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Que peut-on attendre des négociations de paix sur le conflit au Tigré?


Des Éthiopiens déplacés internes font la queue pour recevoir de l'aide alimentaire dans le camp de Higlo pour personnes déplacées par la sécheresse, dans la ville de Gode, région somalienne, Éthiopie, le 26 avril 2022.
Des Éthiopiens déplacés internes font la queue pour recevoir de l'aide alimentaire dans le camp de Higlo pour personnes déplacées par la sécheresse, dans la ville de Gode, région somalienne, Éthiopie, le 26 avril 2022.

Gouvernement éthiopien et rebelles de la région du Tigré, qui s'affrontent depuis près de deux ans, tiennent jusqu'à dimanche de premiers pourparlers de paix officiels, dont l'issue demeure très incertaine après le regain des violences observé depuis fin août.

Qui est à la table des négociations ?

Des délégations du gouvernement fédéral éthiopien et des rebelles de la région septentrionale du Tigré sont réunies depuis mardi dans la capitale sud-africaine Pretoria, sous l'égide de l'Union africaine (UA).

La communauté internationale tentait d'amener les belligérants à la même table depuis près de deux ans.

En juin, le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed avait annoncé la création d'un comité, dirigé par le ministre des Affaires étrangères et vice-Premier ministre Demeke Mekonnen, pour préparer d'éventuelles négociations de paix, tout en démentant des discussions avec le Front de libération du peuple du Tigré (TPLF).

Selon une source occidentale, des contacts ont eu lieu secrètement aux Seychelles et, à deux reprises, à Djibouti.

De précédents pourparlers, convoqués début octobre en Afrique du Sud par l'UA, avaient fait long feu avant même de commencer, sur fond de problèmes d'organisation.

A Pretoria, la délégation gouvernementale est menée par Demeke Mekonnen. Celle des Tigréens est formée de sept membres, dont un porte-parole des autorités rebelles, Getachew Reda, et un chef militaire, le général Tsadkan Gebre-Tensae.

L'Erythrée, alliée à l'armée éthiopienne et ennemie juré du TPLF depuis une sanglante guerre frontalière en 1998-2000 quand ce parti dirigeait l'Ethiopie, n'a pas été conviée.

Acteur extérieur imprévisible, ce pays frontalier du Tigré joue un rôle crucial. Ses soldats, dont la présence dès le début du conflit a longtemps été démentie par Addis Abeba, sont notamment accusés d'exactions sur les civils.

La médiation est assurée par le haut représentant de l'UA pour la Corne de l'Afrique, l'ancien président nigérian Olusegun Obasanjo, l'ancien chef de l'Etat kényan Uhuru Kenyatta et l'ancienne vice-présidente sud-africaine Phumzile Mlambo-Ngcuka.

Le secrétaire exécutif de l'organisation est-africaine Igad, l'ancien ministre des Affaires étrangères éthiopien (2016-2019) Workneh Gebeyehu, l'envoyé spécial des Etats-Unis pour la Corne de l'Afrique Mike Hammer et un représentant de l'ONU sont également présents en tant qu'observateurs.

Quels sujets sont discutés ?

Avant toute résolution du conflit sur le fond, la priorité est une cessation immédiate des hostilités, demandée par la communauté internationale ainsi que par les rebelles.

La situation est devenue "incontrôlable" et "la violence et la destruction atteignent des niveaux alarmants", s'inquiétait mi-octobre le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres.

Après cinq mois de trêve, les combats ont repris le 24 août. Les deux camps s'en rejettent la responsabilité.

Depuis, les forces pro-gouvernementales gagnent du terrain. Affirmant "protéger la souveraineté et l'intégrité territoriale du pays", les autorités fédérales entendent reprendre "le contrôle immédiat de tous les aéroports, autres infrastructures et installations fédérales" au Tigré.

A l'aide de bombardements d'artillerie et de frappes de drone, les armées éthiopienne et érythréenne se sont emparées de plusieurs villes (Sheraro, Shire, Alamata...).

"Le premier objectif des médiateurs est donc d'essayer d'amener les délégations fédérale et tigréenne à s'accorder sur une trêve malgré la dynamique de poursuite de l'affrontement militaire", souligne William Davison, analyste à l'International Crisis Group.

La réouverture des accès pour l'acheminement de l'aide humanitaire, interrompu par la reprise des combats, sera également cruciale pour cette région de six millions d'habitants écrasée par la faim.

Le gouvernement fédéral affirme "travailler en coordination avec les agences internationales pour continuer à fournir de l'aide humanitaire" dans les régions sous son contrôle.

Les rebelles, comme la communauté internationale, demandent également un retrait des troupes érythréennes, mais ces derniers ne font pas partie des discussions.

Quelle issue peut-on espérer ?

Les discussions sont prévues pour s'achever dimanche. L'issue en est pour le moins incertaine.

"Les développements militaires sur le terrain (...) menacent de surpasser les discussions politiques, étant donné la dynamique actuelle des forces progouvernementales" au Tigré, soulignait dans une note mardi le cabinet Eurasia Group.

"Addis Abeba visera désormais à tirer parti de son ascendant militaire", ajoutait-il, en relevant que "Demeke Mekonnen a soutenu ces derniers jours la poursuite des opérations militaires et appelé à la dissolution des forces tigréennes avant qu'une solution puisse être trouvée".

Côté tigréen, le ton restait également martial. "Nous nous rendons en Afrique du Sud tout en continuant à nous battre", a déclaré lundi le chef des autorités rebelles Debretsion Gebremichael dans un communiqué, en assurant que "les forces ennemies conjointes qui sont entrées au Tigré seront enterrées". "Notre victoire est inévitable, c'est une question de temps", a-t-il affirmé.

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