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Déjà affaiblis, les villageois de la région d'Aweil attaquent la "soudure"


Une famille installée dans la région d'Aweil, au Soudan du Sud, le 16 septembre 2016.
Une famille installée dans la région d'Aweil, au Soudan du Sud, le 16 septembre 2016.

La région est plutôt épargnée par la guerre civile qui a repris fin 2013 et pourtant, dans le nord-ouest du Soudan du Sud, la faim fait des ravages: ici, la pénurie de nourriture est cyclique et la population entre dans la période la plus difficile de l'année, la "soudure".

A 800 km environ au nord-ouest de Juba, l'Etat du Bahr el Ghazal du Nord enregistre des niveaux de malnutrition parmi les plus élevés du pays: deux de ses cinq comtés sont classés par l'ONU en situation d'urgence alimentaire, le stade précédent celui de la famine, déclarée en février dans deux poches du nord du pays.

Cette saison de vaches maigres qui débute, appelée la "soudure", correspond à l'épuisement des récoltes de l'année passée dans les foyers et au début des semailles, qui, si la météorologie se montre favorable et la situation sécuritaire demeure stable, ne porteront leurs fruits qu'en septembre.

Dans les champs entre la ville d'Aweil et la localité de Panthou à environ 60 km, adultes et enfants s'affairent, agenouillés, à retourner une terre rendue grasse par la pluie de la veille, à l'aide d'une longue perche en bois prolongée d'une lame en métal.

Le paysage plat n'a rien de désertique, parsemé d'arbres, de champs et de huttes en boue séchée aux toits de chaume soigneusement ouvragés; mais un dangereux cocktail de récoltes ratées et d'inflation galopante a plongé le million d'habitants de l'Etat dans une situation de pénurie alimentaire gravissime.

Diarrhée, vomissements

Ce sont les enfants, et notamment les moins de cinq ans, qui subissent de plein fouet le manque de nourriture, à l'image de Nyibol Lual Lual, fillette de deux ans et demi.

"J'ai emmené mon enfant dans le centre de santé parce qu'elle avait la diarrhée, des vomissements et que son état se détériorait", explique dans sa hutte des environs de Panthou sa mère, Achol Ayup, qui ignore sa propre année de naissance.

"J'ai cinq enfants. L'année dernière, j'ai essayé de cultiver mais les inondations ont emporté mes cultures. Il n'y a rien dans le jardin. Et parfois, si les voisins n'ont pas nourriture à me donner, je pars chercher des feuilles" de lalop, un arbre courant dans la région. Les feuilles en question sont pauvres en nutriments et leur consommation permet tout au plus de tromper la faim.

La petite Nyibol se nourrit depuis trois semaines de rations régulières de "plumpy nut", une pâte énergétique à base d'arachide distribuée par une ONG internationale à Panthou. Mais pour le reste du foyer, la situation ne semble guère devoir s'améliorer.

"L'année dernière, les précipitations n'ont pas été très abondantes et la récolte a été maigre. Cette année, les villageois ont déjà planté mais certaines parcelles sont inondées", l'eau de pluie ne pénétrant pas dans le sol, résume Judy Juru Michael, chargée sur place de programmes de nutrition pour l'Unicef, le Fonds des Nations unies pour l'enfance.

En attendant les récoltes à partir de septembre, les habitants dépendent pour se nourrir des marchés mais les prix y ont explosé sous l'effet d'une inflation galopante, conséquence directe de la guerre civile dans le pays.

La faim et le paludisme

Si la population de la ville d'Aweil parvient tant bien que mal à s'en sortir, celle, ultra majoritaire, des campagnes, est bien souvent complètement dépendante de ses récoltes et la crise alimentaire en cours va bientôt se doubler d'une autre crise, annuelle également: le pic de la malaria.

Dans l'hôpital de référence d'Aweil, les équipes de Médecins sans Frontières (MSF) se préparent activement à recevoir les enfants les plus atteints par la maladie, notamment ceux nécessitant une transfusion sanguine pour cause d'anémie.

Leur unité pour les enfants mal nourris souffrant de complications, infections respiratoires aiguës ou diarrhées, affiche déjà complet.

L'année dernière, l'ONG a dû ouvrir 120 lits supplémentaires, sur les 155 qu'elle gère dans l'hôpital, pour faire face à un pic très sévère de paludisme.

"Le pic paludisme est important parce qu'effectivement c'est une zone endémique mais en plus, les enfants qui rentrent dans le pic du paludisme sortent du pic de malnutrition et sont déjà affaiblis par la malnutrition", explique Aline Serin, coordinatrice de projet de MSF sur place.

Selon plusieurs travailleurs humanitaires sur place, les mois qui s'annoncent seront de nouveau très difficiles dans l'Etat du Bahr el Ghazal du Nord et de l'aveu de l'un d'eux, la réponse humanitaire parviendra au mieux "à stabiliser la situation".

Avec AFP

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