreville, au Gabon, le 23 mai 2022.
Des "clandos" en attente de clients dans une rue de Libreville, au Gabon, le 23 mai 2022.

La prolifération de ces engins qui s'apparent à de véritables cercueils roulants découle en partie des politiques publiques qui ont échoué.

Il s'agit d'abord du désir, bien intentionné mais mal exécuté, de réduire la pollution et d'assurer la sécurité des usagers de la route dans cette ville dynamique. En effet le Gabon décrète, dès avril 2014, l’interdiction d’importer sur son territoire des voitures d’occasion vieilles de plus de trois ans sous certaines conditions, notamment à compter de la date de la première mise en circulation à l’étranger et si le véhicule a parcouru plus de 6000 kilomètres.

Une mesure impopulaire qui, assortie d'une traque du parc automobile défectueux, cause un effet boomerang. "Avant, avec 1,5 million FCFA tu pouvais te trouver une occasion de Belgique. Mais aujourd’hui, pour avoir une occasion de Belgique, il faut dépenser 5 millions et c’est compliqué pour nous", témoigne Michel Nguema, chauffeur de "clando", qui avait dû revendre son véhicule sous la pression.

En 2016, année électorale, les autorités font marche arrière et annoncent un assouplissement par un autre arrêté gouvernemental. Désormais, le Gabon considère comme voiture d’occasion tout véhicule automobile, vélomoteur, motocycle, tricycle à moteur âgé d’au moins six ans à compter de la date de la première mise en circulation à l’étranger et qui a parcouru plus de 6000 kilomètres.

Les "clandos", taxis informels non conformes, pullulent à Libreville
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Le recours aux "clandos" s'est intensifié aussi à cause des routes mal entretenues ou sans bitume. A ce problème s'ajoute une offre de transport urbain qui ne parvient pas à satisfaire la demande, surtout dans les zones périphériques, où, ironiquement, les populations en ont le plus besoin.

C'est l'avis de Thomas Bibang, qui vient de se faire une place à l’arrière d'un "clando" à un point d’embarquement du quartier Nzeng-Ayong Dragages, dans le nord-ouest de Libreville. "On fait comment? Il n'y a pas de route. Ce sont les 4x4 qui entrent là -bas. On est obligé de se serrer dans les véhicules", lance-t-il, résigné.

Même s'ils circulent à des intervalles réguliers, les bus de la Société gabonaise de transport (Sogatra) qui couvrent le Grand Libreville circulent surtout le long des artères principales. Même là, les files d'attente sont très longues, surtout que les autorités ont décrété la gratuité sur l'ensemble du réseau pour soulager les Librevillois frappés de plein fouet par l'impact économique des restrictions liées à la lutte contre la pandémie du coronavirus.

Entre temps, l'usage des "clandos" continue de gagner du terrain. Dans les quartiers reculés du centre urbain, ils sont de plus en plus nombreux ces véhicules dépassant parfois leurs conducteurs en âge. Chaque année, c’est entre 15 000 à 20 000 voitures de seconde main venues d'Europe qui sont déversées sur le marché gabonais, contre seulement 5000 véhicules neufs.

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