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En Afrique de l'Ouest et au Sahel, la loi des colonels


Le capitaine Sidsoré Kader Ouedraogo lit le communiqué du lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba, à Ouagadougou, Burkina, le 24 janvier 2022.
Le capitaine Sidsoré Kader Ouedraogo lit le communiqué du lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba, à Ouagadougou, Burkina, le 24 janvier 2022.

Et maintenant le Burkina Faso... Sahel et Afrique de l'Ouest sont le théâtre depuis un an et demi d'une série de coups de force que des colonels justifient par l'inaptitude des dirigeants civils face aux jihadistes ou le discrédit des pouvoirs en place.

Des militaires en uniforme se plaçant sous le commandement du lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba ont annoncé lundi à la télévision burkinabè avoir renversé le président Roch Marc Christian Kaboré, arrivé en 2015 à la tête d'un pays aspiré à son tour dans la tourmente sahélienne.

M. Kaboré aura connu le même sort que ses homologues malien Ibrahim Boubacar Keïta et guinéen Alpha Condé, que des colonels étaient venus cueillir en août 2020 et septembre 2021.

Le Mali a connu un nouveau putsch en mai 2021. C'est sans compter avec le fait accompli créé en avril 2021 au Tchad avec la prise de pouvoir du général Mahamat Idriss Déby Itno.

Entre Afrique de l'Ouest et Sahel, tous ces pays sont désormais sous la direction d'une junte.

Les putschistes disent de concert n'avoir pas eu d'autre choix que de prendre leurs "responsabilités" et se drapent dans la sauvegarde de la patrie. Ils observent ensuite une feuille de route se ressemblant d'un pays à l'autre.

En Guinée, après deux ans de crise politique, les forces spéciales derrière le colonel Mamady Doumbouya ont capturé le président Condé pour mettre fin à "la gabegie financière, la pauvreté et la corruption endémique" ou encore "le piétinement des droits des citoyens". Le pays est épargné par les actes jihadistes.

Plus à l'est, au Tchad, confronté aux attaques de rebelles et engagé dans le combat antijihadiste au Sahel, un fils a pris la place de son père pour, a-t-il dit, empêcher le pays de "sombrer dans le néant, la violence et l’anarchie".

Au Mali, le changement de régime a été précédé par des mois de contestation contre l'impuissance ou l'inertie des autorités devant la propagation des violences de toutes sortes, la pauvreté et la corruption.

Le Burkina Faso est en proie à une même exaspération devant l'incapacité à faire face aux agissements jihadistes.

Partis du nord du Mali en 2012, les groupes jihadistes aujourd'hui affiliés à Al-Qaïda ou à l'organisation Etat islamique ont étendu leur champ d'action au centre et au sud, et aux Niger et Burkina Faso voisins.

Malgré le soutien militaire et financier international, les Etats sahéliens, parmi les plus pauvres au monde, sont dépassés.

Les 6 exigences des militaires mutins du Burkina
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Une page se tourne

La prise du pouvoir par les militaires est le fruit d'une "très forte désillusion démocratique au sein des opinions publiques", dit Niagale Bagayoko, présidente du think-thank African Security Sector Network (ASSN).

"Aujourd'hui, qui considère, à part les partis politiques eux-mêmes, qu'aller voter va avoir un impact sur la situation, autant individuelle que sécuritaire au Sahel ?", interroge-t-elle.

Au Faso, M. Kaboré, réélu en 2020, promettait que la lutte antijihadiste serait la première des priorités de son second mandat. Les massacres et attaques se sont poursuivis, comme à Inata mi-novembre (57 morts, dont 53 gendarmes).

"La détérioration du contexte sécuritaire (...) a autant exaspéré les populations civiles que les forces de défense et de sécurité", explique Ornella Moderan, du think-thank Institut d'études de sécurité (ISS). Inata est "devenu le symbole (...) de l'idée que les politiques ont lâché les forces armées", dit-elle.

Les putschistes burkinabè ont dit lundi être passés à l'action devant la "dégradation continue de la situation sécuritaire qui menace les fondements mêmes de notre nation" et devant "l'incapacité manifeste du pouvoir" à y faire face.

Le chef des putschistes guinéens, le colonel Doumbouya, citait, après le coup d'Etat, le défunt président ghanéen Jerry Rawlings, lui-même arrivé au pouvoir par un coup d'Etat en 1981, selon lequel "si le peuple est écrasé par ses élites il revient à l'armée de rendre au peuple sa liberté".

Arrivés par les armes ou par les urnes, des militaires ou ex-militaires sont au pouvoir dans quatre pays d'Afrique de l'Ouest: en Mauritanie, en Guinée-Bissau, en Guinée, au Mali.

Un fonctionnaire de l'ONU, travaillant dans la région sahélienne et s'exprimant sous le couvert de l'anonymat, juge sèchement: "Il semble qu'une page est en train de se tourner pour les vétérans de la politique ouest-africaine aux politiques publiques non appliquées et aux promesses non tenues".

Mais, se demande-t-il, "est-ce que les militaires pourront faire mieux ?"

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