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Grincements de dents en Afrique face à l'interventionnisme de Paris au sommet de l'OIF


Le président français Emmanuel Macron et le président rwandais Paul Kagame à Paris, le 23 mai 2018.
Le président français Emmanuel Macron et le président rwandais Paul Kagame à Paris, le 23 mai 2018.

Les pays francophones africains se sont officiellement rangés comme un seul homme derrière la candidature de la ministre rwandaise des Affaires étrangères, Louise Mushikiwabo, à la tête de la Francophonie, mais l'activisme de Paris et de Kigali suscite des aigreurs.

Lors de son dernier sommet, en juillet à Nouakchott, l'Union africaine (UA), présidée par le Rwandais Paul Kagame, a demandé à tous ses membres appartenant à l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF) de soutenir la candidature rwandaise, alors que près de 60% des locuteurs du français vivent en Afrique.

Cette candidature, face à la Canadienne Michaëlle Jean, première femme et première non-Africaine à accéder à cette fonction, au sommet de l'OIF en 2014 à Dakar, a été officialisée en mai à Paris, à l'occasion d'une visite de M. Kagame à son homologue français Emmanuel Macron.

Les dirigeants africains se réfèrent à leur décision collective de juillet pour justifier leur intention de voter pour la chef de la diplomatie rwandaise au sommet de l'OIF jeudi et vendredi à Erevan, sans afficher d'enthousiasme particulier.

"Tous les chefs d'Etat membres de l'Union africaine francophones ont décidé de soutenir une candidature africaine. Le Gabon, à ce que je sache, fait partie de l'Union africaine, donc le Gabon va aussi soutenir une fille du continent", avait déclaré en septembre le président gabonais Ali Bongo Ondimba, saluant les compétences de Mme Mushikiwabo.

"C'est un bon choix et tous les chefs d'Etat africains ont décidé de soutenir une candidature africaine", a-t-il poursuivi.

Le ministre comorien des Affaires étrangères, Mohamed Lamine Souef, a également indiqué la semaine dernière que son pays allait "s'aligner sur la position de l'UA", une décision prise "sans débat".

Mais au sein des opinions, beaucoup dénoncent des relents de "Françafrique" dans le processus qui devrait permettre au continent de récupérer le secrétariat général de la Francophonie.

- 'Jouet de la France' -

"Vu de Dakar, nous avons l'impression très nette que Macron et Kagame ont agi de manière trop, trop cavalière", explique à l'AFP l'éditorialiste politique sénégalais Babacar Justin Ndiaye.

"La France fait de la Francophonie un levier de rapprochement avec le Rwanda, mais elle utilise ça au détriment des pays démocratiques, des pays africains et même du Canada", a-t-il souligné, en référence au bilan contesté du régime Kagame en matière de droits de l'Homme.

"C'est le poids de la politique qui passe avant le linguistique, avant la démocratie, avant la démographie, beaucoup de critères ont été sacrifiés sur l'autel de la diplomatie, et encore quelle diplomatie?", a regretté Babacar Justin Ndiaye.

Face à la désignation annoncée de Mme Mushikiwabo, Alex Kipré, écrivain et éditeur ivoirien, journaliste au quotidien gouvernemental Fraternité Matin, "déplore que cela soit encore l'extérieur qui nous dicte nos lois".

"Ca fait réseautage, ça fait Françafrique", a-t-il ajouté, estimant que "Michaëlle Jean a un bon bilan, elle a une forte opinion de l'Afrique, elle a vraiment apporté quelque chose".

Pour Paul Bérenger, un dirigeant de l'opposition mauricienne, "la façon dont le président Macron traite la Francophonie comme un jouet de la France est scandaleuse".

"Je prévois que la Francophonie finira mal", a-t-il déclaré à l'AFP. Cette organisation "est supposée promouvoir les valeurs de langue française et les droits de la personne humaine. On comprend mal pourquoi le président Macron a imposé la candidature d'un ressortissant du Rwanda".

Selon Mathias Hounkpe, responsable du programme de gouvernance politique à la fondation Osiwa (Open Society Initiative for West Africa, à Dakar), même s'ils sont sans doute satisfaits de voir ce poste revenir sur le continent, les dirigeants africains ne peuvent pas le dire ouvertement. "Cela les embête un peu parce qu'ils ont le sentiment que c'est comme si Macron leur avait coupé l'herbe sous le pied en s'avançant le premier".

"Leur soutien public et actif pourrait être perçu comme s'il était influencé par la France", a-t-il ajouté, au risque d'apparaître "devant l'opinion comme manipulé par la France ou influencé par la France, ce que beaucoup de pays ne souhaiteraient pas".

Avec AFP

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