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Les enfants, nouvelle arme de Boko Haram dans les attentats-suicides


Des enfants réfugiés à l'une des fontaines d'eau du camp de Dar Es Salam à Baga-Sola (ouest du Tchad).
Des enfants réfugiés à l'une des fontaines d'eau du camp de Dar Es Salam à Baga-Sola (ouest du Tchad).

De plus en plus d'enfants sont impliqués dans des attaques-suicides dans la région du lac Tchad, où le groupe islamiste nigérian Boko Haram, affaibli militairement, tente d'instaurer la terreur par tous les moyens, a rapporté mardi l'Unicef.

De quatre enfants utilisés dans des attaques kamikazes en 2014, on est passé à 44 l'année suivante, selon le fonds des Nations unies pour l'enfance, au Nigeria, Cameroun, Tchad et Niger, où sévit le groupe qui a rallié l'organisation de l'Etat islamique (EI).

Plus de 75% étaient des filles, note l'Unicef dans un rapport "Beyond Chibok" ("Au-delà de Chibok"), publié près de deux ans jour pour jour après l'enlèvement par Boko Haram de 276 lycéennes dans le nord-est du Nigeria, un rapt qui avait créé une vague d'indignation à travers le monde.

Ce rapport pointe la situation dramatique de milliers d'enfants, victimes d'enlèvements, d'abus sexuels et de mariages forcés, devenus une arme de guerre aux mains de Boko Haram, utilisés comme bombes humaines ou pour transporter des explosifs.

"C'est un rapport très inquiétant, parce que ça fait deux ans que les jeunes filles de Chibok ont été enlevées. Le monde a été ému mais deux ans après, non seulement la plupart d'entre elles n'ont pas été libérées, mais en plus près de 2.000 autres jeunes filles et adultes ont été enlevées à travers quatre pays de la région. Souvent, ces enfants sont transformés en esclaves sexuels, en combattants et même aujourd'hui en kamikazes. Je n'aime pas les appeler 'kamikazes' mais ce sont vraiment des attaquants-suicides. Et le monde n'a malheureusement pas donné l'attention qu'il fallait à tous ces enfants", explique à VOA Afrique Laurent Duvillier, chargé de communication régionale pour l’Unicef.

Laurent Duvillier, de l'Unicef, joint par Jacques Aristide
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"Il est important que les communautés puissent réintégrer ces enfants et comprendre que ces jeunes filles qui ont été, malgré elles, impliquées dans ces attentats doivent être considérées comme des victimes et ne sont pas les bourreaux", ajoute M. Duvillier.

Laurent Duvillier, du Bureau régional de l'UNICEF pour l'Afrique de l'Ouest et du Centre
Laurent Duvillier, du Bureau régional de l'UNICEF pour l'Afrique de l'Ouest et du Centre

"Tromper les enfants et les forcer à commettre des actes mortels a été l'un des aspects les plus horribles de la violence au Nigeria et dans les pays voisins", affirme pour sa part Manuel Fontaine, directeur régional de l'Unicef pour l'Afrique de l'ouest et centrale.

Le groupe islamiste a subi d'importants revers ces derniers mois face aux offensives des armées de la région qui l'ont chassé de la quasi-totalité des localités dont il s'était emparé au Nigeria.

Depuis lors, il multiplie les attentats-suicides, qui demandent peu de moyens, pour terroriser la population.

Ces attaques, longtemps concentrées au Nigeria, se sont progressivement étendues aux pays voisins et notamment au Cameroun, qui a enregistré depuis deux ans le plus grand nombre d'attentats-suicides impliquant des enfants (21), suivi par le Nigeria (17) et le Tchad (2).

- 'Visage de la pureté' -

Souvent très jeunes - parfois à peine 8 ans - les profils des enfants "kamikazes" sont divers.

Il y a ceux qui, comme les filles de Chibok, ont été enlevés. Durant les attaques de villages, dans le chaos et la fuite, il y a aussi ces innombrables enfants séparés de leurs parents qui se retrouvent livrés à eux-mêmes, en brousse ou dans des camps de déplacés.

"Ce sont des proies faciles pour les recrutements, tant ils sont vulnérables", explique à l'AFP Laurent Duvillier, chargé de communication régionale pour l'Unicef, rappelant qu'environ 1,3 million d'enfants ont été déplacés par le conflit, alors qu'ils étaient 800.000 il y a encore un an.

Mosquées, marchés bondés, restaurants... Boko Haram "utilise une technique très vicieuse pour aller frapper au coeur de la communauté et faire le plus mal possible. Qui va se méfier d'un enfant? C'est le visage de la pureté", souligne Laurent Duvillier.

Qu'ils appuient eux-mêmes sur le détonateur ou qu'on les fasse exploser à distance, ces enfants "ne peuvent prendre de décision consciente: ils sont embrigadés ou agissent sous la pression".

- Climat de suspicion -

Ce phénomène "crée une atmosphère de peur et de suspicion qui a des conséquences dévastatrices" pour les enfants, notamment ceux qui ont été libérés après avoir vécu en captivité au sein de groupes armés, désormais considérés comme une menace potentielle pour leurs communautés, selon l'Unicef.

Les enfants nés de mariages forcés, ou à la suite de violences sexuelles "se heurtent aussi à la stigmatisation et la discrimination" dans leurs villages et dans les camps de déplacés.

Khadidja, 17 ans, a passé près d'un an en captivité, mariée de force à un combattant de Boko Haram, dont elle a eu un garçon. Lorsqu'elle est arrivée dans un camp de déplacés après avoir enfin réussi à s'échapper, elle s'est heurtée à l'hostilité des autres femmes qui refusaient de partager l'eau de la pompe.

"Certaines femmes me battaient, elles me chassaient. Elles me disaient +Tu es une femme de Boko Haram, ne vient pas près de nous!+", raconte-t-elle. Camerounaise, elle avait été enlevée alors qu'elle rendait visite à sa mère à Banki, au Nigeria.

"Cette méfiance à l'égard des enfants peut avoir des conséquences destructrices, estime Manuel Fontaine. Comment une communauté peut se reconstruire si elle rejette ses propres soeurs, filles et mères?".

Boko Haram, dont l'insurrection a déjà fait environ 20.000 morts, a pour sa part affirmé le 1er avril dans une vidéo qu'il ne déposerait pas les armes.

Avec AFP

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