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La complaisance des tribunaux camerounais décriée dans un cas extrême de brutalité policière


Quelques membres du consortium des ONGs sur l’affaire Ibrahim Bello à Yaoundé, le 2 juin 2020.
(Photo VOA/Emmanuel Jules Ntap)
Quelques membres du consortium des ONGs sur l’affaire Ibrahim Bello à Yaoundé, le 2 juin 2020. (Photo VOA/Emmanuel Jules Ntap)

Avocats et ONG réclament une justice équitable pour le jeune Ibrahim Bello, amputé suite aux tortures subies dans un commissariat de police.

En 2017, un adolescent avait été emmené à un poste de police pour être interrogé dans la ville d’Ombessa, dans la région du Centre du Cameroun, à une centaine de kilomètres de Yaoundé.

Le jeune homme, Ibrahim Bello, était soupçonné par un particulier d’avoir tenté de voler son véhicule. Mais ce qui aurait dû être un interrogatoire de routine suivi d'un transfert au système judiciaire en vue de poursuites, si nécessaires, a pris une tournure résolument sombre.

Le suspect avait été brutalement interrogé, torturé et mutilé à la machette et à l’électricité dans le commissariat de police d’Ombessa, de telle sorte qu'il a dû être amputé des deux jambes. Il a aussi perdu un membre supérieur, paralysé.

L'affaire a causé un tel tollé que même dans un Cameroun où l'impunité semble être la norme, deux policiers avaient été inculpés.

Après trois longues années au tribunal, l'affaire a finalement été close début mai. Le verdict, rendu le 6 mai, est vivement contesté par une vingtaine d’ONG qui suivent cette affaire.

Le tribunal de grande instance du Mbam et Inoubou, dans la région du Centre, a condamné deux policiers mis en cause. L’un des policiers a été condamné à 4 ans d’emprisonnement ferme et l’autre à trois ans d'emprisonnement avec sursis.

Mais selon le code pénal camerounais, les actes de torture sont punis par des peines d’emprisonnement allant de 10 ans au minimum à 20 ans au maximum, lorsque la torture cause à la victime la privation permanente de l’usage de tout ou partie d’un membre, d’un organe ou d’un sens. Précisément ce qui est arrivé au jeune Ibrahim Bello.

Avec l'affaire George Floyd qui a fait l'objet d'une grande médiatisation aux États-Unis et dans le monde entier, les groupes de défense des droits au Cameroun braquent à nouveau les projecteurs sur le cas du jeune Ibrahim Bello, aujourd’hui âgé de 21 ans.

Mardi le consortium de 23 ONG mis en place pour la défense du jeune homme a fait une déclaration qualifiant la décision de justice "de verdict de la honte et de l’humiliation".

"La condamnation de l’officier de police a été assortie de sursis. Il n'a même pas été mis en détention pendant toute la procédure, et nous estimons que c'est un mauvais message qu’on passe aux autres policiers qui peuvent croire qu’impunément, on peut massacrer les autres citoyens comme on veut", regrette Victor Kadje, président du collectif d'avocats qui défend les intérêts d’Ibrahim Bello.

Des miettes en guise de dédommagement

L’avocat conteste également la décision sur le plan des réparations du préjudice subi.

Les dommages et intérêts à verser par la Délégation générale à la sureté nationale au jeune homme ont été fixés par le tribunal à 50 millions de francs CFA. Pour sa réinsertion socio-économique, le gouvernement camerounais lui a octroyé un financement à hauteur de 500.000 francs CFA pour un projet dans son village. La victime, à travers ses avocats, avait exigé un dédommagement d’environ 1 milliard, compte tenu de sa longévité anticipée et de la gravité des séquelles permanentes laissées par les actes de torture qu’il a subis.

"Nous sommes très déçus par ce que l’Etat a alloué à Ibrahim Bello, pour installer une petite boutique", dénonce Jean Claude Fogno, secrétaire permanent de l’ONG Mandela Center international. "Vous ne pouvez pas avoir un enfant qui a tout perdu, les jambes amputées, le bras gauche paralysé et le laisser se débrouiller…C’est une insulte, c’est inadmissible", ajoute-t-il. L’ONG, qui suit cette affaire depuis le début, avait proposé que l’Etat finance un projet d’environ 50 millions pour Ibrahim Bello.

Dans une lettre dont VOA Afrique a obtenu copie, la famille d’Ibrahim Bello a rejeté catégoriquement les dons que le Centre national de réhabilitation des handicapés (CNRH, organe étatique) est venu offrir au jeune dans son village. Pourtant, ce centre a accueilli le jeune homme pendant trois ans lors de sa rééducation.

Pour l’ONG Nouveaux Droits, l’affaire Ibrahim Bello illustre à point le manque de sanctions dans des cas avérés de violations de droits de l’homme au Cameroun.

"Nous comptons nous appuyer sur le cas Ibrahim Bello pour faire bouger les lignes, autant que nous pouvons. En ce qui concerne la sanction des violations des droits humains au Cameroun, il ne s’agit pas de dire qu’il a été torturé, mais qu’est-ce que l’Etat fait pour donner la garantie de la non répétition s'il n’y a pas une sanction exemplaire", a confié à VOA Afrique Cyrille Rolande Bechon, directrice exécutive de l’ONG.

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